Glenn Danzig est une grosse radasse. On n'ira pas le lui dire en face, de toute façon, on n’en aura pas l'occasion : il est aussi chiche en ce qui concerne ses déplacements en Europe, et particulièrement en France. Pensez, à peine trois concerts en une carrière – et un seul en plus de vingt ans, c’était à Clisson, Hellfest 2013, The Valley, nous y étions : premier rang même, puis deuxième, puis troisième, puis dixième, puis second – bon, ça bougeait vraiment beaucoup dans la fosse, on a bravé tous les dangers pour en témoigner, le concert restera aussi historique que culte et dans le top 10 de l'auteur ému de ces lignes.
Niveau disques, pareil : à part un joli coffret d'inédits dans une long-box double, quoi de terrible à se mettre sous la quenotte depuis quinze ans ? L'affreux « Circle Of Snakes » que l'on évitera de réécouter plus que ça, et enfin le très bon « Deth Red Sabaoth », qui venait renouer en 2010 avec certaines racines du Danzig solo. Depuis, rien de rien, si ce n'est l'Arlésienne de ce disque de reprises, exercice éprouvé par tous les groupes de la planète et rarement réussi : on les compte sur les doigts d’une main. Danzig annonçait depuis des années et des années le chantier en cours autour de cette collection de morceaux qu'il affectionnait intimement. Quelques listes potentielles circulaient plus ou moins officiellement : au mieux nous attendions-nous à quelques reprises de BLACK SABBATH et d'Elvis Presley, l'Alpha et l'Omega de son inspiration principale depuis la création de son groupe solo, DANZIG, en 1988. D'Elvis, on s'attendait même à ce qu'il s'acharne sur lui, au point de voir sortir un album entier de covers du King.
Mais non. A la fin de l'été, le track-listing tombe et on nous envoie le son de ce fameux disque, « Skeletons ». Et comme on dit : « Et là, c'est le drame. » De BLACK SABBATH, no problemo, un petit “N.I.B” du premier album de 1970 est annoncé ; quant au Roi du rock'n'roll, on devrait savoir apprécier son interprétation de “Let Yourself Go”. Derrière une pochette d'une rare laideur qui associe sa relecture du « Pin-Ups » de David Bowie (son propre album de reprises sixties en 1973) et le corpse-paint mythique de ses années MISFITS, on est effaré par la médiocrité de la production. A côté, le maxi « Die Die My Darling » c'est « Hysteria » de DEF LEPPARD – vu ? Nom de dieu, comment peut-on à ce point foirer l'enregistrement d'un album, fût-il attendu depuis au moins cinq ans ??? Se voulant punk, old-school et underground, on tombe complètement à côté de la plaque : un son creux, insipide, sans relief, sans vigueur, sans rien.
Des guitares grésillant comme un toaster, une rythmique plate et la voix de Glenn qui sonne elle aussi à côté : là où l'on louait le chanteur pour la puissance, la justesse et la singularité de sa voix de crooner dark, à juste titre entre Elvis et Jim Morrison, on ravale d'un coup notre admiration entre nos amygdales hypertrophiées par l'amertume. Glenn Danzig sonne poussif et peu inspiré, le souffle court et sans conviction. S'il pense pouvoir nous avoir en nous faisant croire que ce chant bâclé et limite faux n'est pas une régression mais bien un retour à la spontanéité des MISFITS, on ne marche pas : dès “Devil's Angels” on s'étrangle. Sur “Satan” (du très obscur film de bikers Satan’s Sadists), pseudo rengaine fifties, on suffoque. Le fossé entre cette bouse et la manière dont il chantait son “You & Me” sur la B.O de Less Than Zero en 1987 est abyssal. La caution “punk” est encore plus soulignée sur le néanderthalien “With A Girl Like You” de THE TROGGS...
Bon, peut-être n'a-t-il pas eu le choix sur ses morceaux ? Naaaaan. Les deux tiers de cette maigre liste (dix titres) s'avèrent étonnants, plutôt inattendus et vraiment obscurs, ce qui pourrait être une bonne chose, notamment en ce qui concerne le “Action Woman” de THE LITTER (groupe garage 60's plutôt agressif), ici l’une des seules rares réussites de l'album... Mais que dire de ce “Rough Boy”, à l'origine enregistré en 1985 par ZZ TOP sur le radiophonique « Afterburner » ??? Rappelons-nous qu'à l'origine, cette ballade, méga-tube formaté pour MTV, était déjà l'un des pires singles jamais commis par le trio texan, mais ici, sa version est plus fade et laide encore : c'est bien simple, il n'y a RIEN. C'est aussi le néant total tout au long de cette cover insupportable du “Lord Of The Thighs”, jadis une perle présente sur le méconnu deuxième album d'AEROSMITH, « Get Your Wings » en 1974. Affreux. Et on ne peut pas croire que c'est le grand Tommy Victor (PRONG), son fidèle lieutenant depuis près de vingt ans, qui tient la guitare ici tant elle sonne mal, étroite, aiguë et faible. A ce propos, le riff de “Lord Of The Thighs” sonne comme un enregistrement sur cassette TDK de la première répét' d'un groupe de jeunes hardos en classe de troisième. Vous avez dit pathétique ?
Enfin, « Skeletons » se clôt dans une interprétation tout à fait moyenne de “Crying In The Rain” des EVERLY BROTHERS, avec une version piano et le concours d'une production d'un Phil Spector du pauvre, tous les micros semblant situés à au moins six mètres des amplis dans une salle immense. Là Glenn, tu parais si faible et si seul au monde... Aaaah j'ai si mal. Très mal. Aux oreilles, au cœur, partout. Glenn Danzig, comment as-tu pu ainsi bâcler ce travail ? Comment peux-tu ainsi nous foutre en l'air plus de vingt-cinq ans d'estime inébranlable ? Putain, je me suis marié sur ta musique, mec...