11 octobre 2016, 16:43

TEMPT

"Runaway"

Album : Runaway

De prime abord, on aurait assez naturellement très vite zappé ce disque avec sa pochette quasi-anonyme sans attrait, éclat, ni couleur - à la limite une pauvre démo sous format digipack d'un groupe punk sans grande imagination. Rien de très sexy...

QUE NENNI !!!! Lorsqu'on observe de plus près, l'objet est estampillé ROCK CANDY, soit l'un des meilleurs labels au monde responsable d'innombrables rééditions d'albums épuisés, cultes ou méconnus de groupes des années 80. AOR, sleaze, glam metal, hard FM, classic-rock, même quelques pépites des années 70, et de grands classiques Hair Metal, Rock Candy possède au sein de son catalogue d'incroyables disques richement réédités, accompagnés d'inédits, de démos, et de liner-notes copieusement rédigées par les meilleurs spécialistes.

Mais jamais le prestigieux label n'avait osé franchir le pas de signer un artiste neuf et original et ainsi lancer une nouvelle carrière : après des années saluées par la profession à réévaluer des oeuvres du passé, Rock Candy craquait pour des jeunes. Des jeunes new-yorkais qui restent néanmoins ancré dans une certaine tradition : TEMPT n'est ni plus ni moins qu'un vent de fraîcheur porté par l'héritage des aînés, DEF LEPPARD et VAN HALEN en tête. Loin d'incarner un ersatz du circuit scandinave déjà annonciateur d'une certaine nostalgie en Europe au cours des années 2000, et certainement pas axé sur la dérision respectueuse du glam metal à l'instar de STEEL PANTHER, TEMPT répond à tous les codes des années 80 dans cette sphère bien balisée, mais cherche avant tout à mettre en avant sa modernité, son dynamisme et surtout un sens aigu du song-writing, impressionnant et affûté.

"Runaway" est long : quinze titres c'est en effet a priori trop lourd pour appréhender en toute spontanéité la totalité d'un premier album inconnu. Pourtant, il s'apparente complètement à un greatest-hits : une somme de tubes idéalement combinés et qui sonnent miraculeusement aussi familiers alors qu'on les découvre. Sans jamais verser dans le plagiat, TEMPT réussit l'admirable tour de force de nous offrir de nouveaux classiques ! On en connait bien sûr d'autres qui excellent dans la formule, mais TEMPT possède ce je-ne-sais-quoi de singularité et de talent en sus pour faire sonner ses chansons comme des hit-singles grands crus qui auraient caracolé dans le Top 10 entre 1983 et 1988 auprès d'AUTOGRAPH, EUROPE, WINGER ou WHITE LION, à l'instar de cet irrésistible "Under My Skin" qui séduit définitivement d'emblée après un premier morceau découverte et mise-en-bouche, suivis par "Paralyzed", "Use It" ou encore "What Is Love" qui confirment fermement que l'on a affaire à du très sérieux.

Pas avare en riffs suffisamment velus ("Sapphire" est l'un des titres les plus ouvertement metal, de la rythmique à son solo malmsteenien), TEMPT utilise à merveille des synthés certes très présents mais colorant habilement les chansons sans les envahir par excès de zèle. Parfois sont-ils dominants et riches en saveurs et épaisseurs, ou bien plus discrets pour souligner une rythmique qui répond aux cahiers des charges du hard FM traditionnel.

Mais ce qui constitue en premier lieu la force colossale de TEMPT, ce sont ces mélodies immédiatement mémorables et ces chorus si harmonieux sur lesquels se déploient des choeurs de dingues, maîtrisés comme ceux de DEF LEPPARD à la grande époque. Ainsi le refrain de "The Flight" évoque quelque part le "House Of Fire" d'ALICE COOPER - et donc une signature mélodique si accrocheuse que n'aurait pas renié Desmond Child en 1989 !

Point de disque glam-metal sans SA ballade à faire chialer le plus bourru des rednecks, seul dans sa piaule de motel en train d'éponger ses larmes sur un mouchoir brodé : que l'on ait 14 ans et le coeur brisé par les premiers tourments ou tout juste 41 et capable de frissonner comme une midinette, "Time Won't Heal" a beau répondre à tous les clichés du tube habituel de MTV en 1989, ça fonctionne encore à mort, à un point tel que l'on pourrait radicalement remettre en question les limites de l'exercice. La dernière fois que j'avais entendu un truc aussi convaincant, propre et poignant c'était il y a quelques années avec "Moth To The Flame" par NEW DEVICE sur leur album "Takin' Over" - avis aux connaisseurs.

Plus classique est "Run Away", évidemment gorgée de synthés scintillants et d'un refrain époumonné et passionné, que l'on rapprochera de DEF LEPPARD et RATT...

Sans aller bouffer à tous les râteliers, TEMPT trempe aussi sa patte dans un heavy-rock toujours aussi FM mais plus festif : " Love Terminator" se montre un poil plus graveleux et coquin, et lorgne du côté de POISON, tout en bénéficiant de leurs arrangements toujours plus astucieux et classieux. Juste derrière, ça continue d'ailleurs à s'encanailler davantage, façon DANGER DANGER sur "Fucked Up Beautiful". Encore une démonstration super hyper efficace où l'on est transporté à Los Angeles en 1990 - plus hard, plus sleazy, des riffs plus mordants, des choeurs "woooh woooh" en veux-tu-en-voilà, et un refrain scandé avec virilité : normal, là on est à quatre sur de la groupie.

De toute évidence, cette seconde partie d'album affiche sa facette la plus carnassière, après nous avoir d'abord séduit dans le sens du velours avec des morceaux radiophoniquement corrects : "Neuro Child" monte encore d'un cran dans la démonstration hormonale, muscles bandés et poses macho-man le temps de ses 2'30 - dépassées de quelques secondes et d'intensité sleazy sur "Dirty One" où le thermomètre à cul fait bouillonner le mercure. En tout cas, à cette étape du disque, quand on fait les comptes, on tient le hit final, le n°14... (la quinzième plage n'étant qu'un mix différent de "Aamina").

Curieux : on a vraiment l'impression qu'à mi-parcours les mecs du groupe se sont débarrassés de leur clavier et qu'ils entament un virage drastique ! Quoi qu'il en soit, "Runaway" s'impose cependant comme l'une des surprises les plus bandantes que l'on aie pu entendre en vingt-cinq ans, plus exactement depuis septembre 1991 où un clip aux teintes rouille est venu éradiquer toute une époque...

A l'issue d'une écoute aussi revigorante, on ne peut qu'applaudir la décision de ROCK CANDY d'avoir misé sur cette toute première signature, après avoir largement fait ses preuves dans la sauvegarde et la valorisation de tout un patrimoine - ici d'évidence étendu en toute cohérence...   

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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