11 août 2017, 14:37

MALEMORT

• Interview Xavier Malemort

Deuxième acte pour la promotion de « Ball-Trap ». Après une première sortie uniquement sur le web (ayant fait l’objet d’une interview le 31 mars), déjà une nouvelle jeunesse pour cet album avec une parution nationale par le biaia de Season of Mist le 23 juin dernier. Xavier, chanteur et poète émérite du groupe MALEMORT, s’est encore prêté au jeu des question/réponses concernant leur dernière œuvre dont il faut préciser qu’elle a reçu un bon nombre d’avis positifs et notamment de notre part. (Interview réalisée le vendredi 2 juin 2017)


Vous avez joué en avril au Divan du Monde à Paris, peux-tu nous parler de cette expérience ?
C’était génial. On partageait la soirée avec deux groupes qu’on aime beaucoup à savoir 6:33 et ACYL. On avait déjà joué avec eux et humainement on s’entend bien, on ne fait pas du tout la même musique mais en revanche on a la même vision de ce qu’elle doit être. Notre background est metal et c’est notre style de prédilection mais cela doit être une musique sincère dans laquelle tu dois apporter tous les éléments qui te plaisent, la musique ne doit pas être fermée et si les premières générations dans les formations metal s’étaient dit « Ça y est on a trouvé la bonne recette alors on s’arrête et on la perpétue ainsi » on n’en serait pas là aujourd’hui. ACYL utilisent des instruments traditionnels, 6:33 vont eux chercher des influences diverses, et nous pareil. Ce qui était particulier au Divan pour MALEMORT c’est qu’on jouait à 19h00 donc très tôt, et au bout de deux titres la salle s’est remplie d’un coup. Aussi, j’ai vu un tas de gens chanter les paroles de nos chansons et ça c’est l’effet du second album. C’était une présentation officielle à Paris avec deux groupes qui ont une crédibilité et un public à fois curieux et exigeant. Donc pour nous c’était une date qui sonnait un peu comme une confirmation.

Revenons légèrement en arrière, dans quel état d’esprit avez-vous débuté l’écriture de votre dernier album « Ball-Trap »?
On faisait beaucoup de concerts et en même temps il fallait qu’on se mette à la composition. Il n’y a pas eu un moment précis où l’on s’est dit « On commence le nouvel album » mais les chansons se sont montées au fur et à mesure. Et surtout on les a essayées sur scène, quasiment toutes ont été jouées en concert avant la sortie de l’album. C’est l’avantage quand tu es un groupe peu connu, tu ne risques pas d’avoir un mec qui pirate ta nouvelle chanson en l’a mettant sur YouTube. Donc tu peux essayer ce que tu veux, même jouer des versions qui ne seraient pas définitives. Malgré tout, dès le départ j’ai commencé à avoir l'idée d’une thématique générale.

Par rapport à cette méthode que tu viens d’évoquer, avez-vous déjà abandonné des compositions ?
Oui c’est arrivé une fois, on l’a joué à plusieurs reprises et quelque chose nous titillait... C’est souvent ces morceaux qui ressortent des années plus tard parce que tu as compris ce qui était intéressant et ce qui te bloquait. Dans ce cas cela te donne des bons morceaux mais il faut accepter de les oublier un certain temps. Quand on est arrivé à l’enregistrement de l’album, tous ces morceaux avaient été déjà joués je ne sais pas combien de fois, on les avait en plus maquettés quatre ou cinq fois, travaillés et retravaillés… donc on savait qu’on était allé jusqu’au bout avec elles.
 

"Personnellement, j’ai une vénération pour le Polnareff des années 70" - Xavier Malemort



Dans votre biographie vous définissez MALEMORT comme du "metal libre", d’où vient cette volonté de rester indépendant à tous prix ?
Déjà quand j’étais môme et que je commençais mes premiers groupes, j’étais à fond heavy mais malgré tout j’avais envie d’y inclure des éléments thrash. Quand l’école Suédoise est arrivée, j’ai trouvé plein de choses intéressantes aussi, et pour moi il n’y a rien de révolutionnaire ou d’étonnant à faire ça. Et à un moment j’ai eu besoin de prendre un peu le large par rapport au metal, pas en tant qu’auditeur mais en tant que musicien. J’avais envie de respirer un peu et de faire des choses plus rock, faire de l’acoustique aussi. Il y a eu une phase où je trouvais que le metal se formatait de plus en plus et cela me gênait. Quand je me suis senti mûr pour revenir à ce style musical, je savais ce que j’avais envie de proposer, je ne voulais pas me priver de toutes les bonnes choses qui existaient autour de moi, tu vois ? Ça me fait penser à la démarche de plein d’autres artistes comme Gainsbourg ou QUEEN, il y a tout dans leurs albums et c’est ce qui leur donne cet aspect fascinant. Dans un secteur metal, il faut qu’il y ait tout de même une certaine unité, mais pas trop, il faut pouvoir insuffler dans la musique des éléments qui viennent d’ailleurs car c’est ce qui rafraîchi sans cesse le style, que le metal soit vivant, il faut éviter le côté consanguin en quelque sorte.

Vous refusez de choisir entre thrash, rock, heavy ou punk. Est-ce aussi parce que chacun d'entre-vous vient d’un milieu différent ?
On a tous des racines communes, par exemple on est tous des fans de METALLICA parce que ce groupe a marqué notre adolescence. Mais on en a pratiqué d’autres, mes deux guitaristes adorent le metal progressif, j’en écoute aussi beaucoup mais moins qu’eux, on écoute tous d’autres trucs et j’ai envie de te dire qu’un bon morceau de pop restera un bon morceau de pop, même dans la variété des années 60 et 70 tu vas trouver des choses fabuleuses. Personnellement, j’ai une vénération pour le Polnareff des années 70, il y a des orchestrations superbes et des titres très originaux pour l’époque dont des instrus, ce n’est pas la caricature qu’on peut en faire aujourd’hui, j’aimerais aussi citer James Brown. Ce qui ne m’empêche pas de me sentir aujourd’hui chez moi dans la famille metal car c’est là où j’ai grandi.

Vous avez enregistré au Conkrete Studio à Bordeaux et c’est Mobo (PLUG-IN, BUMBLEFOOT...) qui s’en est chargé, est ce qu’on peut ressentir sa touche personnelle en écoutant « Ball-Trap »?
A chaque fois qu’on a travaillé avec des gens sur cet album nous les avons amenés vers des choses un peu différentes de ce qu’ils font habituellement, et au final ils étaient tous contents. Après, Mobo il savait où il mettait les pieds, car il avait déjà masterisé le premier album "French Romance", et on en avait beaucoup discuter ensemble avant, il avait conscience qu’on voulait une vraie prod d’instruments et je savais qu’il était capable de faire de la surpuissance mais aussi, en tant que fan de rock et hard rock, qu’il pouvait trouver un juste milieu entre tout cela. Quand je lui ai fait écouter nos pistes, et notamment la batterie enregistrée de manière naturelle dans une salle possédant une acoustique à l’ancienne, il m’a dit « Tu veux du naturel ? Et bien je viens juste de décider que je ne mettrai aucun trigged », chose qu’il fait rarement. C’est comme le dessinateur qui a travaillé avec nous, Nicolas Dubuisson, il est habitué à faire des œuvres beaucoup plus gore pour des groupes plus brutaux. C’est marrant on a souvent des atomes crochus avec le milieu plus brutal, ça s’est toujours bien passé notamment avec les groupes avec qui on a joué.

Ce qui est frappant chez vous c’est bien sûr le chant dont les paroles sont très recherchées, est-ce toi le seul et unique auteur ? Si tu peux aussi nous expliquer le choix de la langue française pour les textes ?
Oui c’est moi qui les écrit et dès le début c’était un choix difficile à faire. Quand tu décides de chanter en français dans le milieu metal, tu sais qu’il y aura plein de gens qui ne voudront même pas essayer de t’écouter. Je comprends, il y a des précédents catastrophiques aussi... donc c’était un vrai pari mais je ne me sentais plus de faire autrement. J’ai chanté en anglais pendant une année et je ne suis pas parfaitement bilingue donc comment retranscrire la finesse ? Comment créer un peu de poésie ? Faire quelque chose qui soit proche de ce que tu as envie de dire ? Il y aura toujours un filtre quand ce n’est pas ta langue, c’était aussi pour pouvoir chanter des choses très personnelles.
 

"Je ne voudrais surtout pas qu’on soit estampillé en tant que groupe caricatural" - Xavier Malemort


L’album « Ball-Trap » raconte le parcours initiatique d’un jeune homme dans le chaos artistique avant-gardiste des années 20, les fameuses "années folles". Quelles ont été tes principales sources d’inspirations ?
C’est assez divers, déjà avec la littérature puis l’histoire car j’en suis passionné comme pas mal de gens dans le metal. Mais aussi l’intérêt pour cette période à travers la photo et dans le cinéma expérimental, on va souvent parler de la fin de années 60 et 70 en tant que période où on ne se met pas de limite quitte à se bruler les ailes, mais finalement dans les années 20 c’est exactement ce qui s’était déjà passé dans Paris, notamment avec le surréalisme. C’est vraiment intéressant d’autant plus que cela s’est passé ici, entre Montparnasse et Montmartre, c’était la guéguerre entre les élites artistiques des deux côtés, il y avait les blacks américains qui venaient jouer du Jazz, musique révolutionnaire à l’époque, car ils étaient mieux accueillis ici qu’aux Etats-Unis. Il y avait aussi tous les artistes américains qui supportaient mal la prohibition et qui venaient s’éclater. Il y avait l’Europe centrale, qui avait créé le dadaïsme et le surréalisme, qui s’y sentait très bien aussi, bref tout ça c’est fabuleux !

Est-ce que votre esthétique "art-nouveau" est indissociable de votre musique et de l’identité du groupe ?
Je ne voudrais surtout pas qu’on soit estampillé en tant que groupe caricatural du type « MALEMORT c’est le groupe gimmick année 20 » ! Même si au final il y en a plein qui font ça avec les années 70. Je ne suis pas lié à cela mais à ce qui me touche à un moment donné, tu peux communiquer ce que tu ressens. En revanche, le côté "classieux" doit appartenir au groupe parce que c’est la façon dont on ressent les choses, je ne pourrais jamais passer pour Glen Benton (rires). Même s’il y a des groupes que je vénère, à partir d’un certain âge tu sais qui tu es et qui tu n’es pas, je ne vais pas tricher là-dessus.

Avez-vous du matériel prêt pour un prochain disque ?
Non, nous n’avons pas de matériel pour le futur et je crois que ça ne serait pas une bonne idée. Il faut qu’on digère, car on a fait une double promo, une en décembre avec la première sortie de l’album et celle-là, car maintenant il y a Season of Mist qui distribue notre album. Donc quand tout cela sera terminé et qu’on aura fait une série de concerts, il sera temps de se pauser.

Peux-tu nous en dire plus sur les dates des concerts ? Sur votre site officiel rien n’est annoncé…
On n’annonce rien exprès. Septembre, octobre novembre et décembre on sait qu’on a des concerts sur ces quatre mois dont un à Paris et sinon un peu partout. Il y a des gens qui se mettent à nous aider et des choses vont donc se négocier.

Quelle est la prochaine étape pour MALEMORT ?
Réussir à chopper à nouveau des belles premières parties pour affirmer qu’on est capable de le faire, et commencer à apparaitre comme crédible en tant que groupe que l’on peut inviter en festival de moyen taille.


Retrouvez MALEMORT le 13 août au Gibus à Paris en première partie de CROWBAR



 

Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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