30 mai 2016, 19:38

Interview Vintage

Ronnie James Dio - Novembre 1993


« Maman, tu as déjà interviewé RAMMSTEIN ?
- Non mon cœur, c’est un très gros groupe et je ne fais plus beaucoup d'interviews…
- Et Slash, tu l’as déjà interviewé ?
- Oui, deux fois.
- Et tu as interviewé aussi Myles Kennedy alors ?
- Ah non, j’aimerais bien. Mais Slash, c’était à l’époque de GUNS N’ ROSES, enfin, avant qu’ils ne se reforment, quand tu n’étais pas née. Et je l’ai aussi rencontré quand il a formé SLASH’S SNAKEPIT. (Mine décomposée de la pré-ado, ambiance “marcheur blanc” sans trucage, qui réalise que sa mère a au moins 275 ans et Slash aussi. Les enfants sont formidables.)
- Moi, je préfère Myles Kennedy à Axl Rose de toute façon…
- Oui, mais Myles n’était pas connu à l’époque…
- Tu pourras me montrer les interviews de Slash ?
- Euh oui, mais je ne sais pas où sont rangés les magazines… »

Il aura fallu quelques semaines pour que l’alignement des planètes et la découverte d’une reliure Moto Verte contenant quelques numéros de Hard-Rock Magazine (alors que les reliures HRM contenaient des magazines de moto... va comprendre, Charles !) me permettent de mettre la main sur quelques reliques. Celles d’un temps révolu où Internet n’était même pas une hypothèse et où la presse écrite française spécialisée metal vivait bien. D’où l’idée – avalisée par Christian L. et Chris Dr. – de replonger dans la malle aux souvenirs et de poster, de temps en temps, une interview “vintage” publiée à l’époque dans HRM. Comme le ciel, Slash peut attendre : R.J. Dio ayant fait le saut de l'ange il y a un tout petit peu plus de six ans et BLACK SABBATH venant donner au Hellfest ce qui devrait être son concert d’adieu, c’est l’un des plus grands chanteurs du metal qui ouvre le bal.
 

(HRM 109 – décembre 1993)

DIO
La Part des ténèbres

Le retour de Dio au sein de BLACK SABBATH aura été de courte durée et n’aura pas survécu aux concerts d’adieu d’Ozzy que le chanteur a tout simplement boycottés. Mais Ronnie James n’a pas encore dit son dernier mot puisqu’il revient avec un septième album sous le nom de DIO, et un réalisme qui lui faisait jusque-là défaut. Adieu arcs-en-ciel, bonjour ténèbres…

Le malheur des uns fera toujours le bonheur des autres. Pendant que plus de la moitié des fans de hard de la planète se réjouissait de la reformation en bonne et due forme du line-up originel de BLACK SABBATH, que Tony Iommi et consorts se sentaient pousser des ailes à la seule pensée qu’ils allaient regagner leur crédibilité perdue en même temps qu’une bonne poignée de billets verts, Ronnie James Dio masquait. Lui si heureux de retrouver ses compagnons de route (le temps de l’album « Dehumanizer », sorti en 1992), après s’être lancé dans une carrière solo dont on ne retiendra guère que les deux premiers albums, réalisait qu’aussi bons que furent « Heaven And Hell », « Mob Rules » et « Live Evil », le BLACK SABBATH qui continue à faire rêver est celui de son auguste prédécesseur, qu’il remplaça en 1979.

Ainsi, treize ans après s’être fait limoger du Sabbat Noir au profit de Ronnie James Dio, Ozzy prenait-il en quelque sorte sa revanche. Son grand ennemi de l’époque, Tony Iommi, responsable de son renvoi, jouait en première partie de ses deux concerts “d’adieu” à Costa Mesa, en novembre 92, et, accompagné de Geezer Butler et Bill Ward, ne partageait sa scène que le temps de quatre classiques de BLACK SAB. De plus, Osbourne se donnait un droit de regard sur la set-list de son “support band” de luxe en lui interdisant de jouer certains titres de sa période. Furieux, Dio refusa donc de participer à cette « mascarade » et se vit aussitôt remplacé par Rob Halford, futur transfuge de JUDAS PRIEST, lui aussi originaire de Birmingham. Onze mois plus tard, notre lutin-chanteur, resté particulièrement silencieux depuis son deuxième divorce avec BLACK SABBATH, revenait avec « Strange Highways », nouvel album enregistré sous le nom de DIO.
 


© Photo Promo / Iommi.com - DR


Onze mois se sont écoulés depuis ton départ de BLACK SABBATH. Peut-on savoir à présent pourquoi tu as refusé de monter sur la même scène qu’Ozzy ?
Pour le public, j’ai tout simplement refusé de partager la même scène que lui lors de ses soi-disant concerts d’adieu à Costa Mesa, mais c’est moins simple que ça. Au moment où Ozzy a contacté Tony pour que BLACK SABBATH ouvre pour ses deux derniers concerts, nous étions en tournée aux USA avec EXODUS et TESTAMENT. Mon opinion a été claire tout de suite : je trouvais que si BLACK SABBATH s’était reformé, ce n’était pas pour jouer, avant même la fin de notre tournée en tête d’affiche, en première partie de l’ex-chanteur de BLACK SABBATH !
De plus, le management d’Ozzy m’avait appris que je ne pourrais pas jouer les chansons que je n’avais pas enregistrées sur album, comme “Paranoid”, “Iron Man” ou “War Pigs” et j’appelle ça de la censure, ni plus ni moins ! Nous étions BLACK SABBATH, ce qui n’était pas le cas d’Ozzy puisqu’il a choisi de faire une carrière solo. Je comprends qu’en tant que “maître de cérémonie”, il ait eu envie de choisir les chansons qu’il interpréterait, mais du coup, notre prestation n’aurait plus voulu dire grand-chose… Voilà pourquoi j’ai refusé de participer à cette mascarade, et bien entendu, il en est ressorti que j’avais d’énormes problèmes d’ego alors que je voulais tout simplement donner un véritable concert de BLACK SABBATH, pas une parodie ! Ils ont alors fait appel à Rob Halford, ce qui m’a amené à penser que ma présence n’était pas très importante…

Il est donc peu probable que tu rejoignes BLACK SABBATH une troisième fois ?
Jamais je ne referai cette erreur ! Je savais que ces deux concerts ne pouvaient rien amener à BLACK SABBATH. La preuve : Ozzy a repoussé la réunion "à une date ultérieure" et du coup, Tony et Geezer ont rappelé Tony Martin pour enregistrer un nouvel album (qui sortira fin janvier)… A la suite de ces deux concerts, nous n’avons jamais rediscuté du futur de SABBATH – si nous allions achever la tournée que nous n’avions pas finie, si nous réenregistrerions un nouvel album, rien ! Il n’y a jamais eu la moindre discussion ni la moindre explication après notre dernier concert ensemble. Je suis extrêmement déçu.
 

« Je trouvais que si BLACK SABBATH s'était reformé, ce n'était pas pour jouer en première partie d'Ozzy, l'ex-chanteur de BLACK SABBATH !  » – Ronnie James Dio


Certains pensent que tu étais également vexé de voir que la réunion du line-up originel de SABBATH prenait des allures d’événement alors que ton retour dans le groupe apparaissait comme presque anecdotique…
Mon seul regret est que nous n’ayons pas continué. Quand j’ai rejoint BLACK SABBATH, ce n’était pas pour un seul album mais pour le reste de ma vie, comme à chaque fois que je m’implique dans un projet. Je pensais que nous referions plusieurs albums ensemble et que nous ne nous séparerions jamais. Je suis particulièrement déçu car j’aime beaucoup «Dehumanizer» et je prenais énormément de plaisir à jouer avec Tony et Geezer. Je tiens à préciser encore une fois que, si j’ai refusé de jouer à Costa Mesa, c’est uniquement parce que je pensais que ça ne pouvait rien apporter au groupe, au contraire, mais je n’ai aucune animosité envers personne. Je leur souhaite à tous beaucoup de succès.

Pourquoi avoir attendu 1991 pour vous reformer ?
Notre séparation a duré douze ans, mais auparavant, j’étais trop pris par ma carrière personnelle pour me lancer dans ce genre de projet.

Donc, cette reformation de BLACK SABBATH servait tout le monde puisque ta cote de popularité déclinait, tout comme celle de Iommi & Cie qui cherchaient vraiment à regagner leur crédibilité perdue…
(Véhément) Non, pas du tout ! La dernière incarnation de DIO avec Rowan Robertson (NDLR : le jeune guitariste que l’on retrouve sur « Lock Up The Wolves » sorti en 1990) m’a donné entière satisfaction. Mais j’ai tellement dû jouer le rôle de professeur, en expliquant à mes musiciens comment je concevais le groupe, que ça n’était plus amusant. Je ne pouvais plus me contenter de me concentrer sur le chant,  tandis qu’avec BLACK SABBATH, chacun savait exactement ce qu’il avait à faire et je n’ai pas eu à m’impliquer dans la production non plus. Je me contentais d’être moi-même et c’est ce qui me convenait si bien.
Douze années se sont écoulées car auparavant, personne de BLACK SABBATH ne m’avait jamais proposé une réunion en bonne et due forme, jusqu’au jour où, à la fin d’un concert américain de DIO, Geezer est venu me voir. Il m’a appris que Tony songeait fortement à reformer le groupe, tout comme lui et, bien entendu, ils voulaient connaître mon opinion. J’ai pensé que le moment était venu, d’autant plus que j’avais envie de retourner au heavy metal et de m’ouvrir davantage à la réalité et aux ténèbres, et c’est ce que SABBATH m’a permis de faire.

Contrairement à la précédente formation de DIO où tu avais recruté Robertson et Teddy Cook, de jeunes musiciens sans grande expérience, tu as fait appel cette fois à des instrumentistes plus confirmés.
Jeff (Pilson) n’est pas un inconnu puisqu’il a été bassiste de DOKKEN et je ne ferai à personne l’affront de présenter Vinny (Appice, le batteur) qui m’accompagne depuis des années. Le moins connu du grand public est mon guitariste, Traci G., qui faisait partie de WWW III (NDLR : sans conteste le groupe le plus lourd du monde, dans tous les sens du terme…) mais qui était sur le carreau depuis un moment, car il ne trouvait pas de groupe qui réponde à ses aspirations. Et j’admire tout particulièrement les musiciens qui préfèrent attendre leur heure plutôt que passer d’un groupe à l’autre.

Tu tournes actuellement en Grèce avec FREAK OF NATURE, le groupe post-WHITE LION de Mike Tramp, et des dates européennes sont annoncées un peu partout, sauf en France. Pourquoi ?
Il était dans mes projets de jouer en France, mais on m’a dit que rien n’était prévu pour moi dans votre pays. Il semble qu’aucun organisateur ne croit suffisamment en DIO pour nous donner l’opportunité de jouer chez vous et je dois dire que ça me désole. Je pensais que nous pouvions nous produire sans complexe dans la même salle parisienne que celle dans laquelle a joué BLACK SABBATH (l’Elysée-Montmartre), mais certains ne sont pas de cet avis. Mais je veux que tout le monde sache que cette décision n’incombe pas au groupe.

Ton nouvel album, « Strange Highways », est beaucoup plus heavy que tes derniers LP solo. Est-ce la continuité logique de ce que tu aurais aimé faire avec BLACK SABBATH ?
Non, c’est un désir personnel de durcir mon approche musicale et d’aborder des sujets plus sérieux, plus réalistes, comme je l’ai fait avec BLACK SABBATH. « Strange Highways » ne parle ni de sorcières, ni de dragons, ni d’arc-en-ciel. Je ne peux plus écrire de lyrics aussi légers quand tout va si mal autour de nous. On dirait que nous n’avons plus de futur ; la planète elle-même se révolte contre les hommes qui sont son cancer, partout il y a des guerres, politiques ou religieuses, le racisme règne en maître, le sida fait des millions de victimes, des enfants de 10 ans tuent un garçonnet… La situation est terrible, horrible !

Mais cela fait des années que la situation est ainsi. Pourquoi t’a-t-il fallu si longtemps pour sortir de ta léthargie ?
Mais la situation n’avait jamais été aussi catastrophique ! Il y a dix ans, c’était différent. Je ne peux pas continuer à mentir en faisant comme si tout allait bien. Il est de mon devoir de crier notre rage afin que les gens prennent conscience que la situation n’est peut-être pas encore désespérée, qu’il n’est peut-être pas encore trop tard pour revenir en arrière. Mais le temps nous est compté...


© Photo Promo / William Hames - DR
Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
Ses autres publications

1 commentaire

User
Philippe Alexandre
le 31 mai 2016 à 11:25
Tien c'est marrant je suis retombé sur ce HRM l'autre jour en rangeant mon garage, j'ai rassemblé mes vieux Hard force, mes Hard n heavy , metal hammer, Les rock hard que je suis depuis le début... De temps en temps j'en remonte un et je le lis au chi.... Enfin je les lis quoi! Et j'ai relu cette interview y'a pas si longtemps.
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