4 août 2017, 8:21

THY ART IS MURDER

• "Dear Desolation"

Blogger : Clément
par Clément
Album : Dear Desolation

Alors qu'il fusionnait avec un certain doigté death metal et hardcore à la fin des années 90 (les plus aguerris repenseront en versant une larmiche aux ALL OUT WAR, RANCOR, DAY OF SUFFERING, DROWNING... grosso modo, tout ce qui pouvait transiter par la VPC du label Rennais Overcome à l'époque), le deathcore a progressivement fait sa mue au milieu des années 2000 avec l'arrivée des SUICIDE SILENCE, WHITECHAPEL et autres CARNIFEX pour revêtir un son plus lourd et synthétique, truffé de breaks et de vocalises porcines. Une évolution qui l'a propulsé sous les feux de la rampe, entraînant dans les mailles de ses filets un paquet de kids arborant (plus ou moins) fièrement t-shirts évasés, jeans serrés, mèches rutilantes ou franges bien nettes. Et par la même une flopée de groupes plus ou moins disgracieux qui pour la plupart n'ont pas franchi le cap du début des années 2010. Une sélection naturelle qui a eu le mérite de remettre un peu d'ordre au sein de la famille puisque aujourd'hui seuls les plus crédibles de ses représentants sont toujours en activité. D'autres, ayant choisi de s'éloigner du style originel, ont connu des fortunes plus diverses (le dernier BRING ME THE HORIZON doit encore chatouiller les amygdales de ceux qui le portaient aux nues à leurs débuts).

THY ART IS MURDER est un cas un peu à part puisque les Australiens ont plongé dans le grand bain pile au moment où la plupart de leurs petits camarades commençaient à baisser pavillon, en 2010, avec un premier album convaincant : « The Adversary ». Autre point de différenciation, le groupe a opté dès ses débuts pour un son plus dur, lourdement lesté de growls et de parties rythmiques qui l'apparentaient plus à un groupe de death metal que de deathcore. L'atmosphère maléfique, vicieuse qu'il se plaisait à distiller sur chacun de ses morceaux lui conférait également une image plus noire, occulte, qu'il a ensuite entretenu et parfaite sur « Hate », un deuxième album qui lui a ouvert les portes d'une reconnaissance plus large et par la même les faveurs de la branche américaine de Nuclear Blast. Le virus se propagea alors jusqu'au quartier général du label puisque son successeur, et accessoirement son oeuvre la plus aboutie, « Holy War » lui a permis d'intégrer les rangs du mastodonte. Et on comprend mieux pourquoi les esgourdes teutonnes ont trouvé ici de quoi repaître leur appétit gargantuesque : gros breaks couplés à des accélérations meurtrières, growls idéalement dosés, pléthore de blasts et parties bien lourdes, le deathcore prodigué par THY ART IS MURDER est d'une brutalité sans faille, ne négligeant pas pour autant la mélodie qui tombe pile-poil et l'ambiance apocalyptique qui va bien. 

Fort de ce constat, pas facile d'aborder ce « Dear Desolation »  en imaginant que le quintet est encore capable de pousser le bouchon plus loin. Et comme pour conforter ce constat, ce nouvel album s'ouvre sur un morceau qui annonce la couleur sans détour. THY ART IS MURDER, "non tou n'as pas changééé", reste à la virgule près le groupe que l'on a quitté il y a à peine deux ans. Section rythmique testostéronée, batteur aux abois, vocaliste remonté à bloc et encore une fois production dantesque, claire et puissante, signée Will Putney (guitariste de FIT FOR AN AUTOPSY et derrière les manettes des albums de AFTER THE BURIAL, FOR TODAY ou WINDS OF PLAGUE). L'atmosphère menaçante est toujours là, les breaks brise-nuques aussi (mon dieu ces "Dear Desolation" et "Man Is The Enemy" tout bonnement monstrueux !), et la double pédale règne encore en maître. Les blasts et les solos sont eux aussi au rendez-vous, rassurez-vous, parsemés ci et là avec une précision redoutable. Impressionnant. Rien n'est à jeter sur chacun de ces dix morceaux et s'il ne fallait qu'en retenir un seul, allez deux pour le plaisir, il faudrait lorgner du côté du doublé final "Into Chaos We Climb" / "The Final Curtain", simplement à tomber par terre, drapé dans une puissance et une lourdeur encore rarement atteintes par le groupe jusque là. Avec cette ambiance de fin du monde toujours en fil rouge... comme pour pour mieux souligner les textes qui évoquent le pessimisme ambiant, les abus de la religion ou la condition humaine.

Dans la continuité de « Holy War », il se dégage de ce « Dear Desolation » une maturité évidente, tant sur la structure aboutie des compositions que sur l'impression d'homogénéité globale, tout comme une maîtrise de son sujet qui en impose. Le groupe est aujourd'hui au dessus de la masse, reprenant les codes du genre pour mieux se les réapproprier, et on a peine à imaginer qui pourrait désormais lui faire de l'ombre. THY ART IS MURDER : oui, plus que jamais. Meurtrier.

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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