Parmi la déferlante de jeunes loups qui tentent chacun à leur manière de remettre au goût du jour l’esprit du metal de la mort nordique estampillé fin 80/début 90, GATECREEPER mérite un coup d’œil plus qu’appuyé. Pas que nos cinq enragés de Tucson, Arizona, soient plus evil que leurs petits camarades mais parce que ceux-ci ont ajouté à leur sauce suédoise une bonne louchée d’ingrédients qui sortent quelque peu du cadre de la recette initiale. On ne reviendra pas sur la production coulante comme un bon vieux claquos qui ressuscite le temps d’un album ce son gras-double que façonnait avec amour un certain Tomas Skogsberg il y a plus de deux décennies dans son antre du Sunlight Studio. Et au petit jeu du qui a la plus lourde (je parle de la production bien sûr), le duo Kurt Ballou au mix et Brad Boatright au mastering se pose là en sérieux concurrent.
On ne refera pas non plus le coup de la pochette ésoterico-mystique de toute beauté, inspirée par les œuvres d’un certain Dan Seagrave, ici troussée de main de maître par un Adam Burke (PERDITION TEMPLE, MARE COGNITUM, OCCULTATION, ETERNAL CHAMPION…) visiblement bien inspiré. On ne pourra enfin pas faire l’impasse sur ce groove à décoller le bassin qui fera trépigner jusqu’au dernier des nostalgiques de la grande époque. Non, en fait, GATECREEPER s'écarte du chemin pour lequel ont opté ses petits copains revivalistes par une approche plus massive, profondément mid-tempo qui le rapprocherait dans l'exécution de la vieille garde anglaise, un BOLT THROWER assagi, un BENEDICTION des familles ou le CARCASS au top de sa forme dans sa période death metal.
Et il était temps ! Formé depuis 2013, GATECREEPER n’avait jusqu’ici enfilé qu’un EP et une poignée de splits sulfureux histoire de muscler les poignets avant de se présenter aujourd’hui avec ce « Sonoran Depravation » dans sa besace. Un bestiau mal rasé, bas du front qui s’annonce sous les meilleurs auspices dès les premières minutes avec le furibard "Craving Flesh" qui témoigne lui aussi d’une envie d’en découdre palpable dès les premiers accords. C’est lourd, gras, direct et bourratif comme une plâtrée de Poutine royale expédiée au fond du buffet ! Et on en redemande ! Alors on enchaîne dans la foulée deux titres du même acabit qui mêlent groove de la mort et embardées monolithiques avant que ne déboule l’un des grands moments de ce premier album. Je parle bien de "Desperation", un brûlot d’à peine deux minutes qui donnera des sueurs froides aux plus endurcis d’entre vous pendant que "Stronghold" ravivera la flamme d’un certain « Wolverine Blues » dans la mémoire collective des autres. Rien à redire, l’album est parfaitement homogène et le rythme tourne à plein régime jusqu’au final dodu "Grotesque Operations", bourré de mélodies à l’ancienne et que l’on sent prêt à exploser sur un final ébouriffant. Boum !
Bon, entre nous, GATECREEPER n’a pas pour ambition de réinventer la roue avec ce « Sonoran Depravation » relativement classique dans le fond mais l’énergie qu’il met à la tâche rend ce premier album séduisant. Pas de faute de goût, une production musclée qui sert à merveilles les intentions d’une section rythmique aux abois, voilà une copie propre et sans bavures qui ravira les fans des débuts de la sainte triarchie suédoise. Tout comme elle saura aussi satisfaire les afficionados de l’école anglaise du début des années 90 et ceux qui vénèrent les cousins 'ricains d’OBITUARY ou SIX FEET UNDER, auprès de qui GATECREEPER emprunte cette vision simple… mais foutrement efficace du death metal.