Braves gens, laissez-moi me présenter. Je me nomme Will Shakespeare, barde illusionniste de mon état, et je vais vous narrer mon Roi Lear, ma dernière tragédie, mise en musique par les Teutons REBELLION.
REBELLION ? Des ménestrels de Francfort qui, depuis 17 ans, œuvrent à la gloire du heavy metal traditionnel. Et à la manière de GRAVE DIGGER, dont Tomi Göttlich le bassiste est issu, ou de RUNNING WILD, ils font dans le rock historique et livrent leurs batailles avec brio, sabrant à tout va, à coups de guitares aiguisées, dans des contrées vikings, saxonnes ou ici en Albion préchrétienne. Bon, j’ai dit "heavy metal", donc les jeunots au fond de la taverne vont s’assoupir, et la vieille garde chaînes et cuir va lever ses boucliers en peau de loup et protester à l’écoute d’une pièce à la structure narrative lente et très sombre. Du drame fantasy. Voici l’histoire de ce roi en plein délire, condamné à chanter pour nous l’histoire de sa folie, une "Fool’s Tale".
« A Tragedy In Steel Part II: Shakespeare's King Lear ». Plus d’une heure où s’enchaînent des titres langoureux, appuyés de riffs lourds et affûtés. On comprendra que les hardos bruyants pensant retrouver les grandes chevauchées de « Macbeth : A Tragedy In Steel I » seront désappointés. Toutefois, si on se pose confortablement au coin du feu, le vieux chien du taulier vautré sur nos pieds et que l’on dresse à la fois le coude et une oreille curieuse à "A Fool’s Tale", on glisse dans une œuvre de grande ampleur. Un véritable morceau d’anthologie, heavy progressif, batterie martiale, chœurs wagnériens et passages récités de la pièce. Par les dieux des temps anciens, voilà du titre inspirant pour l’âme vagabonde que je suis. « A Tragedy in Steel Part II: Shakespeare's King Lear » est au heavy metal ce que le théâtre est au cinéma. Une structure d’une grande beauté qui, ici, conte le legs du royaume fait par ce roi à ses trois filles, un héritage qui s’avèrera destructeur. Trahison, vengeance et destinée, les ¨Parques sont à l’œuvre. L’illustration parfaite pour le propos de ma pièce.
Oyez braves metalleux, ne fuyez pas, les titres ne sont pas que cérébraux. A l’instar de "Dowerless Daughter" qui livre une cavalcade paradoxalement sobre et enivrante. La voix de Michael Seifert est inimitable, chevrotante et criant dans de longs aigus. "Stand Up For Bastards" dans la même veine fait se lever les gaillards tatoués et bardés de clous, à grands renforts de six cordes tranchant dans le vif. "Blood Against Blood", lutte fratricide. Ça frappe d’estoc, ça frappe de taille ! La pièce est illustrée par l’écho de "Storm And Tempest". Mes pièces se prêtent décidément bien à la musique de ces rebelles. Vivement que je leur soumette mon "Roméo et Juliette", ils en feront un ballet frais et enjoué. Ah, on me dit qu’un certain Prokofiev l’aurait fait ? Encore un death metalleux russe je parie. Grrr…
Plus sérieusement, force est d’avouer que cet album se démarque des précédents par une volonté de servir une musique plus lente et dépressive. Mes vaillants musiciens peignent le monde en noir, "Black Is The World". Un son live, sans artifices, qui renvoie aux temps premiers du heavy metal, aux temps du Sabbat Noir. Dans la lenteur est contenue toutefois une puissance à donner la chair de poule !
J’ignore si cet album peut décemment ressortir lors d’une représentation scénique. Je le conseille déjà pour votre salon, au coin d’un bon feu par une nuit noire et froide, avec entre les mains un ouvrage épique rempli de trahisons et de "Battle Song". Ma pièce peut-être ?
Mes amis, je vous laisse avec l’envie, ou pas, de découvrir un album singulier. Quant à votre humble serviteur, il doit se retirer avec le tomber de rideau. En effet, mon attelage m’attend, mes deux compagnons, musclés et drapés de blanc, vont m’escorter jusqu’à l’institution d’Arkham. Je vous souhaite une bonne nuit. Et n’oubliez pas qu’à la fin de mes pièces, "The Truth Should Prevail" !