1 novembre 2016, 18:30

Max Cavalera

Interview "Return to Roots"

Une tournée “Return To Roots” des frères Cavalera qui passe par le très convoité Festival Nancy On The Rocks le 4 novembre, quasiment 20 ans jour pour jour après la tournée “Roots” au Zénith en 1996 (souvenirs, souvenirs…), puis à Paris (Elysée-Montmartre) le 3 décembre ! Nous ne pouvions manquer sous aucun prétexte ce retour aux sources et encore moins une interview avec Max quelques jours à peine avant que ne débutent les hostilités européennes.


Salut Max ! Au moment où nous nous parlons (vendredi 28 octobre NdR), tu es donc toujours aux USA ?
Oui, oui, on vient de finir notre tournée américaine. Nous sommes en ce moment à Phoenix (Arizona), mais nous nous apprêtons déjà à nous envoler pour l’Europe.

Vous avez effectué plus de 30 dates aux Etats-Unis. Comment te sens-tu ? Pas trop fatigué ?
Non, c’est super ! La tournée a été incroyable. Nous avons fait des concerts exceptionnels, des festivals avec SLAYER, GHOST, SUICIDE SILENCE, et nous avons aussi réalisé notre propre tournée en tant que tête d’affiche avec des dates à Los Angeles, Dallas et au Canada… C’était vraiment une grosse tournée, mais c’était fantastique ! Nous adorons reprendre l’album « Roots » dans son intégralité et la réaction des fans est tout simplement incroyable !

Sur cette tournée, as-tu eu le temps de profiter d'autres concerts comme spectateur ?
Oui, j’ai déjà vu SLAYER à de nombreuses reprises mais cette fois, c’était particulier. Nous avions un très bel endroit, avec de belles scènes et un personnel vraiment gentil avec nous, un emplacement spécial pour Iggor, Gloria (Cavalera, son épouse et manageuse Ndj) et moi où nous avons pu assister au show en entier. Mon frère Iggor (son prénom s'écrit avec deux g, désormais NdR) a fait un bœuf avec ZAKK SABBATH, le groupe de Zakk Wylde qui joue du BLACK SABBATH, ce qui a été très cool. SUICIDE SILENCE était super aussi, j'ai beaucoup aimé. Nous avons vraiment passé de bons moments aux Etats-Unis, mais j’ai hâte de venir en Europe.

Et on vous attend de pied ferme ! Qu’est-ce que ça fait de jouer « Roots » en entier, vingt ans après sa sortie ?
C’est un sentiment étrange, mais intéressant. Maintenant que le temps a passé, l’album a acquis une sorte de maturité. C’est un album très spécial. Je l’ai presque disséqué pour faire cette tournée “Return To Roots” et redécouvert dans les moindres détails. C’est un vrai défi de l'interpréter aussi bien qu'à l'époque tout en improvisant quelques passages pour les rendre encore mieux que ce qu’ils étaient sur le CD et je crois que nous y parvenons. Je pense que certaines chansons rendent mieux en live, comme "Ratamahatta" ou "Look Away". C’est vraiment enthousiasmant !

"Avec Lemmy, on s’entendait parce qu’on fait ce métier par amour du metal..."
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Max Cavalera


Certaines chansons n’avaient jamais été jouées live auparavant. Quel est ton sentiment par rapport à ça ?
En effet, beaucoup d’entre elles au bout du compte. Pour une raison inconnue, sur la tournée “Roots”, nous n’en jouions que cinq. Pourtant, l’album est long, avec plus d'une heure de musique. Nous n’avons jamais joué "Itsari", la chanson avec les Indiens, "Look Away", "Endangered Species", "Dictatorshit", "Ambush" qui comporte un bœuf à la batterie entre Iggor et moi. Je joue aussi du berimbau au début d"Attitude". C’est un show vraiment complet, vraiment divertissant à regarder du début à la fin.

Outre l'album « Roots », quels autres titres jouez-vous sur la tournée ?
Nous devions jouer un peu plus longtemps en tant que tête d’affiche de la tournée, avec des chansons en rapport avec « Roots », alors en parallèle, nous faisons une reprise de CELTIC FROST, "Procreation Of The Wicked", une reprise de "War" de Bob Marley qui est comme une version heavy dub reggae metal, et "Ace Of Spades" de MOTÖRHEAD qui nous a vraiment inspiré puisque le nom de SEPULTURA vient d’une de leurs chansons. On fait donc cela en hommage à Lemmy. On joue une version vraiment punk de "Ace Of Spades", avec beaucoup d’énergie, ainsi qu'une nouvelle version de "Roots" qui s’appelle "Roots 2016" et qui est incroyable ! C’est une version ultra-rapide. Tu vois, comme QUEEN qui avait deux versions de " We Will Rock You" sur l’album « News Of The World » ? Une version rock et une version rapide à la fin de l’album, une version “stade” qu’on entend dans les matchs de football ou autre.
Donc on a repris cette idée de QUEEN et on joue en fait "Roots" deux fois pendant le concert avec deux versions : l’originale et la version 2016 qui est une folie pure, du metal hardcore, du vrai thrash. C’est vraiment très cool, beaucoup de gens ne s’y attendent pas, alors ils sont très surpris. C’est même très drôle ! C’est génial, parce que pour la version originale de "Roots", j’ai enregistré quatre démos qui avaient déjà une fin beaucoup plus rapide, donc je pense que cette nouvelle version de "Roots" en live est en fait connectée à la version originelle, telle que je l'avais conçue au tout début. C’est vraiment bien d’être en lien avec les prémices de l’album à la fin du show. On revient réellement aux racines de "Roots". Un vrai retour aux sources !

Pourquoi avoir changé le nom de la tournée de “Back To Roots” par “Return To Roots” ?
Je ne sais pas. Je pense qu’il nous a semblé que le nom “Return To Roots” sonnait mieux. On a conçu tout le merchandising sous le label "Return To Roots", donc le nom est pour ainsi dire bloqué et officiel.

Tu parlais de Lemmy tout à l’heure. Bientôt un an qu'il est parti... Quelle a été ta réaction lorsque tu as appris son décès ?
Immensément triste, parce que je le connaissais. Nous avions fait quelques tournées ensemble. J’ai quelques souvenirs mémorables avec lui. J’ai une espèce de lien particulier avec Lemmy. La plupart des musiciens étaient à sa botte, mais je ne l’ai jamais été. Et je pense qu’il trouvait ça cool d’avoir une relation plus saine, un peu comme si au départ on ne s’appréciait pas plus que ça, mais en fin de compte, nous avions beaucoup de respect l’un envers l’autre. Et je pense qu’il aimait le fait que je ne sois pas tout le temps en train de lui dire : « Lemmy, tu es un Dieu » ou des choses comme ça.

C’était une relation respectueuse en fait ?
Oui, c’était plus une relation amicale. Avec Lemmy, on s’entendait parce qu’on fait ce métier par amour du metal, on n’avait pas besoin de s’encenser.
 

"On est très contents de revenir à Nancy pour ce festival, ça va être un super show !"
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Max Cavalera



Revenons à cette tournée : comment vous en est venue l’idée ? Et pourquoi ce choix de l’album « Roots » ?
Je n’ai aucun mérite, c’était l’idée de ma femme Gloria. Elle nous regardait, Iggor et moi, jouant "Roots" à Londres et la foule était en transe. C’était très excitant et à ce moment-là, elle nous a dit : « Je pense que vous devriez jouer tout l’album, toi et Iggor. Je ne crois pas que les fans veulent tout le groupe, ils te veulent toi et ton frère ! » et je pense qu’elle avait raison. Nous sommes les membres fondateurs du groupe, je suis la voix du groupe, Iggor en est le batteur historique. De là, j’ai réussi à convaincre Iggor et il m’a dit que ce serait très sympa, mais il n’était pas très sûr de vouloir le faire, car il pensait que c’était un gros défi. Par la suite, il a été voir FLAG qui jouait des chansons de BLACK FLAG et il a été complètement convaincu par leur tournée de réunion. Donc, après ce concert de FLAG, il m’a dit : « OK, tu as raison, nous devrions le faire, car il y a forcément des gens qui voudraient voir ça. » Il a tout à fait raison : tu sais, il y a beaucoup de gens dans la foule qui n’étaient même pas nés au moment de la sortie de « Roots » et ils adorent notre musique, ils adorent la puissance du show. Et il y a aussi de vieux fans de notre âge, qui vont venir voir le spectacle à nouveau. Je pense qu’il y a des choses qui se bonifient avec le temps et c’est le cas pour « Roots », qui est mieux que ce qu’il était il y a vingt ans. Certaines chansons sont devenues des classiques du metal comme "Roots Bloody Roots", "Attitude", "Ratamahatta", "Straight Hate" et d’autres sont plus obscures, mais les gens aimeraient les entendre. Pour moi, jouer "Roots" vingt ans plus tard est en fait beaucoup plus excitant, plus fun que ça ne l’était sur la tournée "Roots". Cette dernière tournée américaine a été plus exceptionnelle pour moi que la tournée "Roots" elle-même à l'époque. Je pense qu'il en sera de même pour la tournée européenne.

« Roots » serait comme le vin, meilleur avec les années !
Notre guitariste Mark Rizzo connaît les morceaux à la note près, c’est une vraie machine, il est mi-homme, mi-robot. Johny Chow est un grand bassiste. Iggor joue depuis des années, il a des bras comme Hulk, il tape tellement fort. J’adore de temps en temps me poster à côté de sa batterie juste pour l’entendre taper ausi fort sur les fûts. Maintenant que nous jouons beaucoup, nous n’avons plus ce problème des débuts de tournée, où il faut se souvenir des riffs, des paroles… C’est très cérébral, très orienté sur le côté technique de « Roots ». Maintenant, je connais tous les riffs, toutes les paroles et je prends donc beaucoup plus de plaisir. Je m’amuse simplement et j'apprécie le show. La première semaine de la tournée fut la plus difficile, car nous essayions encore de nouvelles choses. Maintenant, c’est rodé et nous savons que cela fonctionne. Nous jouons le concert entier exactement comme l’album, dans le même ordre. C’est très impressionnant, unique et très fort de jouer l’album ainsi. Je pense que les gens en Europe vont adorer !
 

"Pour moi, le succès n’est pas de faire la couverture de Rolling Stone Magazine !"
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Max Cavalera


J’en suis persuadée ! Les Français en tous cas vous attendent. Comment vous sentez-vous à revenir en France pour le "Nancy On The Rocks Festival” et ce concert parisien, 20 ans presque jour pour jour après votre passage pour la tournée "Roots" avec STRIFE ? Quels souvenirs gardes-tu de cette tournée ?
J’ai quelques flashes de cette époque, mais c’était un moment très chaotique de ma vie, avec beaucoup de stress, beaucoup de négativité autour de la tournée. Je n’ai donc pas vraiment pu l'apprécier à l'époque. On ressent peut-être ce stress sur le live « Under A Pale Grey Sky », je ne sais pas. C’était une période très sombre, pleine de mauvaises énergies. Maintenant, c’est tellement mieux ! Je me régale tellement. On passe du bon temps avec Iggor tous les soirs. On est très contents de revenir à Nancy pour ce festival, ça va être un super show ! On a eu la preuve que ce que nous présentons fonctionne. On a fait beaucoup de "meet and greet" (NDLR : là où les fans peuvent rencontrer les groupes après les concerts) et nous avons donc rencontré beaucoup de fans. Beaucoup d’entre eux n’en croyaient pas leurs yeux de ce qu’ils venaient de voir. C’était comme une expérience religieuse !

Sans être obligé d'aller à l’église...
Eh non, tu as raison. « Roots », c'est notre église ! Je pense que c’était une expérience à tenter. J’aime beaucoup le merchandising dérivé de ce projet : on a des drapeaux avec les deux visages d’indiens de la pochette, par exemple. Pour les gros shows, dont le festival de Nancy fait partie, nous avons les toiles de fond originales de « Roots » datant de 1996. Nous ne les utilisons que pour les concerts très spéciaux. Le merchandising a été créé par une entreprise en Espagne, ils ont fait du super travail. Iggor et moi avons réfléchi à ce que les fans aimeraient trouver et acheter et on a conçu des t-shirts de la même façon que nous l’avions fait au temps de SEPULTURA. C’est l’élément clé pour faire fonctionner le merchandising. On a vraiment pris le temps de faire les choses correctement. Nous avons la même approche avec la musique. Nous interprétons chaque chanson avec attention, en regardant chaque détail, pour les jouer aussi bien qu’elles peuvent l’être. Même si certaines comportent des éléments nouveaux – "Ambush" par exemple avec le bœuf entre Iggor et moi jouant de la batterie –, on joue la nouvelle version de "Roots", Iggor joue "Itsari" juste à la batterie avec le son tribal des Indiens. C’est très puissant. Quand il joue "Itsari", je me pose souvent juste à côté de la scène pour le regarder et je me dis que je suis vraiment chanceux de faire partie de ça !

C'est une chance réciproque pour vous de vous avoir l'un et l'autre comme frère...
Oui, on s’entend très bien, mieux que jamais auparavant. Notre amitié/fraternité est plus belle que jamais et je pense que c’est la clé du succès. Faire ce que tu veux, de la musique, du metal avec les gens que tu aimes. Dans mon cas, c’est avec Iggor, Mark, Johny et Gloria : les avoir autour de moi me comble. Et surtout jouer pour les fans qui font partie de la tribu, de la famille. Pour moi, le succès n’est pas de faire la couverture de Rolling Stone Magazine ou être dans le top-50. Rien de tout cela. Le succès, c’est ça : faire ce que tu aimes pour les gens que tu aimes et qui aiment ce que tu fais autant que toi. Cela n’a pas de prix, tu ne peux pas acheter ce genre de sensation.

Et prolonger en jouant en plus avec ses enfants...
Oui, c’est un autre aspect de la théorie du succès. J’ai beaucoup de chance de jouer avec Zyon. L’année prochaine, nous travaillerons le onzième album de SOULFLY. Nous allons bosser très dur car ce sont les vingt ans du groupe, alors on va essayer de faire un album très particuluer. Je pense qu’il sera très intense car maintenant, je suis vraiment dans le metal extrême, j’écoute des groupes très spécifiques, donc on va retranscrire ça dans un album très puissant. Ce sera fait avec beaucoup de cœur. Je travaillerai sur cet album de SOULFLY avec Zyon en janvier prochain. Et puis, il a aussi son propre groupe, LODY KONG, qui est très cool. Il joue de la bonne musique.

Tu dois être très fier de lui !
Oui, très ! Quand mes garçons sont nés, je ne pensais pas qu’ils deviendraient musiciens, c’était juste une sorte de vague espoir. Mais aujourd’hui, c’est une réalité et je dois encore me pincer pour être sûr que je ne suis pas en train de rêver ! Nous avons une famille très metal et je trouve ça génial. Tout le monde travaille pour le groupe, Gloria, les enfants. Ils aiment tous la musique, ils aiment tous le metal et je pense que c’est ce qui unit la famille. C’est peut-être le secret, la clé de notre succès aussi, aussi bien au niveau de la famille qu’au niveau musical. Nous sommes unis, tous ensemble.

Warner Music doit sortir une édition spéciale vinyl de « Roots » ainsi qu’une collection des classiques de SEPULTURA en box-set. Le projet est toujours d’actualité ?
Oui, nous avons approuvé ce projet. J’aime les vinyles et Iggor en est un grand fan aussi. Je pense que ce sera une super réédition.

Je te laisse conclure à présent...
Je tiens à remercier les fans pour tout le soutien qu'ils nous ont apporté tout au long de ces années. La France est un endroit à part, car « Roots » a d’abord été reconnu en France avant tous les autres pays du monde et ça, je ne l’oublierai jamais ! Rien que pour ça, c’est déjà exceptionnel de jouer chez vous de nouveau. Je vous promets que vous allez adorer le show ! Je le garantis ! Merci !


Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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