31 juillet 2018, 16:10

BEYOND THE STYX

• Interview Emile & Adrien


Les Français BEYOND THE STYX étaient de retour avec un nouveau méfait nommé « Stiigma »​, le 23 février dernier, et ce qu'on peut dire c'est qu'ils ne sont pas là pour plaisanter. Que ce soit musicalement, ou dans leurs propos lors de cette entrevue assez atypique, ils sont remontés et c’est au bénéfice de cet album qui est brutal... à point. A vous d'en juger.


Vous avez donc sorti votre nouvel album « Stiigma » qui succède à « Leviathanima » paru en 2015, il me semble que le line-up a évolué depuis...
Emile : Oui, Anto a fait le choix de quitter le groupe durant l'été 2017 pour rejoindre son projet parallèle. On a dû reprendre l’aventure de rechercher un nouveau guitariste. Ce genre de période n’est jamais simple car on sait ce qu’on perd mais on ne sait jamais ce qu’on trouve. Et puis il y a eu quand même séparation, il était là depuis le début ! Nous avons donc effectué un casting, il y avait deux "candidatures" et nous avons retenu Victor. Mais nous en avons aussi retenu un autre, Raphael, en tant que guitariste de session. Victor a pris pleinement sa place dans le groupe, cela n’a pas été simple pour lui au début car nous avons eu une deuxième date où l'on se retrouvait en première partie du groupe HYPNO5E à Nîmes, dans une assez grande salle. Donc, de la pression, mais c’était aussi le meilleur moyen pour lui de se mettre dans le bain. Il a compris rapidement où il mettait les pieds et surtout il a beaucoup apporté de son savoir-faire d’arrangeur.

Justement, est-ce que votre façon d’écrire a été bouleversée par ce changement ?
Adrien : Je ne sais pas si c’est son arrivée qui a changé notre façon d’écrire. C’est ce "plus" qu’on a vécu en live avec « Leviathanima », c’est-à-dire créer ensemble, à cinq, dans une salle de répétition. Son arrivée a plutôt changé notre manière de finaliser les choses. Grosso modo au début j’étais le seul à maîtriser la MAO, et vu que je n’habite pas à Tours je me tapais les allers-retours pour enregistrer les gars. Donc c’est pratique d’avoir le guitariste qui enregistre son riff chez lui en sortant de répète et qui nous l’envoie après, c’est plus agréable et cela nous a permis d’avancer autrement.

C’est donc votre second album chez Klonosphere, toujours aussi satisfait de votre collaboration ?
Emile : Pas mal. Bon, on ne va pas se mentir, Klonosphere c’est un label parmi d’autres qu’on avait contacté. Comme je disais lors d’une précédente interview, si j’avais un mot pour décrire notre relation ça serait "respect". C’est un label qui respecte nos intérêts, et les leurs, mais sans galvauder des choses qui ne sont pas négociables pour nous. On nous a proposé des contrats, que je n’appellerais pas des contrats mais de la prostitution. Et à un moment donné le proxénétisme c’est passible de la peine d’emprisonnement. Personnellement, bosser dans des conditions pareilles, clairement, c’est non. On est prêt à faire des efforts mais cela ne peut pas aller que dans un sens ! Si pour signer avec un gros label il faut avoir un anus aussi gros que lui, et bien moi je dis non !
Adrien : Quand tu as quelqu’un au bout du fil ou par mail qui te dis « le label c’est moi donc c’est moi qui décide », là tu te dis que ça va dans un sens.
Emile : On est un groupe indépendant, qui s’auto-book, et qui a une tournée de près de vingt dates. Par exemple un label qui nous demande de sortir l’album à la fin de la tournée, je me dis qu’est-ce qu’ils ne comprennent pas ? Je pense qu’il y a des enjeux de pouvoir qui nous dépassent et nous on n’est pas là-dedans. Pour nous ce qui compte c’est d’avoir de la transparence et de se sentir respecté. Après avoir autant travaillé sur un album on ne peut se dire qu’on a aucun droit sur nos œuvres, qu’on est plus propriétaire de quoi que ce soit et qu’on paye pour tout, pour finalement trois fois rien.

Il y a bien des groupes qui acceptent ? Je crois bien que c’est un coup de gueule que tu passes…
Emile : Oui, mais pour combien ils vont accepter ? Est-ce que les gens se sont déjà posé la question : comment se fait-il que la durée de vie moyenne d’un groupe soit inférieure à 5 ans ? J’ai envie de dire, parce que papa et maman n’ont pas un compte en banque au Îles Caïmans ! Tant qu’il y aura des gens pour faire fonctionner ces machines à merde… bon je sais qu’il y a aussi des prises de risques mais à un moment donné il y a des limites. Moi, je suis prêt à me saigner pour un label qui croit en nous, mais qu’on ne me demande pas de me vider de tout mon sang. Des dettes au cul on en a un paquet, jusqu’à maintenant il n’y a eu aucun label pour nous dire : « si vous avez besoin d’une avance sur frais pour tourner avec untel il n’y a pas de problème je suis là ». Non il n’y a jamais eu personne pour cela, c’est toujours nous qui sortons l’argent. Donc non, ce n’est pas un coup de gueule c’est une réalité. Il y a plein de gens qui le savent mais il y a plein de gens qui se taisent. Ou alors qui ne disent rien parce qu'ils n’existent plus. Il y a eu aussi les labels qui nous ont dit : « votre produit nous intéresse » mais au moment de la signature il n’y a plus personne. Je ne donnerai pas de noms, ils se reconnaitront. Tant que rien n’est écrit noir sur blanc la parole dans notre milieu c’est du flan. Tant qu’il y a de la bière et du whisky à l’apéro on est copain, mais dès que les verres sont vides alors là c’est plus compliqué. C’est pour cela que je remercie grandement Klonosphere de nous avoir proposé ce contrat. Nous, signer sur les labels étrangers et ne pas être distribué en France c’est non, on est un groupe français.
Adrien : Je pense qu’on pourrait en parler pendant des heures parce qu’il y a tellement de choses qui rentrent en compte qui, comme le disait Emile, nous dépassent. Aussi bien en termes de business, d’argent, de contacts, d’envie et aussi de pouvoir, « moi je fais comme cela et si ça ne te plait pas… ».
Emile : Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. En tout cas maintenant on sait beaucoup de choses sur beaucoup de monde. Il y a des labels où on ne retournera plus, on a appris des choses nauséabondes au possible et je préfère encore lire les faits divers par rapport à certains trucs !

On va parler de choses plus heureuses et intéressantes, « Stiigma » a été enregistré par David Potvin aux Dome Studios (KRONOS, T.A.N.K, ONE WAY MIRROR...), et produit par Nick Jett (TERROR, BACKTRACK, LIONHEART...), pourquoi les avoir choisis eux particulièrement ?
Adrien : On est retourné aux Dome Studios pour le professionnalisme de David, on avait déjà fait l’EP et le précédent album « Leviathanima » chez lui, donc on savait où on mettait les pieds. On savait qu’il allait faire un très bon travail, de bonnes prises, propres et en place. C’est quelqu’un qui a une oreille de malade, il va entendre des détails que personne n’a entendu. Il va te faire alors la remarque mais pas en mode assassin, il est vraiment là pour te faire sortir le meilleur.
Emile : C’était une décision collégiale, mais pour moi c’était aussi un bon moyen pour ne pas entendre « votre son a changé car vous avez changé de studio ». Nous avons pris un virage à 90° en termes d’influences, donc on ne pourra pas nous reprocher que c’est parce qu’on a enregistré ailleurs. Pour moi en tout cas c’est la dernière fois, faut aussi voir autre chose. Mais en tout cas on a été très bien accompagné. Cet accouchement c’est un beau cadeau qu’ils nous font, mais je pense que c’est aussi un beau cadeau qu’on leur fait, en tout humilité… j’en suis fier de cet album !

Justement par rapport à ce virage, personnellement cet album je le trouve plus massif et plus sombre que le premier, c’est bien l’effet escompté ?
Emile : Oui, et ça sera pire la prochaine fois (rires).
Adrien : Comme on l’a dit tout l’heure, c’est le live qui a fait qu’on a composé de cette façon. C’était de "taper" musicalement, de mettre la pêche au bon endroit, de récréer cette puissance qu’on peut ressentir en live. Par rapport aux retours qu’on a avec les interviews ou des gens qui ont acheté le CD, c’est que le son est ultra massif, on a vraiment réussi ce qu’on voulait faire.
Emile : Plus sombre parce que c’est à l’image de ce qui nous entoure, je ne vais pas parler de bisounours alors qu’on vit dans un monde de merde. Plus violent et sombre sera le monde, pire nous serons. Tu me fouettes une fois je te fouette vingt fois. Et attendez-vous à pire, moi je me lime les dents. En fait cet album est vraiment à l’image de l’artwork.

Ça tombe bien j’allais y venir. J’aime beaucoup la pochette, celle-ci a été réalisée par Ammo qui avait notamment travaillé pour NEUROSIS, comment l’avez-vous repéré ?
Emile :  C’est Internet, je l’ai trouvé à force de recherche sur des blogs et d’heures passées sur Instagram. Auparavant on avait retenu une short-list comme on fait à chaque fois, on avait trois ou quatre artistes. On a envoyé des mails, et c’est simple, ceux qui répondent le plus vite sont ceux qui paraissent les plus intéressés. Après il y a bien un moment où il faut parler d'argent, et quand tout correspond alors c’est parfait. Au début je ne soupçonnais pas qu’Ammo ait fait autant de chose, il a bossé pour CULT OF LUNA, AMENRA, il a même bossé pour Marvel. Et puis quand bien même c’est quelqu’un de simple, mais débordé.

Le live est donc quelque chose d’important pour le groupe et vous faites de nombreux concerts, mélanger vie privée et déplacements dans le van n’est-ce pas trop difficile pour vous ?
Adrien : C’est difficile, il ne faut pas se leurrer. Ca l’est un peu moins mais ça a été très compliqué. On a tous eu des copines qui nous ont quitté, ou que nous avons quittée à cause de cela. Quand tu passes 80% de ton temps pour la musique, tu as forcement quelqu’un qui se retrouve délaissé. Je vais parler en mon nom, mais à l’heure actuelle j’ai trouvé quelqu’un avec qui j’ai joué carte sur table dès le départ. Je lui ai simplement dit que c’était comme cela et qu'on ne pouvait rien y faire. BEYOND THE STYX nous habite, mais on peut tout faire aussi pour notre couple.
Emile : Ce n’est pas discutable mais on est conscient des limites, on ne va pas tout sacrifier non plus.
Adrien : Quand on part, on part et ça fait partie du groupe. Pour reprendre une phrase de Yoann « la base, c’est le van », et comme disait David « tu fais 8h de route pour 35min de set » c’est dur. Mais au final ces 35min vont balayer les 8h de route, on adore le live. Mais pas que pour le set, on adore tout ce qu’il y a autour comme rencontrer et parler avec les gens. Même sans vouloir vendre du merch, on n’est pas des marchands de tapis. Voir du pays aussi, je n’aurais jamais vu autant la France grâce à BEYOND THE STYX. Le live c’est vital pour un groupe, faire de la musique de salon ce n’est pas pour nous.



A la création du groupe vous qualifiez votre style de "ghost Metal Hardcore", est-ce toujours d’actualité ?
Emile : C’est un terme qu’on utilisait avant, j’utilisais le mot "ghost" pour la simple raison qu’on a de place nulle part, une âme en perdition est un fantôme. Sans sortir ma coquille de Calimero, avant cet album je n’ai jamais eu l’impression d’être à ma place. Maintenant je sais qui nous sommes et que peu importe le festival où on jouera, vous allez bouffer du BEYOND THE STYX. Vous n’arriverez peut-être pas à mettre un genre dessus mais ce qui est certain c’est que vous allez vous souvenir de nous. Avant, ce terme c’était aussi pour attirer l’attention, mais maintenant c’est metal hardcore crossover.
Adrien : C’était Emile qui avait proposé le "ghost Metal Hardcore" à l’époque, c’est vrai qu’il y a le coté fantôme mais aussi le fait d’être un peu tout et un peu rien. Car trop metal pour certains et trop hardcore pour d’autres. Mais maintenant…
Emile : Maintenant il y a même des festivals de death qui nous répondent alors qu’on n’a jamais été autant hardcore (rires).

Après cette riche rencontre, je vous propose de conclure ?
Emile : Je tiens toujours à remercier les passionnés que vous êtes parce qu’on ne vous le dit pas assez et on sait très bien que le milieu underground que nous incarnons serait encore plus sous-underground sans vous. Donc merci pour vos statuts de bénévoles et passionnés, le temps qu’on passe sur les routes c’est du temps que vous passez derrières vos PC, ou en interview à vous bouger. A côté de cela j’ai toujours ce message pour les lecteurs de webzines : BOU-GEZ-VOUS ! S’il vous plait, arrêtez de penser que le metal en France c’est le Hellfest, arrêtez de penser que l’avenir du metal en France c’est le Download. L’avenir c’est ce que nous faisons tous ensemble à notre niveau. N’importe quelle commune peut monter n’importe quel festival. Il ne faut pas oublier que le Hellfest était le Furyfest, vous êtes potentiellement le prochain Ben Barbaud, vous êtes potentiellement le prochain Axl Rose, on ne va pas vous vendre du rêve mais au moins essayez ! Et si on a des petites scènes on pourra peut-être mettre des petits OVNI et pourquoi pas faire renaître les scènes locales. On a des villes qui sont des déserts culturels et moi je milite pour l’expression de celle-ci pour n’importe quels styles, mais principalement dans la musique extrême. Donc c’est hyper important que les gens qui lisent les webzines prennent conscience qu’en se fédérant on peut vraiment bouger et casser des culs. Et il n’y a rien de plus insupportable que de voir des tournées européennes bouder la France ! A un moment donné l’underground a une place et il faut arrêter de penser qu’on n’a rien à défendre. On a beaucoup à apprendre de certaines régions, notamment la bretagne qui arrive à faire bouger les gens sur leurs dates… ce n’est pas la panacée non plus on ne va pas se mentir mais ça pourrait l’être un peu partout. Je n’ai plus envie de voir autant de villes sinistrées comme on en voit trop sur la route. Et même des villes où des fois on accepte de nous faire jouer sans groupes locaux, on va attirer combien ? 15, 20 ou 25 passionnés, ce n’est pas facile. Il faut arrêter de penser que le pouvoir est dans les mains des autres, le pouvoir il nous appartient.


Retrouvez BEYOND THE STYX sur la date de TERROR et BROKEN TEETH ce vendredi 3 août au Ferrailleur de Nantes, puis en tournée (voir les dates sur l'affiche plus bas)

www.facebook.com/pg/BTSTYX




Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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