En dépit de son ténébreux patronyme enraciné dans l’amour du black metal, le label Les Acteurs de l’Ombre a lui aussi besoin de faire le plein de vitamines D à la sortie d’un hiver particulièrement rugueux. Et sa recette est très simple : il profite des premiers rayons de soleil qui percent en ce mois de mai pour proposer non pas un mais deux split-albums qui vont réchauffer à coup sûr les cœurs et les oreilles. HARD FORCE vous dit tout sur cette nouvelle livraison de décibels 100% tricolore qui illustre à merveille le fameux proverbe "En mai fais ce qu’il te plaît". Mais oui… puisque c’est la fête du split !
TIME LURKER / CEPHEIDE : « Lucide » (sortie le 3 mai)
Je ne dirais jamais assez fort tout le bien que je pense de TIME LURKER, illustre one-man band en provenance de Strasbourg, qui œuvre avec doigté dans un black metal de toute première classe. Puissant, mélodique et bourré d’ambiances épiques, son nouveau méfait s’avère convaincant même si l’on aurait volontiers pris un peu de rab’ en plus des deux titres qui viennent ici à peine titiller le quart d’heure. Mais quand la qualité est au rendez-vous, on n’en savoure que d’autant plus chaque minute passée en sa compagnie. Cela tombe bien, "No one is real" ouvre les hostilités sur quelques nappes de synthé mystérieuses, en trompe-l’œil, comme pour mieux brouiller les pistes. Et le tour de passe-passe fonctionne, une fois de plus, puisqu’il fait place nette à des riffs rageurs dans la droite lignée du premier album : un condensé de sauvagerie et de mélancolie qui fait mouche. Tout comme "Unstable Night" qui lui aussi est du même acabit, furieux et dissonant, paré d’une intro aux chœurs lointains cédant brutalement sous le poids de blasts infernaux. L’ombre de YELLOW EYES traîne parfois sa lourde carcasse sur certaines lignes de guitares, un gage de qualité réciproque puisque les deux formations partagent ce sens aiguisé de la mélodie qui fait du fait du bien là où ça fait mal !
Changement de programme avec CEPHEIDE qui propose de son côté du split un seul et long morceau : "Lucide", dont les flammes gourmandes lèchent les esgourdes pendant près de vingt minutes. L’exercice de style est réussi, entre moments sauvages où les guitares tournoient et la batterie déferle sans jamais baisser la garde et d’autres parties plus calmes, plus introspectives. Des passages atmosphériques en formes de clés de voûtes d’un bloc imposant qui fait preuve à la fois d’une rigueur sans faille dans l’exécution et d’un soupçon d'audace pour piéger l'auditeur dans sa diabolique entreprise. Comme sur ses précédentes réalisations, le duo parigot se fait une joie de délivrer une tension permanente, presque palpable qui contraste étrangement avec une certaine sérénité. C’est un peu cela "Lucide" : un clair-obscur drapé dans un son profond, authentique qui fleure bon la terre humide et le brouillard impénétrable. L’hiver reste toujours d’actualité, finalement…
DARKENHÖLD / GRIFFON : « Atra Musica » (sortie le 31 mai)
Présenté dans le sens contraire de la participation de ses acteurs (GRIFFON ouvre la marche tandis que DARKENHÖLD la referme), cet album se profile sous le signe de l’éclectisme avec en point commun l’influence du Moyen-âge pour les deux formations. Que ce soit dans les textes ou l’approche musicale, il flotte comme un air châteaux oubliés, de forteresses imprenables et de donjons noircis par l’empreinte du temps sur les huit morceaux figurant au programme. GRIFFON démarre celui-ci avec fougue sur "Si Rome vient à périr" où il affiche clairement ses ambitions épiques et barbares. Les mélodies y sont guerrières et les vocalises affûtées, l’expérience des membres du groupe au sein d’autres pourvoyeurs d’obscurité (MOONREICH et NEPTRECUS notamment) n’y étant pas étrangères, le résultat est sans surprise convaincant. Quelques voix claires déclamées avec passion viennent compléter cette bonne impression qui se prolonge sur les deux morceaux suivants, "Souviens-toi Karbala" et "Jérusalem" qui portent en eux la tradition mélodique propre au groupe depuis ses débuts en 2012. Un interlude que l’on croirait toute droite sortie de la série des « Heroes of Might and Magic » vient clore ces débats enfiévrés : c’est du tout bon !
Pas si simple pour DARKENHÖLD de passer derrière cet assaut en grande partie black metal et pourtant le groupe relève le défi avec aisance. L’absence de distorsion pour un style 100% acoustique leur va comme un gant et fera le délice des veillées tardives, à taper du pied et des mains au son du temps passé ! L’ambiance médiévale est ici évidente et dans la lignée des quatre premiers albums du groupe, qui indiquaient déjà de solides prédispositions pour les contes d’une lointaine époque. Les niçois ne sont pas du genre à raconter des salades : ils sont ici dans leur élément et ne se privent pas de le prouver à grands coup de violoncelle, de flûte et de guimbardes. Le résultat est à la hauteur des ambitions du quartet provençal : unique. Quelques écoutes attentives seront nécessaires avant de pouvoir savourer pleinement la richesse des quatre contes de ces joyeux ménestrels… mais la récompense n’en sera que plus grande.
