27 mars 2016, 18:55

PRONG

@ Paris (Le Divan du Monde)

Parfois, les rendez-vous avec le destin foirent lamentablement : on a beau profondément aimer un groupe, on le loupe à de trop grandes reprises pour des questions malheureuses de planning incompatible. De mémoire, la seule fois où je m'étais pointé devant le Divan du Monde pour mon premier concert de PRONG autour de 2003, la soirée avait été annulée à chaud, laissant une poignée de fans non informés un peu couillons sur le trottoir. Car depuis « Beg To Differ » en 1990, ce groupe new-yorkais a toujours accompagné mon quotidien, plaçant le trio de Tommy Victor parmi les formations les plus jouissives de ma hiérarchie personnelle. Rarement avais-je d'ailleurs autant pété les plombs lors d'un live : c'était en plein jour lors de l'édition 2013 du Hellfest et PRONG avait a-to-mi-sé la fosse de la Main Stage 2. Une toute petite heure ultra intense pour tous les fanatiques que nous étions, amassés dans le pit à réagir en dépit de notre santé mentale face à un groupe compact et revanchard.

Enfin, dimanche 27 mars 2016 : rendez-vous inespéré de (re)voir PRONG dans une si petite salle, en toute intimité. Première constatation, le Divan du Monde est loin d'être complet ce soir, la fosse n'est pas au summum de sa densité et le balcon est vide. Qu'importe : lorsque PRONG monte sur scène, l'émotion et l'excitation emplissent bien les lieux. Tommy Victor, leader incontesté du groupe depuis trente ans, chanteur et guitariste, également lieutenant de la garde rapprochée d'Al Jourgensen dans MINISTRY et de DANZIG, est une légende du metal underground, respectée pour son intégrité, son talent ainsi que son jeu si vif et mécanique à la rythmique si impitoyable.

Pendant plus d'1h15, PRONG assène le meilleur de sa carrière, tout en imposant bien sûr quelques récents extraits de son dernier album « X - No Absolutes » ("Ultimate Authority" en ouverture de soirée, de quoi situer le ton et le postulat, mais aussi "Sense Of Ease" et "Cut And Dry"), ou du précédent « Ruining Lives » avec "Turnover", ces deux derniers disques ayant prouvé l'excellente forme retrouvée par leur concepteur en terme de songwriting, rivalisant avec le meilleur des années 90 que nous chérissons tant. Années 90 d'ailleurs très copieusement fournies ce soir, puisque PRONG ne se montre aucunement avare en tubes : à titre personnel, ces morceaux brillants sont du même acabit que les étendards déployés par MACHINE HEAD ou PANTERA au cours d'un certain âge d'or où PRONG détient définitivement sa place. Allons : lorsque le groupe enchaîne "Lost And Found", "Beg To Differ" et "Rude Awakening", on est propulsé au septième ciel tant cette triplette est jouissive. Mais c'est lorsque Tommy Victor lâche les morceaux de son meilleur opus, le brillant et culte « Cleansing » en 1994 que les fans hardcore dans la salle éructent de plaisir : le brutal "Broken Peace", puis "Another Worldy Advice", couplé dans l'ordre avec "Whose Fist Is This Anyway ?" et le hit des hits, "Snap Your Fingers, Snap Your Neck", groovy et rutilant. 

Avec PRONG, rarement l'expression "power trio" n'avait pris autant de sens et d'impact, quelque part dans la lignée naturelle de CREAM, CACTUS, GRAND FUNK RAILROAD, puis MOTÖRHEAD ou CORONER. La concision et l'essence même de leur art au service de l'efficacité optimale, voilà la leçon du soir assénée par Tommy Victor, son fidèle bassiste Jason Christopher à l'attitude punk revendiquée, et son batteur Art Cruz dont le jeu fluide et puissant rappelle Raymond Herrera dans FEAR FACTORY. Peu prompts à jouer les stars devant ce parterre intimiste de fans ultra respectueux mais bien décidés à venir jouer des coudes ou à rebondir sur leurs semelles lors de quelques riffs bien sentis, les trois musiciens reviennent rapidement terminer la messe de Pâques : nous en sommes les apôtres privilégiés pour trois titres supplémentaires – et comme plat de circonstance au cours de cette Cène-là, "Revenge... Best Served Cold" se montre redoutable, au moins aussi bon que les psaumes des ères « Cleansing » ou « Rude Awakening », avec son gros chorus entêtant instantanément adopté par tous et qui fait déjà figure de classique depuis trois ans. C'est enfin avec le brutal "Power Of The Damager" que PRONG met fin à cette soirée trèèèèès attendue et qui n'aura jamais déçu, Tommy Victor affichant un sourire, une forme, un enthousiasme et un vrai plaisir d'être là parmi nous, qui n'avait d'égal que sa maîtrise d'un patrimoine unique.


Photos © Laurent Reymond à retrouver dans le portfolio.


Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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