Après une année de concerts à travers le monde pour célébrer le 20e anniversaire de « Roots », les frères Cavalera reviennent avec la réédition de celui-ci, et de l'également mythique « Chaos A.D. » chez Rhino Entertainment. Rééditions qui contiennent bien sûr les chansons originales remasterisées mais aussi des live, des démos, des instrumentaux et des reprises. Bref, tout un tas de surprises convoitées par les fans. Igor Cavalera revient sur près de 25 années de metal et de bons et loyaux services au sein de la tribu et sur le plaisir qu’il a de continuer à jouer pour ses fans et avec son frère.
Il y a un an presque jour pour jour, ton frère Max répondait à nos questions à propos de la tournée « Roots » en préparation. Comment s’est déroulée cette tournée-anniversaire pour votre album mythique ?
C'était très cool ! Il est bon de voir que « Roots » est toujours un album qui parle aux gens et qu'ils se sont appropriés. Il explore de nombreuses idées folles que nous avions à l'époque, donc c'est toujours très excitant de le jouer sur scène et d'avoir ces rééditions. Je dois dire qu'en tant que fan de musique moi-même, je suis très enthousiaste lorsque je vois de telles rééditions en vinyle, par exemple, et je suis le premier à acheter ce genre de choses. Si on se met à la place des fans, c'est cool. En tant que musicien, moins, à vrai dire. Je préfère nettement entreprendre de nouvelles choses, avec mon frère, comme CAVALERA CONSPIRACY par exemple. Mais je comprends très bien que du point de vue du fan, on ait besoin de ce genre de produits en connexion avec le passé.
Il y a donc la réédition de vos deux albums cultes, « Chaos A.D. » qui est sorti en octobre et «Roots» dans les bacs depuis le 3 novembre. Ce sont des versions spéciales, bien sûr, avec les chansons originales remasterisées, des titres live, des versions instrumentales, des démos et des reprises comme "Symptom Of The Universe" de BLACK SABBATH.
Si mes groupes préférés venaient à sortir ce genre de rééditions, je serais ravi. C'est vraiment un concept que je trouve intéressant. J'ai hâte de voir comment les fans vont réagir et ce que ça va donner. C'est vraiment excitant, en fait !
Comment est venue l’idée de ressortir ces albums ?
L'idée émane du label. On a juste eu à donner notre accord ou non, on ne l'a pas vraiment sollicité pour le faire. Mais bien sûr, nous nous sommes investis dans ce que l'on devait y inclure, la pochette de l'album, etc...
Qu'apportent les versions remasterisées aux chansons originales et au son, selon toi ?
Je pense que les albums originaux avaient déjà un bon son. La remasterisation est à mon sens juste un moyen de s'adapter à la façon dont nous écoutons la musique aujourd'hui. Je le comprends comme ça, en tout cas. Aujourd'hui, la plupart des gens écoutent la musique sur leur ordinateur, sur leur téléphone, avec des écouteurs et peu de gens investissent dans des enceintes de grande qualité. La remasterisation, c'est bien pour ça, pour que la musique sonne bien sur ces nouveaux supports. Je pense que les originaux sonnent mieux en vinyl avec de bonnes enceintes, mais les deux sont excellents. C'est une question d'adaptation aux temps modernes.
Revenons en 1993 quand « Chaos A.D. » est sorti. Comment vous êtes-vous sentis à l’époque quand l’album a rencontré tant de succès ? Est-ce que cela a été comme un but accompli pour vous ?
C'était formidable car, en plus, on ne s'était pas du tout mis de pression en réalisant ces albums. On a vraiment fait les choses dont on avait envie, c'est d'ailleurs toujours comme ça que nous procédons. Avec le recul, c'est très intéressant de voir quels albums ont eu du succès ou non. Mais la façon dont nous les avons écrits, la façon dont nous travaillons demeurent les mêmes aujourd'hui.
"Sur « Roots », on a très vite eu l'idée de faire quelque chose en rapport avec nos origines." - Igor Cavalera
Avec « Roots », 3 ans plus tard, vous avez confirmé le statut de SEPULTURA en tant que pilier majeur de la scène metal.
Est-ce que tu t'en rendais compte à l'époque ? Et avec le recul ?
Je ne sais pas trop, et je ne savais probablement pas trop comment me considérer à l'époque non plus. Il est difficile de te positionner en tant que musicien. On fait les choses que l'on aime. Les gens ensuite jugent : certains pensent que nous faisons du metal, d'autres non, certains pensent qu'on fait de bons trucs, d'autres non. On n'a jamais fait trop attention à ça. Le metal est bien sûr une grosse influence, mais on n'a jamais eu à se positionner vraiment en tant que musiciens d'un style ou d'un autre. On n'a jamais réellement eu d'étiquette. On joue de la musique heavy, influencée par le metal, le hardcore, le punk, l'indus et plein d'autres choses.

« Roots » était différent des albums précédents avec un retour à vos racines, à votre pays, avec des influences brésiliennes et des instruments typiques. Est-ce le succès qui vous a poussé vers une sorte de havre de paix dans vos origines ? Etait-ce une fierté de montrer d'où vous veniez ?
Oui, surtout parce qu'à l'époque on tournait beaucoup et on était loin du Brésil. Je pense que du coup, on ressentait plus le besoin de montrer d'où nous venions. Quand tu es dans ton propre pays, tu ne fais plus attention à ses caractéristiques. Quand tu en sors, tu te rends compte quelles richesses il renferme. Tu deviens conscient de tes racines et des bonnes choses de ton pays. La différence entre « Roots » et « Chaos A.D. », ou même « Arise », c'est qu'il avait un concept. Les autres non, nous avions juste écrit les chansons et sommes arrivés à en faire des albums. Sur «Roots», on a très vite eu l'idée de faire quelque chose en rapport inspiré de nos origines.
Quelles sont tes chansons préférées sur les deux albums ?
Sur « Roots », je dirais que c'est "Itsári", la chanson que nous avons faite avec la tribu des Xavante. Sur « Chaos A.D. », ce serait "Amen", qui est un peu bizarre, avec une atmosphère particulière. Ce sont mes deux chansons préférées.
Ce sont des chansons que vous jouez moins en concert. C'est peut-être pour ça que tu les préfères, non ?
Ah oui... je pense que tu as raison.
D'ailleurs n'es-tu pas fatigué ou lassé de jouer les mêmes titres encore et encore sur scène ?
Non, pas du tout, car chaque soir est différent. Il y a une atmosphère propre à chaque concert. Je ne comprends comment les gens peuvent se lasser de jouer leurs chansons. Pour moi, c'est vraiment euphorisant, tous les soirs. J'aime jouer toutes les chansons, même celles que j'ai écrites avec Max quand nous avions 15 ou 16 ans. Non, franchement, c'est très sympa de les jouer tous les soirs.
Tu as presque 25 ans de plus que quand « Chaos A.D. » est sorti mais tu as toujours la même énergie. Comment maintiens-tu ta forme et ton enthousiasme ?
Je pense que quand j'étais encore tout jeune, avec Max, nous avions pour habitude de placer toute notre énergie dans la musique. On jouait de la musique et on en écoutait. Je me souviens que si nous avions passé une mauvaise journée, on s'enfermait dans notre chambre et on écoutait de la musique au lieu d'aller dans la rue détruire tout ce qu'on trouvait. C'était notre monde à nous. Je pense que c'est pour ça que nous continuons à faire ce que nous faisons, c'est comme une thérapie pour nous.
"Je suis très chanceux d'avoir mon frère et de toujours pouvoir jouer de la musique avec lui, sortir et tout un tas d'autres choses." - Igor Cavalera
Qu'est-ce qui a changé pour toi en ce qui concerne la musique et ta vie personnelle ? Est-ce que tu te sens différent, plus confiant peut-être ?
J'espère, oui. J'espère que j'ai évolué dans le bon sens. J'adore passer du temps à apprendre, en particulier dans le domaine de la batterie. Je ne cesse jamais d'apprendre. Je vois d'autres batteurs, je vois d'autres idées, je voyage, j'écoute des musiques différentes. Tout cela m'inspire et me donne des idées pour jouer. C'est pour cela qu'on ne s'arrête jamais et qu'on ne pense même pas à s'arrêter.
Si tu regardes ta carrière personnelle, est-ce que tu es conscient d'être devenu un personnage mythique de la scène metal et d'être parmi les batteurs les plus respectés ? Tu es un exemple pour des personnes qui peuvent avoir 10 ans comme 50 ans. Cela doit être gratifiant, non ?
Oui, mais je pense que cela vient du fait que nous sommes honnêtes, envers nous-mêmes et vis-à-vis des autres. J'essaye de me renouveler sans cesse et de ne pas reproduire les mêmes choses encore et encore. J'espère inspirer les gens à faire de même, toujours repousser les limites. Surtout les jeunes musiciens, ils doivent essayer de nouvelles choses et ne pas rester dans leur zone de confort. C'est très important.
Il y a eu des périodes plus sombres et les choses n'étaient pas si simples, avec Max par exemple. Mais il semble que votre fraternité soit plus forte que tout. Comment est cette relation entre vous maintenant ? Sereine ?
Tout va pour le mieux aujourd'hui et je pense que ces périodes de tensions, de troubles ont été nécessaires pour devenir ce que nous sommes maintenant. Je me sens très chanceux de pouvoir faire ce que je fais aujourd'hui. Si je prends l'exemple de PANTERA où l'un des frères n'est plus là, je trouve cela tellement triste. Je suis très chanceux d'avoir mon frère et de toujours pouvoir jouer de la musique avec lui, sortir et tout un tas d'autres choses. Il y a eu des phases où nos relations n'étaient pas parfaites mais maintenant, on s'entend très bien.
Que peut-on attendre des frères Cavalera dans les années à venir ?
Je ne sais pas ! La seule chose que je veux faire, c'est jouer de la musique avec Max. J'espère qu'on le pourra encore longtemps, que ce soit pour SEPULTURA, CAVALERA CONSPIRACY ou autre. Je veux juste jouer avec mon frère, encore 30 ans, voire plus ! C'est difficile à dire. Si tu m'avais demandé la même chose quand j'avais 16 ans, je n'aurais pas imaginé te dire que je ferais toujours cela maintenant. Je ne savais pas combien de temps cela allait durer.
Y aura-t-il une tournée Chaos A.D. ?
Non, ce n'est pas prévu dans l'immédiat. L'année prochaine sera consacrée au nouveau CAVALERA CONSPIRACY, « Psychosis » (ndlr : le 17 novembre - Napalm Records), donc il n'y a pas de projet pour une telle tournée, mais peut-être une fois celle de CAVALERA CONSPIRACY achevée, on fera une petite tournée comme pour «Roots». J'espère en tous cas vous voir tous sur la route très bientôt !
