6 mai 2018, 15:25

STONE TEMPLE PILOTS

• Interview Robert DeLeo


“Où es-tu en ce moment ?” questionne Robert DeLeo à l'autre bout du fil. 
“Je suis à Paris”, lui dis-je. 
“Veinarde” me répond-il de sa maison sous le soleil de Los Angeles tandis que je contemple la pluie qui tombe à l'extérieur. 
“La pluie à Paris, c'est quand même une source d'inspiration”...

Et de l'inspiration, contrairement à ce que son titre pourrait laisser penser, ce nouvel album de STONE TEMPLE PILOTS en est rempli. C'est aussi le premier avec le nouveau chanteur Jeff Gutt, qui se révèle particulièrement convaincant malgré une tâche difficile consistant à reprendre la place des regrettés Scott Weiland et Chester Bennington. STONE TEMPLE PILOTS n'est pas de retour - le groupe n'est jamais vraiment parti - mais il a affronté les pires épreuves et sort apparemment grandi.  

Oui, Paris et la pluie pourraient certainement t'inspirer, mais pour ça, il faudrait que tu viennes !
Robert DeLeo : Je sais ! Non seulement je veux tourner là-bas, mais je voudrais vraiment y vivre quelques mois.

Tu devrais !
Robert DeLeo : C'est tellement magnifique ! Paris est l'une de mes villes préférées. C'est superbe.

Tu sais ce qu'il te reste à faire. Comment s'est passée la première partie de la tournée ?
Robert DeLeo : Ça a vraiment bien marché. Au moment où nous nous parlons, je peux prendre quelques jours de repos maintenant et m'occuper de mon jardinage et puis c'est reparti pour d'autres concerts.

L'Europe est en vue ?
Robert DeLeo : Pas encore. Faudrait que tu demandes à Avi, notre manager, à ce sujet ! (rires) C'est pas moi qui cale les dates, je me contente de les jouer ! 

Votre nouvel album est le deuxième album de votre carrière à être éponyme...
Robert DeLeo : Eh bien, nous essayions de trouver un titre valable, mais tout paraissait si ringard, tu sais : Résurrection, Phoenix, Les Cendres ! Nous ne voulions vraiment pas tomber là-dedans. Nous voulions que les gens se fassent une opinion eux-mêmes sans apposer un titre et une signification. C'est toute la beauté de la musique - chacun peut l'interpréter à sa façon. 

Et ça évite tout malentendu de leur part…
Robert DeLeo : Oui, un petit peu comme tout dans la vie, Talia. 

C'est l'époque qui veut ça, tu penses ?
Robert DeLeo : Chacun est un critique maintenant, n'est-ce pas ? C'est marrant de poster une simple photo d'un chaton et, en un instant, quelqu'un va te dire : "C'est moche ! C'est dégoutant ! Tu ne serais pas en train de faire du mal à ce chaton par hasard ?" Tu vois ce que je veux dire ?

Vous avez vécu de nombreux bouleversements en tant que groupe que vous évoquez dans votre troisième single "The Art of Letting Go". C'est aussi la première chanson que vous avez écrite avec votre nouveau chanteur Jeff. Était-ce un instant décisif pour vous en tant que nouveau groupe ?
Robert DeLeo : Absolument, oui, oui. C'est la chanson qui m'a vraiment donné le sentiment que nous pouvions regarder droit devant. C'est un aspect de notre musique qui ... Les chansons comme celle-ci à travers notre carrière sont typiquement celles qui me parlent vraiment et sont très particulières à mes yeux. Et c'était vraiment la chanson, comme tu l'as dit, qui a marqué l'instant-clé. Jeff a fait un si bon travail sur la mélodie et les paroles de cette chanson. Réunir les deux ensemble - la musique et la mélodie et les paroles, vraiment, c'était un moment décisif et prometteur.

Cet album, c'est indiscutablement du STONE TEMPLE PILOTS, mais avec quelque chose de différent. Vous ne vous reposez pas sur vos acquis.
Robert DeLeo : Ouais. Eh bien, on pourrait le faire, mais je ne pense pas que c'est la raison pour laquelle nous faisons de la musique. Regardons les choses en face : il y a une énorme différence entre "Core", notre premier album, et "Purple" le second. Nous ne nous sommes pas reposés sur nos lauriers et nous ne le faisons toujours pas. Je pense que jusqu'à présent, chaque album était différent et encore aujourd'hui, nous avançons ... Tu sais, une autre chose aussi, ce qui prime, c'est que nous avons tous le même état d'esprit et voulons juste faire le meilleur album possible.

Jeff est un grand chanteur avec un large registre et il vous a fallu 18 mois pour le trouver. Avez-vous été tenté un moment d'embaucher plutôt un chanteur célèbre ou était-ce juste difficile de trouver quelqu'un qui pourrait reprendre le répertoire si particulier de Scott ?
Robert DeLeo : Non. Il ne s'agit pas seulement de chanter. Il est aussi question de la personne avec laquelle nous allons passer beaucoup de temps. Il y a tellement de réflexion dans le choix d'un nouveau chanteur après en avoir perdu deux. Et je pense que ce que Dean, Eric et moi avons prouvé, c'est notre capacité de résilience - être résilient et aller de l'avant. Je pense qu'il y a une bonne atmosphère entre nous trois et notre intention est d'avancer en préservant cette entente. C'est vraiment ce qui compte - avoir quelqu'un qui pourrait partager cela, l'apprécier, le respecter et y contribuer. Jeff s'est révélé la meilleure personne pour cela.

Faire cet album a-t-il participé au processus de guérison après ce qui vous est arrivé ?
Robert DeLeo : Oui, oui. Je veux dire, certaines choses ne guériront jamais et la musique ... Regarde, je suis toujours un grand fan de musique et le serai toujours, et la musique apaise certaines souffrances que tu l'écoutes ou que tu la crées. C'est très bénéfique. En tant qu'auditeur, j'écoute des musiques totalement différentes. En tant qu'auteur et compositeur, les sentiments exprimés sont très thérapeutiques, très réparateurs.



© Michelle Shiers


As-tu été surpris comme cela a été le cas pour nous quand tu as appris le suicide de Chester Bennington ? Il luttait contre ses propres démons…
Robert DeLeo : Oui. Eh bien, je connaissais ces démons, mais je n'aurais jamais pensé qu'il en viendrait à cette extrémité. Nous avons vécu dans la même ville. Nous avons amené ensemble nos enfants à l'école ou encore au baseball. Nous avons toujours eu des embrassades l'un pour l'autre. Je le considérais ... Qu'il soit ou non dans ce groupe, je le considérais comme un ami cher - je l'ai toujours été dès ses débuts sur la route en 2001, il y a 17 ans. C'était une personne charmante et le fait qu'il ait rejoint ce groupe était pour nous un moment formidable, pour la positivité qu'il a apportée. Il faisait partie de ces gens qui ne se plaignent jamais d'un problème. Il était toujours dans la recherche de solutions. Je pense sincèrement qu'il aimait être dans ce groupe. Malheureusement, il avait beaucoup d'engagements envers son autre groupe et sa famille, et nous avons respecté cela. Et je pense que ces choses ont pris tout son temps. Le voir partir comme il l'a fait, c'est toujours insensé pour moi qu'il ne soit pas là, que je ne puisse pas l'appeler, que je ne le vois pas en ville. C'est très, très triste.

Malheureusement, difficile de prédire un tel geste. 
Robert DeLeo : J'essaie toujours de comprendre ce qui l'a poussé et ce qui pousse d'autres à prendre une telle décision. Même si on peut imaginer qu'ils prennent conscience d'une impasse à ce moment de leur vie qui pourrait ou non avoir un sens à justifier cela, c'est effrayant de penser à ce dernier instant.

Changeons de sujet pour quelque chose de moins dramatique ? Tu parlais d'écouter des musiques très différentes, qu'est-ce que tu écoutes actuellement ?
Robert DeLeo : Tu sais, je ne peux pas… Je pense que c'est quelque chose que je vis au quotidien. J'aime le jazz et j'en écoute de manière obsessionnelle, encore et encore. Tu connais Bill Evans ? Bill Evans était un pianiste de jazz. Je suis obsédé par ça... Tu aimes le jazz ?

Oui !
Robert DeLeo : J'écoute cet album de 1970 qui s'appelle "From Left To Right", et c'est sa première exploration du piano électrique. Et, tu sais, ces pointures du jazz voulaient vraiment rester intègres mais je pense que cela a vraiment apporté quelque chose de neuf à son répertoire, en tant que clavieriste. Et j'écoute obssessivement cet album tous les jours.

Faut que je me penche là-dessus.
Robert DeLeo : Oui, c'est un disque magnifique, c'est vraiment un album superbe. Je le décrirais comme très tendre. J'écoute aussi Paul Desmond, qui était saxophoniste pour Dave Brubeck et qui avait une telle sonorité et une manière si personnelle de s'exprimer. J'apprécie vraiment son jeu aussi bien que celui de Stan Getz. Au niveau de la guitare, j'ai beaucoup écouté Wes Montgomery. Ça me flanque une de ces claques. C'est intéressant, pour revenir un instant à Chester, parce que le matin où il est décédé, la nuit qui a précédé, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça - je ne le fais jamais - mais j'ai tweeté : "Qu'écoutez-vous quand tout est calme et qu'il est tard et sombre ?" Et j'ai partagé cette chanson de Wes Montgomery intitulée "I Wish I Knew" (littéralement, "si seulement j'avais su").



​C'est troublant.
Robert DeLeo : Ouais. C'était deux heures avant qu'il se suicide. Et le lendemain matin, je me suis dit que d'habitude, je ne fais jamais ça. Il doit y avoir un sens ou alors j'ai senti quelque chose. Mais écoute la chanson, elle est magnifique : "I Wish I Knew" par Wes Montgomery. 

Puisque nous parlons d'une musique composée il y a plusieurs dizaines d'années, pourrais-tu me dire quel instant dans l'histoire de la musique tu aurais aimé vivre ?
Robert DeLeo : Eh bien, tu sais, j'aime bien la période actuelle. Mais j'aurais bien aimé être aussi dans le Paris des années 20. Je pense que ça devait probablement être une époque incroyable musicalement. J'admire tous les grands compositeurs américains : Cole Porter et Gershwin... La musique de cette période a beaucoup de sens pour moi. La musique était inspirée. Il y a évidemment pas mal de groupes légendaires des années 60 et 70 et j'ai eu la chance de rencontrer la plupart de ces gens, de discuter avec eux et même de jouer avec eux. C'est énorme pour moi, renvoyer une marque forte à ces personnes qui m'ont tant inspiré et qui sont encore là. Nous devons chérir ceux qui sont encore parmi nous, car ils ne seront pas éternels.

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