Kim Thayil & Chris Cornell avec HARD FORCE/METALXS en 2014 • © Christian Lamet • HARD FORCE
Ce devait être l'une des dernières interviews de l'édition 2014 du Hellfest.
La cerise sur le gâteau.
Une rencontre négociée à l'arrache comme souvent dans ce contexte festivalier, obtenue par le grand coordinateur en chef de la presse Olivier Garnier.
La tension était palpable, le planning au cordeau, avec un management intransigeant et sans humour.
10 minutes, pas une de plus, avec Chris Cornell et Kim Thayil, dans la salle de conférence de presse privatisée pour nous à cet effet.
Ils étaient arrivés avec 1/2h de retard... au bas mot.
Décontractés, ils avaient commencé par s'attarder sur les photos exposées dans la salle, prenant le temps d'en commenter nonchalamment deux, ou trois.
Nous, nous ne le savions pas, mais le compteur tournait déjà.
10 minutes d'interview (moins trois) : le temps d'un bonjour-au revoir, en somme.
Que voulez-vous dire aux papes de Seattle en si peu de temps ?
"J'aime beaucoup ce que vous faites..."
Kim Thayil & Chris Cornell • © Christian Lamet • HARD FORCE
Incontrôlables, impossibles à freiner ni couper, hors-contexte et, disons-le, une conversation entre eux indiffusable en télé...
L'organisation trépignait, le management s'impatientait et les deux lascars se marraient de leurs bons mots. Deux contraintes impératives pour nous : conclure par un message-jingle des musiciens et leur faire signer un Polaroïd qui était notre principe de réalisation auquel nous ne devions déroger pendant trois jours.
Chris Cornell & Kim Thayil avec Hugo Tessier et Christian Lamet • © Christian Ballard • HARD FORCE
Le Polaroïd de trop.
Pendant que les musiciens s'amusaient, dessinaient dessus et plaisantaient de leur tête respective, moi, je me faisais gentiment souffler dans les bronches pour avoir dépassé l'horaire...
Je n'en voudrai pas davantage pour ce remontage de bretelles qu'aux musiciens de nous avoir saboté à leur manière une rencontre, vouée à un échec des standards promo classiques dès la première seconde.
Chris Cornell • © Christian Lamet • HARD FORCE
Et puis, SOUNDGARDEN fut royal sur scène ce soir-là.
Ce fut notre dernière rencontre avec Chris Cornell.
La nouvelle aujourd'hui est terrible à plus d'un titre.
Il était, pour nous qui avons débuté dans les années 80 dans les médias, totalement de notre génération.
Comme je l'ai écrit plus tôt ce matin, il était l'incarnation indécente d'une sensualité violente et du talent. Une sorte d'icône que les effets du temps ne semblaient altérer. On pouvait juger sur pièce, nous qui avions eu l'immense privilège de l'accueillir dans nos bureaux de HARD FORCE en 1990, lors du passage parisien intimiste du groupe.
SOUNDGARDEN, la jeune formation de Seattle, alors inconnue du grand public, avait passé l'après-midi à la rédaction, une boutique-appartement réaménagée de la rue Lamarck au pied de la Butte-Montmartre.
Leur nouveau label A&M/Polydor était à dix minutes à pied de nos quartiers, alors, nous les avions invités pour un "goûter blind-test" en présence de lecteurs, concept improbable, et une interview de la manière la plus informelle qui soit, puis les avions raccompagnés à leur hôtel. Surréaliste quand on imagine la carrière qui s'ensuivit.
Il y a eu des albums majeurs, des titres qui figurent parmi les plus beaux de toute l'histoire du rock ("Black Hole Sun" en premier lieu) et des performances sur scène, sublimes aussi dans AUDIOSLAVE, parfois incomprises en solo et cette perspective d'une tournée de TEMPLE OF THE DOG reformé qui nous est définitivement volée.
Chacun chérira sa date, son souvenir, son morceau fétiche, ce soir, en pensant à cette voix et cet homme disparus bien trop tôt. (18 mai 2017)