24 février 2018, 19:20

AVENGED SEVENFOLD

• "Sounding The Seventh Trumpet"


Une nuit où j’étais à errer dans Paname, par un printemps frileux, j’atterris dans un bar pour la jeunesse rockeuse. C’était en 2001 ou 2002, mes souvenirs baignent encore dans les brumes de l’alcool. Toutefois, je n’oublierai jamais deux choses : la jeune femme… et l’album que jouait la sono.

La Belle était venue s’encanailler loin des beaux quartiers, renonçant à un concert de NIGHTWISH trop policé pour venir jouer les polissonnes. Entre deux verres, nous échangeâmes sur notre sujet de prédilection, ce fut en partie la raison de notre coup de foudre : notre passion pour le metal. Elle était de la vieille école, disciple de créatures de fer qui n’étaient pucelles qu’on croyait, cette demoiselle avait de plus un caractère de louve galopant sauvagement. En bref, elle écoutait du heavy metal. Face à elle j’avais bien du mal à défendre cette jeune génération émergeante qui enfantait dans les cris des bébés métalliques tout nus et tout crus. Le néo-metal. Autant dire qu’en plus de mon strabisme, de mes blagues vaseuses et de ma démarche maladroite, c’était mal parti pour que la belle ait envie d’organiser une visite de sa collection privée de sous-vêtements gothiques !

Dès les premières notes de « Sounding The Seventh Trumpet » d'AVENGED SEVENFOLD, nos oreilles se dressèrent. Les verres étaient vides et oubliés. Le vert de nos yeux se remplit quant à lui d’intensité.

« Ça a un p’tit goût de heavy old school en introduction, c’est plaisant, les riffs sont rampants et la caisse est claire, glissa-t-elle, mais voilà que ça "Turn The Other Way". C’est quoi ces hurlements discordants ? C’est perturbant.
– Attends un peu, on s’y fait. C’est une jeunesse qui se cherche. Elle ne se reconnaît plus dans les structures musicales standard, elle exprime toute sa dualité dans l’opposition chant clair et chant hurlé. Ce sont les roses et les flingues d’aujourd’hui. La forme change, pas le fond.
– Soit. J’avoue bien aimer les breaks mélodiques après la tempête. Ce Synyster Gates s’y connaît en soli, il ira loin s’il ne meurt pas d’une crise d’ego. Quant à la guitare rythmique de Zacky, elle tranche avec force dans le pâté.
– Très drôle. Du mal pour sortir des sentiers battus ?
– Ce n’est pas ça. J’aime bien tous les styles, heavy, thrash, death, etc. Mais regarde comme ça hurle et cogne fort, quel contraste ensuite avec ces voix d’anges sur "Darkness Surrounding". Et ces riffs cassés pour enchaîner sur un rythme contraire. Quoi que du coup, on peut savourer la batterie de haut niveau de The Rev.
– La dualité d’une jeunesse, je te dis. Un jour, on reprochera à ces groupes d’être devenus trop mélodiques, on leur reproche déjà aujourd’hui leurs gueules de minets, comme si cela avait une incidence sur la qualité de leurs compositions.
– Tu marques un point. Mais ça reste tout de même très brouillon. Metalcore tu dis ? Peut-on étiqueter cela comme un genre à part entière ?
– Depuis la déferlante néo et nu metal, on assiste à une explosion de ces groupes vociférant leurs sentiments. On ne peut nier qu’il y a là une nouvelle vague. Le metalcore et le deathcore. Je reconnais qu’il n’y a rien de novateur car ils puisent dans les différents genres. On reconnait leurs influences. Mais ils suivent une ligne structurelle avec leur opposition belle et bête.
– Tu vois, tu l’as dit : rien de novateur. Alors pourquoi s’extasier devant des ados prépubères ?
– Euh… laisse-moi réfléchir. Avec du recul, dans quinze ans, nous pourrons peut-être voir dans ce phénomène la façon qu’a de s’exprimer une jeunesse, celle des années 2000. Donc oui, ce ne sera peut-être plus vu comme un genre, mais comme l’expression métallique de l’affect de jeunes ne trouvant pas pleinement leur place dans leur époque. Rien de neuf dans le fond, mais un joli melting pot dans la forme.
– Sacré melting pot… y a du death dans "The Art Of Subconscious Illusion", mais ça fait bizarre quand Chuck invite GREEN DAY à la rythmique. J’adore le côté metal épique de "We Come Out At Night". Avec "Lips Of Deceit", j’ai envie de hurler : « Thrash em all ! ». J’avoue, cet album gagne à être réécouté. Jolie cette imitation gunesque avec "Warmness On The Soul". Mais rêve pas, j'aime pas danser.
– N’est-ce pas qu'on pense au groupe de L.A. ? Tout ce qu’on aime, amené progressivement au piano jusqu’à ce que s’en mêlent des larmes qui riffent autour de nous avec leurs gouttes de plomb. M. Shadows y développe une voix qui pourrait dans quelques années valoir son pesant d’or sonore. M. Shadows a plus d’avenir dans les slows que dans les chants hurlés. Pour la danse, j'aurai tenté.
– C’est vrai que par moment, son chant est brouillon. Hurler n’est pas son fort. Il a encore besoin de travailler sa voix… et de trouver sa voie. Son implication dans "Warmness On The Soul" est magistrale.
– Sur la dernière moitié de l’album, le rythme s'emballe.
– On sent les influences de leurs aînés sur chaque titres, heavy ou punk. Sur "Streets", c’est un joli clin d’œil à GREEN DAY ou BAD RELIGION.
– Mouais, le punk, c’est pas trop mon truc. Mais c’est bien fait.
– Je le sens bien ce groupe. Je vais me procurer l’album.
– Mouais.
– Sinon on s’en boit un autre ?
– J'ai pas le temps. Je dois rentrer.
– OK. Rendez-vous dans seize ans pour le dernier AVENGED SEVENFOLD ?
– Pourquoi pas ? Cette soirée débat était intéressante. On verra ce que ce groupe et nous serons devenus. »

Voilà comment je fus emballé par « Sounding The Seventh Trumpet », comment j’ai versé dans un nouveau courant musical. Ai-je emballé également la belle demoiselle ? C’est une autre histoire, que je conterai peut-être lors d’une chronique future. Quittons-nous sur le magnifique morceau à l’agressivité progressive, "Shattered By Broken Dreams", ainsi que sur ces quelques vers de l’ami Shakespeare qui résument la rivalité dans le metal née en ce début de millénaire. Réécriture assez personnelle, je l’avoue.

« Deux familles, égales en noblesse, amoureuses des riffs graisseux
Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène, peut-être devrais-je dire L.A. ?
Sont entraînées par d’anciennes rancunes à des rixes nouvelles, de séculaires mélodies contre d’adolescents cris
Où le son des citoyens souille les oreilles d’autres citoyens.
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies, de leurs patchs aux combos de chevelus
A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d’amoureux metalleux
Dont la ruine néfaste et lamentable sur les scènes des festivals
Doit ensevelir dans leur tombe l’animosité de leurs parents.
Les terribles péripéties de leur fatal amour bercé par des vagues de décibels
Et les effets de la rage obstinée de ces familles, qui oppose des écoles heavy à contre-core
Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants, une lutte au cœur à core
Vont en deux heures être exposés sur notre scène.
Si vous daignez nous écouter patiemment,
Notre zèle s’efforcera de corriger notre insuffisance. ».

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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