28 mai 2016, 10:00

GIRLS FROM HELL

Les filles du Mosh Fest

Blogger : AnneM
par AnneM


Les femmes dans le metal. Elles représentent environ 20 % de la population des festivals et le chiffre augmente tous les ans. Elles viennent en couple, en famille, entre copines ou en solo et sont souvent de véritables passionnées. On a décidé de partir à leur rencontre et de réaliser un portrait de chacune d'entre-elles afin de mieux les connaître et les faire connaître.
A l'occasion du Mosh Fest à La Secret Place de Saint-Jean-de Védas aux portes de Montpellier, voici les pionnières de ce reportage qui se poursuivra durant l'été.



Isabelle : 51 ans de Montpellier
P'tite Nat : de Toulouse
Couscous : 35 ans de Sète bassiste d'ANTICLOCK WISE (punk/hardcore)

Depuis quand écoutez-vous du metal et des musiques extrêmes ?
Couscous : Depuis gamine, environ au CM2, je suis née à la Réunion où les esprits sont très ouverts niveau musique.
P'tite Nat : J'ai toujours aimé le rock, le punk... Je crois que c'est inné.
Isabelle : Gamine, j'écoutais beaucoup la radio, mais j'avais un gros manque. J'ai compris qu'un autre monde existait lorsque le grand frère d'une copine nous à fait écouter PINK FLOYD et MOTÖRHEAD.

Quel est votre style de musique/vos groupes préférés ?
C :
SEPULTURA.
PN : Le punk en général
I : Le hard-rock, le punk, le metal en général, le crust et MOTÖRHEAD !

Vous êtes venues seules, en groupe ?
C, PN, I :
En groupe ! (elles ne sont pas venues ensemble, mais se retrouvent régulièrement sur les concerts)

Dans votre entourage familial, ou professionnel, les gens écoutent du metal ?
C, PN, I : Non, personne ! (rires)

Et du coup, comment vous gérez cette différence ?
PN :
Rien à foutre du regard des autres !
C : La chose la plus importante, c'est d'être acceptée comme on est. Souvent, lorsque tu écoutes de la musique extrême, tu as une image de faf, c'est bizarre. Je n'ai jamais connu ça à La Réunion. Après, je respecte les autres et je garde ma panoplie de metalleuse pour les concerts et les initiés. Je ne m'habille pas de la même manière lorsque je suis en famille ou pour mon travail.

Qu'est-ce que vous diriez de plus au sujet de ce genre de musqiue ?
I :
C'est elle qui m'a permis de tenir dans les moments difficiles, elle m'a toujours accompagnée. En fait, mon plus grand kiff c'est lors d'un concert quand le groupe arrive à m'emporter jusqu'à en oublier tout, jusqu'à ma propre existence. Pas besoin de produits pour ça, la musique suffit.



Thifaine : 33 ans de Grenoble, infirmière
Emilie : 27 ans de Paris
Maryline : 29 ans de Chambéry, travaille dans le secteur de la vente

Qu'est-ce que vous écoutez habituellement comme musique ?
Thifaine : C'est assez large: metal, rock, indus, noise, classique, contemporain...
Maryline : Du rock, du metal et du grind.
Emilie : Ben moi, tu vas pas être déçue. C'est plutôt Véronique Sanson et du rock des années 60 ! (rires)

Depuis quand et comment êtes-vous venues à la musique extrême ?
T : Depuis l'adolescence et par mes fréquentations.
M : Mes grands frères écoutaient du hard rock et du metal, mes potes aussi.
E : Depuis quelque temps, j'accompagne des copines à des concerts organisés par des amis ; essentiellement de noise. Des fois c'est cool, et des fois... c'est franchement inaudible !

Vous êtes venues en ensemble ?
M, E : Oui et on a rencontré Thifaine sur place.
T : Je suis venue avec SATAN qui joue ce soir.

Comment vivez-vous le fait qu'il n'y ait pas beaucoup de femmes dans les concerts de metal ?
T : C'est vrai qu'on n'est pas nombreuses mais ça ne m'a jamais gênée.
M : Moi c'est mon milieu, je n'y fais pas forcément attention, je passe de bonnes soirées entre potes, c'est tout.

Comment gérez-vous le regard des autres par rapport au fait que vous écoutez du metal ?
T : Tu n'en parles pas avec n'importe qui. Au boulot, si certaines personnes savaient ce que j'écoute, elles seraient surprises (Thifaine est infirmière dans une maison de retraite). Mon entourage familial écoute plutôt de la musique festive, donc je ne parle pas trop de mes goûts personnels.
M: Je ne le mets pas forcément en avant, surtout dans mon milieu professionnel (vente). Mes frères savent bien sûr que j'écoute des trucs bourins, mais ma famille ne s'en rend pas compte.

Et toi Emilie, comment tu apréhendes ce milieu et cette musique ?
E : Ce n'est pas forcément une musique que je comprends, mais la soirée est sympa. Je vais de plus en plus à des concerts de musiques extrêmes, surtout de noise, et au final, je trouve toujours quelque chose qui me plaît. Paradoxalement à l'image que les codes vestimentaires renvoient, il n'y a rien d'agressif chez les gens. Ils sont sympas et surtout respectueux.


Sonia : 38 ans, Paris, professeur des écoles, hurleuse (grincore, festcore)

Qu'est-ce que tu écoutes comme musique ?
Sonia : Principalement du grindcore, mais aussi du death, du thrash, du doom, du punk-hardcore et du festcore, mais aussi du hip hop, de l'electro, de vieux RnB, de la cold wave et du classique avec une préférence pour Bach, Satie et Chopin.

Comment en es-tu venue à écouter ce genre de choses ?
J'y ai été initiée au lycée, enfin plutôt propulsée par un pote qui m'a fait écouter du MAIDEN entre deux cours. Une révélation ! C'était “Afraid To Shoot Strangers” de « Fear Of The Dark » et ça a changé ma vie ! (et vu l'éclat dans ses yeux, elle s'en rappelle comme si c'était hier.)

Tu fais beaucoup de festivals, de concerts, quels sont tes préférés?
Oui, je fais pas mal de festivals, mais pas autant que ce que je voudrais. Je vais à l'Obscene Extreme Festival en République Tchèque depuis dix ans, au Bloodshed Fest en Hollande depuis quinze ans, et à beaucoup de concerts et festivals en Belgique, surtout de grindcore, avec des groupes mythiques.

Tu es venue seule ce soir, comment gères-tu le fait d'être une femme dans cet univers essentiellement masculin ?
Je bouge beaucoup et vais souvent voir des concerts seule, mais en fait, j'ai des potes partout que j'ai rencontrés en festival. Ça crée des liens. Dans ce milieu il y a beaucoup de respect, mais tu n'es jamais à l'abri de tomber sur un mec bourré qui te met la main au cul. Le respect, il se gagne aussi dans le pit. Rester debout, donner des coups, en recevoir... Il y a beaucoup de sexisme dans le death, moins dans le grind et pas du tout dans le punk, ce qui est agréable, mais on n'est jamais à l'abri. Certains mecs sont vachement protecteurs, du style à te protéger dans un mosh alors que tu n'as qu'une envie, c'est de te retrouver au milieu du pit, c'est drôle. Il m'est arrivé lors de petits concerts d'être la seule fille dans la salle et ça, c'est vraiment étrange.

Au niveau de ta famille, ton boulot, il savent quel genre de musique tu écoutes?
Ma famille me trouve bizarre. Ma mère a même un peu peur, ils ne comprennent pas. Après, je n'ai jamais été embrouillée ou attaquée par rapport à mon style, mais il y a toujours un regard qui fait que je sens bien que j'appartiens à un autre monde. Après, je m'habille différement pour mon travail et lors des repas de famille par respect pour mon entourage. J'ai quelques amis qui n'écoutent pas de metal, mais peu. Je vis dans un monde essentiellement masculin. En fait, je n'ai que cinq amies “filles”, une seule n'écoute pas de metal.



Kris : 20 ans de Montpellier étudiante en comptabilité, bénévole à la Secret Place
LS : 21 ans de Montpellier étudiante en Histoire

Quel est votre style de musique préféré ?
Kris : Le hardcore et un peu de metal.
LS : Le black metal, le death old-school, le thrash old-school, le doom, le stoner et le hardcore.

Comment êtes-vous arrivées dans le monde des musiques extrêmes ?
K : Toute seule, vers douze ans. Avant j'écoutais du RnB et de la pop, j'ai découvert le hardcore sur YouTube!
LS : Plus jeune, j'ai découvert Marilyn Manson et j'ai évolué petit à petit dans les différents styles de musiques extrêmes jusqu'au black que j'écoute depuis environ un an.

Vous êtes venues ensemble ?
K : Non, je suis bénévole de temps en temps à la Secret Place et je me suis proposée ce soir car je voulais voir SEEKERS OF THE TRUTH et un peu DISCHARGE.
LS : Je suis venue avec des amis, que des mecs, mais on se croise souvent avec Kris.

Ça se passe comment, d'être une fille dans ce millieu ?
K : C'est cool, on nous offre tout le temps à boire ! (rires) Je n'ai jamais ressenti de préjugés. Dans le pit, je suis souvent la seule fille, j'ai parfois l'impression de les représenter.
LS : Il n'y a pas beaucoup de femmes mais les gens sont respectueux et ils aiment nous voir dans le pit. J'ai eu plusieurs remarques type « Ça fait plais' de voir une nana dans le pit ! ».

Au niveau de votre famille et de vos connaissances hors millieu des musiques extrêmes, comment ça se passe ?
K : Ma famille n'écoute pas du tout de metal et ils ne savent pas que j'en écoute. Par contre c'est un truc qu'on partage avec ma coloc'. Les gens savent que je n'écoute pas ce qui passe à la radio mais ça ne va pas plus loin. Au niveau fringues, c'est sûr que le tee-shirt metal, en entretien, ça ne passe pas. Des fois, je m'amuse à en porter un avec un tailleur. J'en profite tant que je suis étudiante, après, on verra. Je m'adapte.
LS : Mon père était un peu inquiet à l'adolescence, mais ma mère a été metalleuse plus jeune. Je ne te dis pas la tête de ma grand-mère lorsqu'elle a vu mes rangeots. Je ne me cache pas, surtout à la fac et je me fous bien du regard des gens. J'ai déjà eu des remarques mais rien de bien grave.

Vous allez souvent à des concerts, des festivals ?
K : Je vais à beaucoup de concerts de hardcore, j'ai fait le Grasspop l'année dernière en Belgique et je vais aller au Hellfest cette année.
LS : J'ai vu plus de 70 groupes en un an. Cet été, je vais faire le Motocultor et le Fall of Summer, l'année prochaine ce sera le Brutal Assault.

Une anecdote ?
K : Il n'y a pas longtemps, je me promenais dans la rue, je me suis fait interpeler: « Hey !! C'est pas Halloween ! ».


Marie : 50 ans du Tarn

Qu'est ce que tu écoutes habituellement ?
Beaucoup de thrash,  j'ai commecé jeune, vers six ans avec mon frère plus âgé qui écoutait les RAMONES, METALLICA, SLAYER... Mais je n'ai jamais été groupie.

Tu vas souvent à des concerts ?
Oui, je bouge pas mal sur Toulouse mais aussi en Allemagne et en Espagne, j'aime surtout les petits festivals et le Netherlands Deathfest aux Pays-Bas.

Tu es venue avec qui ?
Je suis venue en couple et avec un groupe d'amis.

Comment tu évolues dans le monde du metal essentiellement masculin ?
C'est dommage qu'il n'y ait pas plus de filles. Il faut savoir se poser, dans l'ensemble je n'ai eu aucun souci, juste de petites anecdotes . La musique crée des liens, ça m'a permis de rencontrer plein de gens, comme un genre de famille. C'est un milieu bon enfant, plein de gros nounours pas comme dans le monde du rap qui est vraiment violent.

Justement, tes anecdotes ?
Une fois au Motocultor, un mec m'agrippe et essaie de m'embrasser. J'ai du le repousser fermement. Il me regarde et me sort « T'es pas rock'n'roll, toi ! » . Comme si être rock'n'roll impliquait d'embrasser le premier venu ! Une autre fois, même festival, un type à poil en train de se masturber au milieu du pit, juste à côté de moi. Personne ne s'en était aperçu, du coup, c'était plutôt drôle (!).

Au niveau de ta famille, tes relations professionelles, comment ça se passe ?
J'ai toujours dissocié ma passion pour la musique de ma vie de famille et professionelle. En fait, au boulot, je n'en parle pas du tout. J'ai cinq enfants qui sont au courant. Je les ai laissé découvrir seuls le monde du metal, je ne voulais pas les influencer. Lorsqu'ils sont arrivés en me disant « Maman, j'ai découvert un nouveau groupe, écoute ça » et que je me suis retrouvée avec du metal, je leur ai expliqué que c'était la musique que j'écoutais. Je leur ai fait découvrir d'autres groupes plus anciens mais toujours en leur laissant le choix. C'est chouette de partager ça avec ses enfants.


Elisa : 31 ans de la Réunion, technicienne de spectacle, batteuse de REPTILICUS (duo crust-thrash) et ZOLDIR NOIZ (raw punk thrash)

Comment en es-tu arrivée aux musiques extrêmes ?
J'ai un bagage varié concernant les percus. Mes parents écoutaient du rock 70's et je me suis vite avérée boulimique de musique. Je me suis orientée seule vers la musique extrême, mais il y avait une poignée de metalleux à La Réunion. J'ai assisté à plusieurs bœufs, on s'échangeait des K7, des magazines... Mon grand frère écoutait de l'electro, je m'y suis intéressée pendant un moment mais ce n'était pas assez extrême dans la rythmique.

Dans tes groupes, tu es la seule fille ?
Oui ! Et franchement, je n'ai pas envie de jouer dans un groupe de filles. Ce serait trop facile d'arriver avec un girls-band par rapport au regard sur la musique extrême jouée que par des filles. Tu te retrouves classée girls-band et pas groupe, on t'écoute avant tout parce que tu es une curiosité, pas forcément pour ta musique.

Comment tu gères le fait d'être une femme dans ce milieu ?
Dans mon boulot, il n'y a pas beaucoup de nanas, je suis déjà en marge des conventions. C'est difficile de garder sa part de féminité dans le mosh – un bon maquillage water-proof, il n'y a que ça de vrai ! - ça booste beaucoup. J'ai rencontré des gens bien, des gens vrais et pas de machos. Il faut être soi-même et assumer sa différence musicale même si ce n'est pas évident de dire ce que l'on écoute à cause des préjugés. On me fait souvent la remarque « Tu tapes comme un mec, ça fait plais' » alors que je trouve mon jeu plutôt féminin. En fait l'important c'est surtout de taper.

Un truc invraisemblable qui te soit arrivé ?
J'ai été appelée à amener un projet thrash dans du théatre classique et j'ai réalisé une performance dans Flame de Rodrigo Garcia lors de laquelle la batterie extrême s'est retrouvée confrontée à du flamenco classique. Ça m'a donné l'envie d'amener la musique extrême dans des lieux et à un public improbables.


1h du mat', le Mosh Fest se termine. Merci les filles et rendez-vous lors de la prochaine étape au Download Paris 2016...


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1 commentaire

User
vir NIV
le 28 mai 2016 à 15:11
Trés bel article et belles photos !!! ça fait plaisir de voir un peu du coté des filles comment ça se passe! ;)
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