12 juin 2016, 17:39

RAMMSTEIN

@ Paris (Download Festival)

Quitte à n’en choisir qu’un seul, jusqu’à présent, c’est à ce concert parisien du "2016 Sommer Festival Tour" de RAMMSTEIN et aucun  autre, qu’il fallait être. Malgré la pluie, malgré la boue, malgré la terrible rumeur qui filtrait d’Orlando vers l’Hippodrome de Longchamp et qui adressait une sale piqûre de rappel à beaucoup de festivaliers qui s’y retrouvaient aussi un peu pour finir de panser les plaies du 13-novembre : la Main Stage du Download Festival Paris a eu droit, de la part des Teutons incandescents, à un morceau de plus que les autres scènes visitées par le groupe depuis le début de la tournée. Et quel morceau !


En une seule édition, s’en étant donné les moyens, le Download Festival a convaincu qu’il disposait du potentiel, non peut-être pour concurrencer frontalement le Hellfest, mais pour y offrir une alternative – ou un complément. En d’autres termes, malgré de probables pertes d’exploitation, dans un contexte compliqué cette année par le climat sécuritaire, les grèves, l’Euro de foot, sans parler d’une météo automnale depuis des semaines, le Download parisien semble bel et bien parti pour s’installer durablement sur les terres défrichées par Solidays. Après un week-end globalement très réussi, sous l’angle du line-up comme en matière d’organisation (même si la perfection n’est pas de ce monde), comment mieux conclure un festival metal, fût-il clairement mainstream, qu’avec un concert de RAMMSTEIN ?

Par souci de préserver autant de surprises que possible pour tous ceux qui croiseront le chemin de Till et sa bande cet été, et peut-être dès le week-end suivant à Clisson, ce compte-rendu ne s’attachera pas aux dispositifs scéniques et pyrotechniques (toujours effroyablement impressionnants) du show, mais se concentrera sur l’équilibre de la set-list.

Comme les fans de RAMMSTEIN le savent déjà, cette tournée s’ouvre par un nouveau morceau, "Ramm 4", sorte de patchwork composé des titres des chansons du groupe, servi par un esprit indus old-school et un refrain simplissime, immédiatement repris en chœur par la horde : « Ja, nein : Rammstein ». MOUAIS. La private joke est plaisante, mais facile. Bref c’est pas l’énorme entrée en matière format "Ich tu dir weh", mais ça fait forcément über-plaisir de les voir de retour sur scène, en chair, en os et en énergie fossile, Till, Richard Z., Paul, Ollie, Flake et Doom. Alors bon, ok : JA! NEIN! RAMMSTEIN!

La plateforme VIP tremble une première fois, sur le refrain de l’excellent et très martial "Reise, Reise". "Hallelujah" fait ensuite son retour sur la set-list de RAMMSTEIN, après sans doute une bonne décennie d’absence. Ce morceau fantôme et mystérieux de l’album « Mutter » (2001), évoquant un prêtre pédophile, résonne certes toujours avec l’actualité, en particulier française, mais cette ambiance de cauchemar uniforme seulement soulignée vers la fin par les orgues de Flake brise un peu l’élan pris par le set grâce au surpuissant titre précédent.

"Zerstören" relance sensiblement la machine et annonce enfin une série véritablement dantesque, enchaînant "Keine Lust", "Feuer Frei!", "Seeman", jusqu’à "Ich Tu Dir Weh" puis "Du Rieschst So Gut", portée par un crescendo d’effets visuels. A côté, un ami journaliste très aguerri, niveau concert viril, mais qui découvre RAMMSTEIN sur scène, profite d’une courte pause à la fin de "Du Rieschst So Gut" pour glisser à ses voisins : « J’ai toujours adoré leur humour, mais c’est incroyable comme leur sens de l’ironie ressort, en concert. ».

"Mein Herz Brennt" permet de reprendre son souffle, jusqu’à un tunnel en apnée, composé de "Links 2-3-4", "Ich Will" et… "Du Hast", scandé par le chœur de la foule, comme de tradition. Ce morceau peut décidément offrir le sentiment qu’il est le plus immense jamais conçu pour être joué en live : communion ultime, frissons formidables, tremblement de terre comme aucun autre galop n’en provoquera jamais à Longchamp.



Mais c’est "Stripped" qui ponctue le set principal. Le choix de cette reprise a pu paraître étrange, depuis l’origine : pourquoi diable RAMMSTEIN a-t-il “déshabillé” ce morceau de l’énergie et de l’émotion que DEPECHE MODE lui avait données ? Peut-être simplement l'humour et le sens de l’ironie évoqués plus haut… Pourtant, ce choix de conclusion confirme une impression générale diffuse, mais tenace : beaucoup de “ballades” quand même, sur cette set-list, au détriment de titres sans doute plus puissants et magnétiques – ah, "Heirate Mich", "Stein Um Stein" ou encore "Rammstein", dans quelles limbes insondables êtes-vous tombés ?

Au rappel survient d'abord le cadeau inattendu offert par RAMMSTEIN à Paris : Till entonne "Frühling In Paris" (tiré de « Liebe Ist Für Alle Da », 2009), l’histoire de cette virginité laissée à une poule de Paname, au printemps : une sorte de "Lacs du Connemara" steampunk et en allemand, qui convoque aussi la môme Piaf. Une ambiance grandiloquente pour un chant poétique, repris intégralement avec une ferveur émue par les fans les plus avisés et germanistes. Pour beaucoup d’autres, ce morceau laisse peut-être à l’esprit le loisir de vagabonder, sans doute dans Paris, Paris meurtri, Paris endeuillé, mais Paris debout, Paname centre du monde, au moins cette nuit, au moins aux yeux de RAMMSTEIN – « Merci, je t’aime » lâchera simplement Till avant de quitter définitivement la scène parisienne, une poignée de minutes plus tard.

Car il reste encore « Amerika », comme à contre-emploi : ce chant dénonciateur de l’hégémonie culturelle étasunienne résonne ce soir, à la lumière crue des événements d’Orlando, comme le « Nous sommes tous Américains » de l’éditorial du Monde, sans doute le 13 septembre 2001 – ben oui, ils font chier à paraître datés du lendemain, après on sait plus. C’est la dernière grosse calotte derrière la tête : fin du set un peu en roue libre, sur un mode contemplatif, avec "Engel" et "Sonne". Amis photographes, c’est le moment de défourailler les longues focales et de s’amuser.

Malgré une set-list par définition et sempiternellement critiquable, cette fois peut-être donc pour un manque tout relatif d’intensité, il n’est toujours de RAMMSTEIN que RAMMSTEIN : aucun autre groupe de la galaxie metal ne laisse à ce point son public pantois, vidé, béat, persuadé d’avoir vécu un moment privilégié, dont l’écho continuera de résonner pendant des siècles. Et la tournée vient de commencer, les mecs sont en grande forme : il n’y avait strictement rien à redire sur leur exécution.


Toutes les photos de Rafaël Lobejon dans le portfolio.


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