14 novembre 2016, 19:11

Le Bataclan revit !

Sting @ Paris (Le Bataclan) 12/11/2016


Les premiers dans la file d’attente viennent d’Allemagne, du Danemark, de République tchèque, du Portugal : le fan club hardcore de Sting s’est donné rendez-vous à Paris ce 12 novembre. Un couple d’un certain âge est arrivé dès 9 heures du matin et s’est installé derrière la barrière Vauban plantée au coin du boulevard Voltaire et de la rue Oberkampf. D’autres sont là depuis midi : une dizaine de personnes au total, qui partagent une très longue histoire, parfois depuis les premières tournées de THE POLICE. Il est 17 heures et les Parisiens commencent à les rejoindre. En face du Bataclan, sur le terre-plein, toutes les télés du monde ont installé leur barnum, au milieu d’une foule dense de curieux. Les nombreuses fourgonnettes blanches et les innombrables uniformes bleus des CRS, leurs barrières de sécurité et leurs rubans bicolores complètent le tableau.

Dans la file, les discussions s’engagent très spontanément. On échange des souvenirs de concerts au Bataclan, de Screamin’Jay Hawkins à Steve Lukather, en passant par SUICIDAL TENDENCIES ou VOLBEAT… Et puis bien vite, on évoque les prénoms des amis que l’on a perdus, ici. Il y a presque un an. Si nous sommes là, chacun est d’accord, c’est pour célébrer la vie et l’amour de la musique, avant cet anniversaire atroce, tout autant que pour honorer la mémoire de ceux qui nous manquent tellement : l’un ne va pas sans l’autre. Les sourires se crispent, les yeux s’embuent. « Guillaume ». Une équipe de France Télévision s’approche timidement. « Guillaume, c’était le compagnon de Carine, l’une de nos collègues. Vous voulez témoigner ? » Non merci. Dites seulement à Carine, Salomé et Séraphine qu’on est nombreux à emmener Guillaume dans notre cœur partout où l’on va, et à penser bien affectueusement à elles, souvent.

Outre notre si cher camarade Guillaume B. Decherf, parmi les victimes du Bataclan, les équipes de HARD FORCE et METAL XS pensent aussi tout particulièrement à Thomas Ayad, avec qui elles travaillaient très fréquemment – même si, et cela va de soi, comme le concert lui-même, ce compte rendu est un hommage à toutes les victimes du terrorisme, directes et indirectes, sans exclusive.

A 18 heures 45, la foule a bien grossi au carrefour : les forces de l’ordre déplacent les barrières sur le boulevard Voltaire en direction de la salle martyre, organisent trois files, pour les fouilles : « Ne commencez pas à pousser, de toutes manières on va prendre tout notre temps – faites passer ! ». Les traductions qui jaillissent de la foule dans toutes les langues témoignent encore de la diversité des peuples qui, autour de Sting, sont venus entourer le public du Bataclan et tous les Français de leur affection. Un peu plus loin sur le trottoir, les "mandarines" des caméras de télévision bouchent l’horizon, en plusieurs rideaux successifs.

A 19 heures enfin le Bataclan rouvre ses portes. Les fouilles des CRS sont minutieuses, en effet. Leur travail est doublé par celui des agents de sécurité de la salle. Chaque billet est nominatif, chaque nom est contrôlé face à une pièce d’identité officielle, sur le boulevard. Enfin les lettres rouges du Bataclan se dévoilent, au-dessus du hall d’entrée éblouissant. Formant une haie d’honneur dans ce hall, membres du SAMU et de la sécurité civile accueillent les spectateurs. Au milieu d’eux, Patrick Pelloux, médecin urgentiste et ancien chroniqueur de Charlie Hebdo : il étreint et embrasse tous les anonymes qui, s’approchant de lui, bredouillent à son attention quelques mots maladroits de surprise et d’émotion mêlées, surtout à propos de Cabu, notre ami à tous depuis Récré A2… Une gorge peut-elle se serrer à ce point-là ?

Car voilà la salle proprement dite, le Bataclan : impossible de se laisser assaillir par des images de champ de bataille. Inimaginable. Mais combien de rescapés auront l’extrême courage de revenir ce soir, de revenir un jour ici ?

Quelques roses blanches ont été déposées dans le pit photo, derrière la crash-barrier où le patient fan club international de Sting s’est déjà massé. Un agent de sécurité dépose les fleurs sur la scène. Une odeur décalée de peinture et de neuf habite l’espace. Près du bar, Samaha, Frah et "CC" de SHAKA PONK distribuent les bises et les accolades avant de s’engouffrer dans l’escalier derrière Anne Hidalgo, maire de Paris, et Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, pour rejoindre les invités au balcon.

A 21 heures, Sting arrive sur scène. Notre tâche est double, dit-il en français : honorer la mémoire des disparus et célébrer la musique, la fête, la vie, à travers la renaissance du Bataclan. Il commande une minute de silence : une minute de recueillement parfait, pour débuter cette communion musicale ; une minute d’éternité et d’amour pur, seulement peuplée du souvenir de nos amis.

Le concert peut commencer : "Fragile" allie la douceur de la voix de Sting à la chaleur de la trompette d’Ibrahim Maalouf, le musicien libanais : « Tomorrow’s rain will wash the stains away, but something in our minds will always stay. […] How fragile we are… (La pluie demain lavera les tâches, mais à jamais nos esprits en resteront marqués. […] Comme nous sommes fragiles…) ». Grâce à ce morceau, le recueillement a continué de résonner après le silence, mais "Message In a Bottle" permet vite au Bataclan d’exulter de nouveau, une première fois.

Le set mêle en effet les tubes planétaires de THE POLICE, comme "Every Breath You Take", aux morceaux de Sting, parmi lesquels "Inshallah" : tiré de son nouvel album « 57th & 9th », ce titre est dédié aux migrants, en particulier musulmans, qui risquent leur vie pour échapper au sort funeste auquel les a exposés une naissance au mauvais endroit. D’après Sting, l’expression arabe « Inch’Allah » (si dieu le veut), symbolise également « l’humilité, le courage et l’espoir ». Bref, par quelque bout que l’on prenne la question, il faut véritablement faire partie de la pire fachosphère, aujourd’hui, pour s’offusquer du choix de chanter cette chanson au Bataclan : la violence aveugle du terrorisme et le hasard de la naissance procèdent bel et bien de formes différentes de confrontation à la même injustice du destin.

Sting, toujours en français, n’a pas non plus oublié de penser aux grands disparus de la terrible année passée : de notre Lemmy adoré à Leonard Cohen. Pas tout à fait business as usual, mais le Bataclan revit. Après deux rappels essentiellement composés de morceaux de THE POLICE et qui auront conduit notre salle chérie un peu au-delà de l’heure du traditionnel couvre-feu, Sting quitte la scène sur ces mots « Vive le Bataclan ! » : CQFD, bravo et merci.


Il fallait que HARD FORCE rende compte de cette soirée pour pouvoir assurer sereinement la couverture des prochaines dates qui nous feront vibrer, comme une habitude retrouvée : FFF dès le 30 novembre, puis un Headbanger’s Ball qui ajoutera ENSIFERUM à ICED EARTH, notamment, et puis MESHUGGAH, et puis tant d’autres… A très bientôt, Bataclan.

Blogger : Naiko J. Franklin
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