Dans l’attente d’une chronique ébouriffante – ah le dernier prêche du prêtre impie est déjà pris, me dit-on – mon chef m’envoie nourrir les rhinos et me voilà… décoiffé par un skeud british mais pas moins catholique. Il me dit : « C’est un beau défi avec ce combo peu connu dans notre contrée ». J’écoute toujours mon chef.
FEED THE RHINO, kesako ? Avec un nom comme ça, je pense : « Encore un groupe de metalcore, me voilà catalogué à la rédaction ? ». Bon, on sort un peu des sentiers battus en fait. A l’écoute de « The Silence » qui fait suite à « The Sorrow And The Sound », on devine la présence d’un message, je découvre un "band à part". Creusons, comme dirait René la taupe. "Timewave Zero" nous sert une structure post hardcore, des riffs qui n’auraient pas fait tâche à Seattle il y a 20 ans. Du gras, mais tout en retenue jusque dans les soli impeccables. Le frontman Lee Tobin a un look de hipster coincé mais il sait mouiller sa liquette. L’agressivité metalcore est présente dans ses refrains. Les Anglais, ils savent y faire pour nous surprendre, c’est bien connu.
Avec "Heedless", ça crie d’emblée. Toujours cette rythmique que n’aurait pas reniée les adeptes du Jardin du Son. C’est sec et lancinant. Les fines bouches pourraient arguer que c’est un chouïa lisse, mais à mon avis en live, ça doit bien ramoner les esgourdes !
Pour un album avec un si sinistre titre, on n’est pas sans voix. Des voies, on en trouve plusieurs : avec "Losing Ground", on s’enfonce dans un mélo comme une abeille s’englue dans un pot de miel. Le pot qui chatouille Maya a des relents de stoner. "68" fait dans le post-punk. Abrasif et hargneux. Une succession de morceaux OVNI, "All Work And No Play Makes Jack A Dull Boy" est aussi musicalement déroutant par son agressivité faussement bordélique que son titre est obscur. Toujours, on baigne dans une ambiance, "Yellow And Green" vous imprègne. A moins que ce ne soit l’inverse ?
Peut-être est-ce cela la touche FEED THE RHINO, un concept rageux qui nous contamine. C’est à se demander pourquoi une musique aussi conceptuelle n'est pas plus écoutée dans nos contrées, où nous aimons nous pâmer devant des sons cérébraux et recherchés. Peu importe. Loués soient les esprits libres capables de venir cueillir les notes déglinguées de morceaux tels que "Nerve Of A Sinister Killer". Pour se reposer ensuite avec de jolies mélodies core offertes par "Fences", qui me rappelle WHILE SHE SLEEPS. Pour clore l’aventure, FEED THE RHINO balance en pleine poire un magnifique brulot, il s’agit de "Featherweight".
Voilà, nous avons découvert un album atypique, aux bords rugueux. Du bon rock multifacettes. Nous pouvons éteindre notre poste et reprendre une activité normale.