9 mars 2015, 17:42

JUDAS PRIEST : "Defenders Of The Faith" - 30th Anniversary Deluxe Edition

Album : Defenders of The Faith - Special 30th Anniversary Deluxe Edition

« Fast and Furious… » : si l’on prie pour que ces premiers mots introductifs n’aient pas inspiré les ânes de la franchise du même nom au cinéma, c’est tout de même sous le signe du speed (pas tout à fait la même came que MOTÖRHEAD, nonobstant…), que démarre cet album tonitruant. Et dont on fête aujourd’hui, sale coup de poignard dans le bide, le 30ème anniversaire - en fait, le 31ème, non ? L’album est sorti en janvier 1984…
« Defenders Of The Faith » s’inscrit miraculeusement dans son temps : déjà le 9ème album studio de JUDAS PRIEST en dix ans de carrière discographique, ce monument efface les sonorités commerciales dominant son néanmoins excellent prédécesseur, le chef d’oeuvre « Screaming For Vengeance », plutôt lissé pour convenir à un marché US qui leur rendra plutôt bien : double platine en 1982, tournée mythique et apothéose à l’Us Festival de mai 1983.

Ce marché américain enfin conquis, JUDAS PRIEST durcit considérablement le ton en 1984, bien décidé à récupérer leur couronne de seigneurs invaincus du heavy-metal. Les anglais font la nique à un speed-metal germanique de plus en plus en vogue et qui a peu ou prou récupéré toute l’armada du PRIEST, avec ACCEPT en tête des teutons. Les Anglais ne sont pas moins attentifs à ce qui se trame dans la région de San Francisco, et retroussent sensiblement les babines en réponse aux premiers séismes provoqués par METALLICA, EXODUS, SLAYER et consorts. Et en terme de heavy metal pur et dur, il n’y a plus grand monde à leur niveau en cette première partie des années 80 : BLACK SABBATH est quasi mort, et seuls les autres Anglais IRON MAIDEN s’affichent alors comme leurs plus dangereux rivaux - et aussi bons soient-ils, les DIO, SAXON et MANOWAR ne taillent pas des silex aussi affûtés qu’eux. Quant aux OZZY OSBOURNE, SCORPIONS, VAN HALEN et consorts, ils sont bien davantage tournés vers le mainstream et l’attrait grand public.

De l’expérience américaine qui leur a permis de se hisser parmi les géants du genre en-dehors d’Europe, JUDAS PRIEST conserve l’art de trousser des refrains monstrueux avec une triplette de chansons plus directes et accessibles (« Rock Hard Ride Free », « The Sentinel », « Some Heads Are Gonna Roll »), davantage calquées sur le modèle du début des années 80. Attention, rien de terriblement commercial pour autant : la production de Tom Allom, associé historique et forgeron chevronné de l’alchimie du groupe a une fois de plus concocté ici un son ahurissant de puissance et de robustesse, aussi heavy qu’il peut être étincelant. Les nouveaux fans n’ont qu’à bien se tenir ! C’est en effet avec le double uppercut « Freewheel Burning » et « Jawbreaker » qui ouvrent l’album que le PRIEST se montre le plus redoutable et incisif, avec un monument absolu du patrimoine speed-metal, taillé pour battre les records de vitesse sur asphalte, suivi de cette autre mandale dans la mâchoire.

Dans le sillage du heavy « Metal Gods », ode metal tiré de « British Steel » en 1980, JUDAS PRIEST forge un autre tube intemporel et si représentatif de l’époque : « Love Bites ». Ce n’est pourtant pas cette dernière qui sera taxée de sulfureuse et de sexuellement explicite par le P.M.R.C., mais bien la suivante « Eat Me Alive », classée comme un affront de plus à la morale, sous fond de speederies effrontées et des solos hystériques de KK Downing et Glenn Tipton, en course contre la montre alors que ça tricote sévère derrière.
Quant à la paire « Heavy Duty » / « Defenders Of The Faith », elle incarne ce faux hymne fédérateur, ce « We Will Rock You » heavy alors marque de fabrique des brummies, et qui fait suite aux brûlots de post glam rock pompier « Take On The World » et « United », annonçant par conséquent le pachyderme über-heavy « Monsters Of Rock », quatre ans plus tard. 
Seule « Night Comes Cown » calme quelque peu le jeu en fin de parcours, la furie des Dieux ayant déjà fait rouler quelques têtes sur l’autel des sacrifiés : pseudo power-ballade un brin bluesy et  ténébreuse, elle préfigure ce qui va suivre. Deux ans plus tard, la suite est un énorme gâchis, doublé d’un retour en arrière puant l’opportunisme : sentant que le hair metal prend le pouvoir sur le marché, JUDAS PRIEST décoche l’arme MTV avec « Turbo », soit un compromis d’une monumentale déception, avec guitares-synthé en bandoulières et bien en avant - ou presque.

Si « Defenders Of The Faith » était déjà ressorti en 2001 dans le cadre des Remasters de tout leur catalogue (l’âge d’or de 1977 à 1990, en excluant par conséquent leurs deux premiers albums, « Sad Wings Of Destiny » étant aussi essentiel…), ce nouvel anniversaire est l’occasion de fourrer l’album dans le même genre de packaging que l’édition 2010 de « British Steel », de glorifier la figure du Metallian, et donc de lui adjoindre un beau bonus. Il s’agit ici d’un concert bien connu des bootleggers, capté durant le "Metal Conqueror Tour" le 5 mai 1984 à la Long Beach Arena du sud de Los Angeles et diffusé en direct via l’immense réseau des radios nord-américaines. L’Arena bien connue des fans de metal californiens, fut aussi popularisée par le double-live d’IRON MAIDEN « Live After Death », capté dix mois plus tard lors de quatre dates du "World Slavery Tour" en mars 1985, gagnant une fois pour toutes la préférence des fans lors de cette nouvelle british invasion.
Pour autant, ce live phénoménal au son irréprochable est bien meilleur que « Priest… Live » sorti en 1987, et concentre la grande majorité de sa set-list sur cette première moitié des années 80, avec seulement quatre titres sur 21 empruntés aux magiques années 70 et immortalisées sur l’inégalé « Unleashed In The East » (aaaargh « Victim Of Changes » !!!). Pourtant, ce véritable best-of réunissant toutes les pépites de « British Steel », « Point Of Entry », « Streaming For Vengeance » et donc « Defenders Of The Faith », offre une vision assez excitante de l’hégémonie de JUDAS PRIEST sur le heavy-metal dont il a, la preuve en est ici faite, défini les principaux contours, tout en détenant seul le secret de son alliage.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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