10 septembre 2015, 12:37

HOLLYWOOD VAMPIRES : "Hollywood Vampires"

Album : Hollywood Vampires

Petite auto-promo en passant : au tout dernier chapitre de mon livre "Remember The Coop’" fraichement sorti en juin, j’aborde déjà les quelques premiers détails à peine filtrés du projet HOLLYWOOD VAMPIRES
9 septembre 2015, ça y est, le disque est entre nos mains, fébriles, après l’avoir découvert sous lien supra-sécurisé.

HOLLYWOOD VAMPIRES, c’est avant tout un club. Un club "privé", niché en mezzanine du petit bar à l’étage sous les combles du Rainbow Bar & Grill, LE meilleur restau-bar rock du monde, situé sur Sunset Boulevard, voisin immédiat du Roxy, et à trois blocs du Whisky a Gogo, vous voyez, quasiment en face du Viper Room. Soit le quartier le plus rock’n’roll de vos rêves… 
Et mon triangle d’or personnel. Lors de mes virées annuelles en Californie, je termine toujours mon périple par quelques jours à L.A, histoire de charger les sacs de voyage en disques et de baigner dans l’atmosphère si chargée d’histoire de cette Mecque du Rock. Et comme un pèlerin bête et presque discipliné, après avoir englouti une pizza pepperonis XXL du Rainbow avec une bouteille de pinot noir de la Napa Valley, je monte avec femme et gamine à l’étage, me recueillir et leur montrer à chaque fois, pour la énième fois, cette même vieille plaque en bois désignant, avec son écriture sanguinolente, le repaire des HOLLYWOOD VAMPIRES. En soit, rien d’impressionnant : une pauvre table et deux banquettes en skaï élimé encastré sous le toit de cette vieille grange transformée en 1972 en retraite orgiaque pour toutes les stars du rock du monde entier, et dans les années 80 comme lieu de débauche de toutes les stars et wanna-be rockers affiliés au hair-metal.

Mais à partir de 1974, jusqu’autour de 1978, Alice Cooper, plus vraiment ce monstre de foire haï par les parents, se complait dans une vie de jet-setter et s’entoure de toutes les stars de cinéma et de la télévision américaine, tel qu’il le fantasmait pendant toute son enfance. Mais il vit parallèlement une vie de débauche en fréquentant une bande de rockeurs complètement dingues et aussi portés sur la bibine que lui. En se retrouvant tous les soirs à leur table (cette table, là-haut !), Alice et ses potes finissent par créer le club des HOLLYWOOD VAMPIRES, créatures de la nuit qui viennent descendre dans leur antre des litres et des litres d’alcool, se livrant à des paris insensés et des compétitions de descentes de bouteilles entre alcooliques certifiés. Ses potes ? Keith Moon, batteur fantasque des WHO, John Lennon (qui vit un temps à L.A pendant son "lost week-end", soit sa longue séparation avec Yoko Ono…), ou Harry Nilson entre autres comme membres permanents, auxquels s’ajoutent des invités honorifiques, tels que John Bonham, Ringo Starr ou Marc Bolan… 

Devenus particulièrement proches depuis leur rencontre sur le plateau du film « Dark Shadows » de Tim Burton, Alice Cooper et l’acteur Johnny Depp (ancien propriétaire du rade d’en face, le Viper Room, et meilleur pote de Marilyn Manson…), n’ont de cesse d’évoquer un projet musical qui évoquerait ces années-là. Guitariste à ses heures perdues, Johnny Depp fréquente lui aussi les rock stars et, sans avoir jamais eu de groupe sérieux avec lequel tourner ou se permettre une carrière parallèle, vient régulièrement jammer auprès de ses potes dans les clubs du coin - voire ailleurs (le minuscule 100 Club de Londres avec Alice en juin 2011) -, ou même parfois sur de grandes scènes comme special guest.

Complètement sobre depuis septembre 1983, Alice Cooper forme ainsi un nouveau cercle, strictement musical cette fois, venant célébrer ses amis. Ses amis morts. Ses amis morts et alcooliques. Certains étaient déjà morts avant, tel Jim Morrison qu’il fréquentait assidûment lorsque le Alice Cooper Group galérait dans les petits clubs de Los Angeles à la fin des années 60. Si cela fait maintenant bien trois ans qu’Alice annonce ce projet auprès de Depp, sa conception a pris bien plus de temps qu’escompté : en tournant inlassablement sous la bannière « Raise The Dead », Alice posait déjà son concept sur les planches, en calant une série de reprises des DOORS, de Jimi Hendrix, des BEATLES ou des WHO au cours de ses sets plus classiques (notamment immortalisé sur le dernier « Raise The Dead - Live From Wacken 2013 »). Finalement, c’est autour de Johnny Depp (omniprésent à la rythmique), de Joe Perry (présent sur quatre titres seulement) et d’Alice que le groupe s’est recentré : l’album, en cours d’enregistrement, ne sera pas un énième opus solo, mais bien un disque signé HOLLYWOOD VAMPIRES ! Et les noms des invités sont finalement tombés, tardivement : outre le guitariste d’AEROSMITH, on salive sur la présence de Joe Walsh (THE EAGLES), Perry Farrell, Zak Starkey (fils de Ringo Starr et filleul de Keith Moon, d’évidence derrière les fûts !), Robby Krieger (guitariste des DOORS !), Kip Winger, les rescapés du ALICE COOPER GROUP Dennis Dunaway et Neal Smith (respectivement bassiste et batteur d’origine, ici curieusement sans Michael Bruce…), de quelques musiciens actuels d’Alice (Tommy Henriksen, Glen Sobel, et sa précédente guitariste Orianthi); mais aussi Slash et Dave Grohl toujours présents lorsqu’un truc all-star se présente, ainsi que Sir Paul McCartney !!! Sans parler de Brian Johnson (AC/DC !!!) et de Sir Christopher Lee, dont il s’agit ici du tout dernier enregistrement, quelques semaines avant sa mort. Décidément, un autre dead friend de dernière minute.

En ouverture de ce bal des Vampires donc, le Roi des suceurs de sang himself : Sir Christopher Lee, qui a personnifié Dracula dans d’innombrables films d’épouvante, et qui se fend ici d’un monologue à glacer le sang, aussi convaincant que celui de son vieil homologue Vincent Price (sur le « Devil’s Food » de « Welcome to My Nightmare » en 1975), et qui efface définitivement la prestation aussi risible que ridicule de Rob Zombie sur la suite « Welcome 2 My Nightmare » en 2011.

L’introduction « The Last Vampire » (tout est cohérent !!!) annonce l’un des deux morceaux originaux de l’album, « Raise The Dead », entre autres coécrit par Johnny Depp. S’il ne s’agit pourtant pas du titre le plus spectaculaire, il donne le ton, dans un hard-rock old school doté d’un refrain assez monumental et fédérateur. Entre modernité et classicisme, le son est l’œuvre du producteur historique d’Alice, Bob Ezrin ! Si ce dernier était revenu après du chanteur pour lui concocter « Welcome 2 My Nightmare » il y a quatre ans, l’immense gourou des consoles fait ici à nouveau des miracles, assisté de Tommy Henriksen, l’un des trois guitaristes de tournée d’Alice également producteur, programmateur et arrangeur sur la quasi-totalité des quatorze morceaux de « Hollywood Vampires ».
Suivent une bonne douzaine de reprises : certaines sont assez fidèles aux originales, avec une production aussi vintage que dynamique et dopée, et surtout un Alice pourvu d’une forme éblouissante. A 67 ans, le chanteur semble toujours sonner aussi vigoureusement qu’en 1991… Nous avons donc droit, côté classiques, aux « My Generation » de THE WHO (de nombreuses fois repris sur scène depuis des années, au moins quinze ans…), « I Got A Line On You » du SPIRIT de Randy California (déjà récupéré à une autre sauce pour la B.O de « Iron Eagle II » en 1988), les medleys « Five To One » / « Break On Through (To The Other Side) » des DOORS, « One » / « Jump Into The Fire » de Harry Nilsson, « Manic Depression » de Jimi Hendrix, « Jeepster » du T-Rex de Marc Bolan, « Cold Turkey » de John Lennon, « Itchycoo Park » des SMALL FACES… ou bien encore cette association naturelle entre « School’s Out » (avec les deux membres du groupe d’époque) et « Another Brick In The Wall », medley déjà éprouvé depuis des années en live par Alice, clin d’oeil à l’emprunt de PINK FLOYD à ce fameux tube d’Alice : c’est bien avant « The Wall » en effet que leur producteur Bob Ezrin avait intégré des choeurs d’enfants pour souligner le refrain universel de « School’s Out », sept ans avant le non-moins célèbre « we don’t need no education… ». 
Parmi ces reprises, exercice plutôt rare, Alice partage le micro avec quelques rock-stars plutôt célèbres : outre Perry Farrell de JANE’S ADDICTION, c’est Sir Paul McCartney que l’on retrouve au chant sur l’excellent « Come And Get It » (reprise de Badfinger qu’il avait lui-même composé en 1969, et où il joue ici également du piano et de la basse), et surtout ce « Whole Lotta Love » de LED ZEPPELIN partiellement remanié et réarrangé, surpuissant, et interprété en compagnie de Brian Johnson pour un résultat complètement jouissif ! Alice à l’harmonica, des parties de guitares incroyables de la part de Joe Perry, Joe Walsh et Orianthi, toutes slides dehors, et une dynamique de jeunes loups pleins de foutre - pourtant exécuté comme si leur vie en dépendait par ce club de sexagénaires survivants et débridés.
 


Enfin, crème de la crème, « Hollywood Vampires » se clot sur une nouvelle composition originale, un petit bijou de hard-rock 70’s complètement réminiscente de l’âge d’or d’Alice en solo dans les années 75-76, propulsé par un swing laid-back, une classe, une nonchalance toute californienne et un groove emprunté au music-hall, qui vient ici boucler la boucle : aussi sarcastique et grinçant son titre soit-il, « My Dead Drunk Friends » vient honorer de manière personnelle et assez fun tous ces amis et légendes du rock tombés au combat, la plupart ayant maintes fois roulé sous la table du Rainbow… Co-écrit à l’ancienne par Alice, Johnny Depp, Tommy Henriksen, Bruce Witkin (musicien de studio ami de Depp) et Bob Ezrin, ce tube potentiel s’inscrit en parfaite cohérence dans toute la discographie d’Alice Cooper. Et explose pendant un break hilarant où une horde d’espèce de zombies alcoolisés hurlent en choeur « and we drink and we fight and we puke, and we drink and we fight and we puke, and then we die !!!! », avant que le morceau ne se termine sur cette ligne de basse et ces accords de piano décalés, dernier écho au rock théâtral, horrifique et décalé du Maître, ici impérial, et au service d’un VRAI supergroup avec lequel il rend hommage à tous ceux qui ont succombé aux excès, lui ayant eu la sagesse d’arrêter à temps…

Blogger : Jean-Charles Desgroux
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