29 août 2016, 19:29

MONSTER MAGNET

Rééditions

C’est la rentrée, frères et soeurs !
Ou presque. Pour moi oui. 
Alors il était temps de sortir de la man-cave ce gros gros lot de rééditions reçues plutôt tardivement avant les vacances - elles sont déjà disponibles chez vos disquaires préférés depuis le mois de février.
Et quelles rééditions : celles d’un des groupes les plus fascinants de notre ère, MONSTER MAGNET !!!
 

Premier aparté, tiens : un jour, un seul, MONSTER MAGNET m'a déçu. Ce jour du 26 novembre 2000 à Paris où les QUEENS OF THE STONE AGE en ouverture les ont salement détrôné, une sévère déculottée même, Dave Wyndorf s'étant complu toute la soirée à livrer un show emprunt de ridicule, un ersatz de cirque heavy-metal eighties où le chanteur, moulé dans une combinaison de cuir brodée flaming, avait feint de fracasser une guitare en flammes sur les planches de l'Elysée Montmartre. Rencontré dans la nuit sur le trottoir du boulevard Barbès, une groupie complètement enlacée autour de son corps façon love-me-like-a-reptile, Wyndorf, yeux rouges d'albinos, m'avait confié dans un rictus halluciné « I loooooove to burn guitars ». Pffff.

Sur cette tournée venant promouvoir leur dernier album en date « God Says No », MONSTER MAGNET avait joué le jeu "stars du rock", Wyndorf étant devenu ce qu'il n'était pas destiné à être, un trouduc mégalo ronflant et forcément stupide, galvanisé par le succès du single « Space Lord » et par conséquent la consécration de leur album précédent « Powertrip », un monument de heavy-rock US, certes amplement plus produit, mais émaillé de putain de tubes, comme on dit dans le jargon. 
Mais à l'époque, Wyndorf prenait les mauvaises drogues : ne nous leurrons pas dans le politiquement correct s'il-vous-plait, nous n'allons pas en faire l'apologie, mais reconnaissez tout-de-même que quelques trucs venant fondre ou titiller les synapses provoquaient des effets vachement excitants sur les artistes et leurs adeptes depuis le milieu des années 60. Autour des années 2000, fric, succès et égo obligent, Dave Wyndorf se roulait dans la poudreuse façon escalope panée, et ce n'était alors pas son meilleur choix de dope : on préfère le leader du Monstre Magnétique la tête dans son bong façon chat dans un bocal à poisson rouge, en train de machouiller des champignons gros comme des artichauts ou bien une collection de timbres-postes imbibés de LSD sous la langue. Car l'essence même de MONSTER MAGNET, c'est ce heavy-psychédélique lysergique qui a participé à l'étiquette "mushroom" du genre stoner, pas une caricature de macho-metal pour mullet-heads congestionnés.
Et donc, on préfère largement tripper en boucle sur les 32 minutes onze secondes de « TAB…25 », cauchemar chimique incantatoire de l'EP « Tab » en 1991 que de s’enfiler les tentatives de tubes écrits dans l’espoir de prolonger le succès et donc de passer sur MTV, tel que venait démontrer "Heads Explode" en 2001 - loin d’être un mauvais titre en soi, mais bon…
 

Mais entre les deux époques, et entre les deux exercices, il y a tout l'héritage MONSTER MAGNET, cette panoplie pour apprenti sorcier qui jongle entre l'héritage psychedelic shit du gourou Wyndorf, déjà un vétéran de la scène underground aux débuts du groupe, alors passionné par HAWKWIND, et son aspect plus commercial - tout du moins accessible - au moment de sa reconnaissance lorsqu'il était hébergé par la major A&M en plein milieu des années 90.

Si leur riche discographie démarre avec une poignée d’EPs et le séminal « Spine Of God » en 1991, ce sont les quatre albums « Superjudge » en 1993, « Dopes To Infinity » en 1995, « Powertrip » en 1998 et donc « God Says No » en 2001 qui ont été hébergés par le label, contribuant ainsi à révéler MONSTER MAGNET au reste du monde. Si « Powertrip » est donc le splendide sommet commercial du groupe au sommet de sa popularité bien au-delà du cercle stoner (un genre qu'ils ont amplement contribué à développer, malgré eux, auprès des KYUSS et autres FU MANCHU), ce sont bien les deux précédents qui représentent à la perfection l'identité du groupe, mariant leurs copieuses influences space-rock avec un sens aigu du song-writing, des compétences maitrisées en studio où jams peuvent être captées au service des chansons, et une captation aussi magnifique que dantesque de leur son. De cette alchimie unique, c'est bien « Dopes To Infinity » qui fait office de chef-d'oeuvre indétrônable du genre, l'une des quatre-cinq pièces angulaires du stoner-rock de la décennie alternative, et propulsé par le single "Negasonic Teenage Warhead". Single expéditif et vif, à mille lieues des expérimentations sous acides qui prenaient une face entière de vinyle ; sans renier ses racines, Wyndorf a préféré l'urgence, le domptage de son monstre, sans alors jamais se fourvoyer dans la facilité ni la trahison de ses visions. Ici on reste dans l'authenticité et l'intégrité de la fin des années 60, tout en basculant dans le hard-rock des années 70. On pense au MC5, aux STOOGES, à CACTUS (la reprise de "Evil" de HOWLIN WOLF, via le prisme du groupe 70’s !), à BLACK SABBATH bien sûr, mais aussi surtout à CAPTAIN BEYOND et STEPPENWOLF : MONSTER MAGNET est de cette trempe et sait autant faire planer que passer un coup d'accélérateur en se montrant viril, velu et féroce, à l'image d'un CIRCUS OF POWER et de toute une scène biker-rock trop méconnue. On dira quand-même qu'entre deux spliffs, Dave s'aligne quand-même un paquet de rails de speed, histoire de varier les humeurs.

    
D'humeur, c'est plutôt en mode peluche smiley béat que l'on a réceptionné ces rééditions MONSTER MAGNET : les quatre albums sus-cités viennent en effet d'être TRES soigneusement repackagés, remastérisés et agrémentés d'un second disque remplis raz-la-gueule de bonus. Façon digipacks Deluxe manufacturés par Spinefarm Records, et accompagnés de livrets riches en mémorabilia et essais, ces quatre double-CD sont l'évènement de l'année pour les fans du groupe, déjà rassasiés ces derniers temps par les versions personnellement remixées par Wyndorf lui-même de ses derniers albums.

Commençons par « Superjudge » et ses extras : un morceau inédit tiré d’une B-side ("Unsolid"), ainsi qu’une douzaine de titres lives (deux versions de "Nod Scene" !), tirés de EPs divers, d’autres B-sides de singles, et de sessions BBC.
Avec « Dopes To Infinity », deux morceaux rares en bonus ("Eclipse This" et le modeste "I’m Five Years Ahead Of My Time"), suivis de quatre autres sessions BBC, et de divers mixes de "Negasonic Teenage Warhead".
Pour « Powertrip », le deuxième CD nous offre deux autres raretés studio ("Big God" et "The Game"), ainsi qu’une reprise du puissant "Kick Out The Jams" du MC5 (deux versions, clean et explicit), deux mixes du single "Space Lord", et surtout, pour finir, le EP live japonais sorti à l’époque et enregistré à Las Vegas où Wyndorf s’était installé pour raconter la ville la nuit alors qu’il enregistrait l’album - et donc ici six morceaux en concert, dont le vicieux et heavy "Bummer". 
Enfin, moins copieux, le CD n°2 de « God Says No » propose cinq morceaux : la bande-originale du film d’animation "Heavy-Metal 2000" avec "Silver Future", les deux chutes de studio "I Want More" et "Leapin’ Lizards", ainsi que trois splendides reprises, "1970" (THE STOOGES), "Into The Void" (BLACK SABBATH), et l’étonnante "Black Celebration" (DEPECHE MODE), tirée du célèbre Tribute tant plébiscité en 1998, « Various Artists For The Masses ».

Vous comprendrez, frères et soeurs, qu’il est comme URGENT que vous vous précipitiez sur ces rééditions, surtout si vous vous faites encore remarquer par l’absence flagrante de ces opus dans votre discothèque, qui n’est pas vraiment digne d’en être une en ce cas.


  

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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