28 mai 2019, 23:52

ALICE IN CHAINS + BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB

@ Paris (L'Olympia)

Depuis toujours, la musique d’ALICE IN CHAINS berce mes cicatrices, comme une mère prenant son enfant sous son aile protectrice, accompagnant ses échecs, ses erreurs et ses blessures ainsi que ses espoirs et ses plus belles réussites. Acteur majeur de la scène grunge de Seattle depuis plus de trente ans, le groupe est et reste absolument incontournable pour tout amateur de rock qui se respecte, notamment grâce à son style heavy teinté de blues aux ambiances lourdes et sombres. Ses venues en France étant plutôt rares, il était impensable de ne pas assister à ce concert dans un Olympia archibondé.

Pour débuter cette soirée, BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB, un groupe de rock psychédélique et alternatif originaire de San Francisco, a été convié par ALICE IN CHAINS pour l'accompagner lors de cette tournée européenne et le moins que l’on puisse dire, c'est que son style est très… psychédélique, lorgnant du côté de Nick Cave. D’ailleurs, c'est à se demander si le ténébreux Peter Hayes n’était pas sous l’emprise de psychotropes ou de substances illicites tant il semblait absent. La musique froide, sombre et lente du groupe peine à démarrer et il faudra attendre la troisième chanson, "Berlin", pour que ça décolle… un peu. Cependant, une bonne partie du public paraît adhérer à la musique du trio et réagit de bon cœur. Mais pour ma part, c’est une première partie bien mollassonne, qui manque de tripes et qui me laissera de marbre.



Avec l’arrivée d’ALICE IN CHAINS, la ferveur se rallume, au moment où les lumières de la salle s’éteignent. Le quatuor, formé de Jerry Cantrell, Mike Inez, Sean Kinney et William DuVall, débarque sur une scène au décor sobre, constituée de quatre panneaux rotatifs présentant des écrans d’un côté et des façades lumineuses de l’autre qui modifieront les ambiances au gré des chansons. Décor qui n’est pas sans rappeler celui de 2018, mais en plus modulaire.
Le groupe démarre très fort avec "Bleed The Freak", très couillu, malgré un son assez brouillé sur les voix de Jerry et William. Mais ce léger problème sera vite résolu, laissant place à la même qualité sonore que le groupe a pu nous donner auparavant. Pour poursuivre dans la même veine, les très énergiques "Check My Brain" et "Again" transforment les fans de l’Olympia en pois sauteurs, ne se faisant pas prier pour chanter et répondre à la moindre sollicitation des deux chanteurs. William DuVall prend la parole, en français, pour présenter la solaire "Never Fade", tirée de l’excellent dernier album « Rainier Fog ». Vient ensuite le duo gagnant "Them Bones" et "Dam That River", histoire de ne pas faire redescendre la pression d’un public chauffé à blanc par cette avalanche de tubes, et d’admirer les extraordinaires soli de Jerry Cantrell touché par la grâce, égrenant ses notes comme une pluie de diamants. La section rythmique n’est pas en reste avec la basse vrombissante du souriant Mike Inez et la frappe puissante et précise de Sean Kinney.



« Do you want heavy ? We give you heavy » comme aurait pu le dire James Hetfield, lui aussi fan d’ALICE IN CHAINS depuis de longues années, en guise de prélude à "Hollow", tiré de l’avant-dernier album « The Devil Put Dinosaurs Here ». Première ballade de ce concert parmi les nombreuses et magnifiques que compte le groupe, "Your Decision" laisse flotter une brume d’émotion au-dessus du public. Emotion qui sera de plus en plus palpable tout au long de la soirée. "Rainier Fog", titre éponyme du dernier album, repart dans l’énergie brute pour laisser place ensuite à une nouvelle vague de douceur et de sensibilité à fleur de peau avec "Down In A Hole" et "No Excuses".
Le groupe alterne avec intelligence des moments de gros rock bien burné et de poésie pure, communiquant et communiant avec le public, avec parcimonie mais subtilité. Ce qu’il se passe ce soir est de l’ordre de la magie et du sublime, comme on n’en voit que très rarement. "Stone" est l’occasion pour Jerry Cantrell de faire bouger l’Olympia en exhortant les fans à faire le plus de bruit possible, ce qui sera bien entendu suivi à lettre. Repris par Jerry Cantrell après un drôle de faux départ de Sean Kinney, complètement à contre-temps, – ce qui permet d'ailleurs au public de constater que sous ses dehors parfois distant, ALICE IN CHAINS est un groupe plein d’humour – le batteur nous assène la puissante "Red Giant" de main de maître pour enchaîner sur l’excellente "We Die Young".



Le moment de grâce de la soirée revient sans conteste à "Nutshell", dédicacée par Jerry Cantrell au très regretté Layne Staley, ainsi qu’à feu Mike Starr, premier bassiste du groupe. L’émotion est à son comble, les gorges se nouent, les larmes coulent d’elles-mêmes, tant cette sublime chanson est liée à des souvenirs douloureux, encore si vivaces… Sean Kinney la joue les yeux fermés pour retenir lui aussi ses larmes et Jerry Cantrell, témoin de ce trop-plein d’émotion, vient taquiner et réconforter son partenaire, échangeant avec lui un regard complice. Quand l’art rencontre l’âme, on atteint la perfection.

Sean Kinney ayant repris ses esprits, il exécute l’intro de "Angry Chair" avec une force implacable, William DuVall se charge parfaitement de son rôle de frontman, avec une belle énergie et un rayonnement lumineux. Durant "Man In A Box", des photos de Layne Staley sont projetées sur les écrans, ajoutant une touche encore plus nostalgique à ce concert merveilleux. Le groupe se retire pendant quelques minutes pour revenir ensuite avec un long rappel composé de quatre chansons : "The One You Know", "Got Me Wrong", interprétée par Jerry, et les deux incontournables "Would?", sur laquelle tout le public donne de la voix, et "Rooster", toujours aussi culte et émouvante.
ALICE IN CHAINS prend le temps de remercier chaleureusement ses fans, en distribuant moult médiators et Sean Kinney, ses baguettes... Avec également un petit mot de la part de Willam DuVall, Mike Inez et Jerry Cantrell avant de quitter définitivement la scène.



ALICE IN CHAINS nous a offert un moment exceptionnel et inoubliable. A mon goût, ne manquait à cette set-list parfaite que le pur chef-d’œuvre "All I Am", tant cette chanson est empreinte d’une beauté inaltérable. Mais le groupe possède un répertoire si riche que le choix des titres ne doit pas être aisé. ALICE IN CHAINS est un groupe sur lequel le temps n’a pas de prise. Mieux encore, il se bonifie avec les années et les expériences, si douloureuses soient-elles, renforcé par la relation unique qui le lie à son public.
Un groupe profondément sincère et humain qui a trouvé la force d’avancer et de grandir malgré les failles dont-il a fait sa force. Pour cela, on ne peut que ressentir un immense respect pour les quatre musiciens qui ont plus que largement mérité leur statut de groupe culte et les remercier d’être là, tout simplement.


Photos © Benjamin Delacoux/Hard Force - Portfolio

La setlist


Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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1 commentaire

User
Jérôme Sérignac
le 03 juin 2019 à 16:51
Qu'ajouter de plus à cela ? Rien. L'émotion des mots choisis en symbiose totale avec celle délivrée cette soirée là et pour nous la conter. Merci pour ce report lumineux dans le noir... ("A light in the black? Oh, just a fear of the dark..." ;) )
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