17 mai 2015, 12:03

KING OF THE NORTH : "Sound The Underground"

Album : Sound The Underground

Bon, on est ravis. Pour plusieurs raisons :
La première, c'est que Bad Reputation, le label jadis tant aimé, vient enfin de nous retrouver une pépite inestimable. "Jadis" pour être un peu dur, parce que le label, si exigeant, pointu et incorruptible, n'avait, pour être honnête, pas déniché de signatures particulièrement marquantes ces quelques dernières années, à l'exception d'une petite poignée de disques agréables tels que ceux des madrilènes d'ELDORADO. Mais sinon... on regrettait amèrement l'ère pas si lointaine où les CRUCIFIED BARBARA, KORITNI, CASANOVAS ou encore ELECTRIC MARY faisaient partie des merveilles exclusivement trouvées par cet as français à l'expertise aigue. Si même les HARDCORE SUPERSTAR faisaient entre autres partie de son impressionnant catalogue il y a encore près d'une dizaine d'années, aujourd'hui seuls les très fidèles AMERICAN DOG lui vouent une allégeance totale, vétérans d'un roster qui comporte désormais des petits groupes forcément honnêtes mais franchement peu éblouissants. Certes, la barre était haute.
La deuxième raison principale de notre enthousiasme fraîchement revigoré, c'est que ça y est, on a enfin une alternative aux déjà agaçants ROYAL BLOOD. Bon, ne jouons tout de même pas trop les bégueules, ROYAL BLOOD c'est bien. C'est même très bien, puissant, pop, zeppelinien, accrocheur, direct et efficace. Mais aussi immensément surestimé. Les maisons de disques en général et les médias anglais et internationaux sont en tel manque de nouvelle sensation générationnelle qu'ils sont capables de hisser aussi hâtivement n'importe quelle formation certes prometteuse mais encore bien trop verte et franchement peu originale - encore moins charismatique.
Le drame : QUI donc pour assurer la foutue relève ??? Car il nous reste moins de dix ans avant que tous les dinosaures classic-rock s'éteignent TOUS. Et ce n'est pas vraiment chez les deux brittons joufflus et mal sappés de ROYAL BLOOD qu'on a notre nouveau tandem Mick Jagger / Keith Richards, croyez-moi... Pour avoir 1000 fois écouté leur album depuis août et les avoir vu plusieurs fois live, il est indéniable que les Anglais sont bons : mais lors de leur dernier Olympia, trop peu de sueur à mon goût, trop peu de risque, aucune image, une froideur maladroite, rien de très très foncièrement rock'n'roll, et un public médusé complètement brain-washé par toute la hype exagérément exercée sur tous les hipsters concernés de la planète - pauvres gros nazes de moutons, en passant. Tout ça pour dire que ROYAL BLOOD commence malgré eux à nous monopoliser l'espace et qu'on aimerait par conséquent que cela ouvre la brèche à une scène, une synergie, une émulsion, une bataille rangée.

Et donc PIM !, rentre dans l'arène KING OF THE NORTH. Bon, ne nous voilons pas la face, il y a peu de chance qu'ils soient choisis comme bande son du Grand Journal ou qu'ils squattent les couves' des Inrocks. Mais au moins avons-nous ici l'opportunité de saisir une alternative à ROYAL BLOOD avec un nouveau duo rythmique aussi tonitruant qu'inspiré.
Désormais comme de coutume chez Bad Reputation, le nouveau groupe du jour vient d'Australie, vivier bien vivace de productions honnêtes, pures et dures, libres et authentiques. KING OF THE NORTH répond donc à l'éthique du label, avec ces deux critères de choix essentiels : l'Australie et l'intégrité.
Les comparaisons avec ROYAL BLOOD se poursuivent puisque l'on peut mettre en parallèle cet art velu de taper très très fort avec un minimalisme certain, de générer une production assez colossale, de remplir par conséquent le cahier des charges zeppeliniennes, et comme les WHITE STRIPES il y a déjà quinze ans, de foutre un barouf du tonnerre avec la rage et le talent de deux seuls gusses possédés aux commandes.
Mais au-delà de ROYAL BLOOD, la formule KING OF THE NORTH est bien plus variée et ouverte, et évolue dans une veine particulièrement proche de SOUNDGARDEN, période "Badmotorfinger" voire "Superunknown" ("Paradise"), en empruntant donc logiquement à LED ZEPPELIN et à BLACK SABBATH. De ces derniers, on pourrait même tisser une trame quelque peu stoner, certains morceaux s'apparentant de très près à la nébuleuse de l'ami John Garcia, que ce soit chez KYUSS ("Take It Or Leave It" ressemble à s'y méprendre à "Odyssey" sur "Welcome To Sky Valley"), ou surtout chez UNIDA, dans un genre frontal bien plus gras et biker-rock, comme l'illustre ce "Surrender", merveille solaire et foncièrement rock'n'roll, mix idéal entre UNIDA et ELECTRIC MARY. Ca tombe bien, l'outback et le bush sont aussi propices au desert-rock entre freaks adeptes de virées dans la poussière et la rouille. On pense aussi à RAGE AGAINST THE MACHINE pour ses concassages rythmiques aussi groovy que virils, ou plus précisément AUDIOSLAVE dès le premier morceau "It's Been Too Long" qui rappelle quelque part le "Cochise" de leur premier album.

La production de ce premier album (qui réunit pour ce pressage européen nouveaux titres et leur tout premier EP) claque monstrueusement, générant une fougue et une vitalité contagieuses, tout en se montrant ample, grasse et lourde, contrastée et d'une vigueur tellurique. Une seule guitare miraculeusement bricolée à son pédalier offre ainsi une palette de sons démultipliés, provoquant confusion entre différentes pistes virtuelles de riffs tous plus costauds et une basse fantôme : franchement troublant de créer à deux ce qui sonne au moins comme un quatuor ! Quant à la voix, le parallèle entre Chris Cornell et John Garcia se pose là aussi comme une évidence assez assumée, Andrew Higgs chantant sur tous les morceaux avec une aisance remarquable. La première moitié de l'album est un sans faute exceptionnel avec des morceaux aussi géniaux et irrésistibles que "Into Your Eyes", ce "Surrender" déjà évoqué ou un "Ruby" très 70's - on ne ressent que quelques légères longueurs négligeables en dernière partie, bien que l'on retiendra tout de même un "Which Hunt" assez vif, fougueux et fuzzé qui pourrait évoquer de plus sourdes racines punk, tandis que l'élémentaire "Just Wanna Rock'n'Roll" est une plongée dans le rock de Detroit, MC5 en tête, et vient clore cette bombe douze titres avec son refrain basique à l'australienne !
Vous l'aurez compris, KING OF THE NORTH est une réussite totale qui a toute notre bénédiction et notre admiration, un vrai coup de coeur provoqué par la curiosité et tous ces échos dithyrambiques recueillis ci et là autour de leur nom.

Good job les KINGs, good job la Bad'.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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