26 mai 2016, 15:45

DEATH ANGEL

"The Evil Divide"

Album : The Evil Divide

Très jeunes pionniers de la scène de la Bay Area au milieu des années 80, les Californiens DEATH ANGEL furent surtout associés à deux albums mythiques du genre : le premier « The Ultra-Violence » et le troisième « Act III » en 1990, considéré comme plus aventureux et risqué, un pont entre leur thrash-metal historique et des incursions plus ambitieuses vers d'autres territoires, mélodiques ou expérimentaux.

Depuis son retour acclamé au tournant des années 2000, DEATH ANGEL livre régulièrement de nouveaux albums aussi agréables que mordants, mais qui sont, soyons honnêtes, encore loin d'égaler l'intérêt et même le niveau d'un SLAYER, d'un MEGADETH ou d'un MACHINE HEAD. Eternel outsider exclu du Big Four au même titre qu'EXODUS ou TESTAMENT, DEATH ANGEL n'éprouve néanmoins aucun complexe et ne bâtit pas son présent sur la seule nostalgie d'avoir été l'un des artisans les plus acharnés et persévérants de la scène thrash au cours de son âge d'or dans les années 80. Le groupe se satisfait amplement de livrer à ses fans, toujours plus nombreux, des disques honnêtes et animés par une passion jamais altérée, ni par le poids des ans ni par la nécessité de se rendre plus accessible.

Mais en 2016, trente ans après ses débuts (!!!), DEATH ANGEL sort son meilleur album, contre toute attente. Un huitième opus studio très très méchant. Si le précédent « The Dream Calls For Blood » s'était montré particulièrement agressif et virulent en 2013, le niveau est aujourd'hui largement égalé, voire surpassé, parvenant de surcroit à nuancer certains propos, ici plus mélodiques, là plus sophistiqués, et à ne jamais baisser la garde pour autant. En effet, le break de "Father Of Lies" est une superbe incartade mélodique, aussi lumineuse qu'emprunte de nostalgie, doublée par un solo complètement haletant de Rob Castevany. "Lost" est clairement assumé comme un mid-tempo surpuissant mais ultra-mélodique qui évoque les derniers ANTHRAX, l'effort sur les vocaux de Mark Osegueda étant particulièrement remarqué, tant en voix claire que sur ce refrain épique plus passionné.

Et ailleurs... c'est un carnage. On connait DEATH ANGEL comme des bêtes de scène capables de perpétuer l'esprit thrash de 1986 avec une vigueur intacte : sur disque l'intensité est la même, elle est juste magnifiquement produite par leur fidèle Jason Suecof en studio. On en voit certains agiter leur petit mouchoir blanc brodé : les pauvres n'ont pas connu les années 80 et se sont risqués à la manoeuvre - petit, il faut des épaules pour tenir la danse, ne te risque pas dans le pit à leur prochain concert, tu vas mordre la poussière, et pire, perdre deux trois canines sur les Docs coquées de tous tes nouveaux amis pogoteurs.

D'autres auraient espéré un EP : le double de tels morceaux est ainsi fatal pour les sensibles. Oui, il faut passer par ce genre d'expérience, écouter des disques de cette trempe pour savoir si l'on est vraiment FAIT pour écouter du metal. Si l'on en est digne, ou suffisamment robuste. T'as beau chialer petit, rougir, baver, faire ta crise de nerf, t'es pas fait pour ça. A moins que tu nous fasses le coup de l'épilepsie ? Pas étonnant avec des cavalcades metal d'une rare intégrité comme "Hell To Pay". Merde, t'avais pas lu la notice avant de mourir ? C'est DEATH ANGEL, mec...

D'où la nécessité de se procurer le disque en mains propres : avec un morceau comme "Hatred United, United Hate", la couleur est pourtant annoncée, les effets seront redoutables. Il y a même de quoi devenir complètement dingue à l'écoute de ces soli de dingues tricotés autour d'un tel riff. C'est du très solide : DEATH ANGEL a bien compris que le monde courrait à sa perte, ils nous en ont concocté la bande-son idéale. On a beau se prémunir et écouter la chose dans un salon, canapé en cuir et délicat casque Marshall sur les oreilles, en fermant les yeux, on est à Verdun, c'est la guerre.

Tu ne peux même pas en sortir, quelqu'un maintient la pression : "Breakaway" derrière annihile toute forme d'espoir d'en sortir sain et sauf. Hé les mecs, c'est du THRASH !!! Rappelons aux puceaux qu'à une époque, c'était dangereux. Fun, bon enfant, bruyant, vulgaire et assourdissant, mais dangereux ! Rappelons leur aussi qu'à l'époque EXODUS jouait dans le sang et n'hésitait pas à bousculer quelque peu les "poseurs" : les thrasheurs étaient des punks sans scrupules qui jouaient les jackass de service sans soucis des conséquences, mixant VENOM, MOTÖRHEAD, DISCHARGE et JUDAS PRIEST dans un bordel sans nom. Avec quelques années de plus, un certain talent et une personnalité unique, DEATH ANGEL perpétue les traditions et ne lésine pas sur les riffs. Il y en aura même double ration, générosité et jeunesse sans limite sur "The Electric Cell", des fois qu'on aurait pas bien compris.

"Let The Pieces Fall" achève l'album et confirme la sensation éprouvée à mi-chemin : « The Evil Divide » est un petit chef d'oeuvre, répondant autant au cahier des charges old-school qu'au soucis de s'imposer aisément dans notre époque. Beaucoup de groupes de metal modernes et bien lookés-comme-il-faut savent faire du bruit et gueuler en studio, mais avec l'expérience on sait vite reconnaître les roquets. Roquets qui vont vite plier les gaules lorsque "The Moth" va ébranler les membranes des enceintes : on est en territoire d'hommes ici, et seule la loi du plus fort compte.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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