10 juillet 2019, 10:33

SQUARES

• Interview Joe Satriani

Tout le monde connaît Joe Satriani pour son jeu de guitare et ses albums solo. Mais peu de gens savent qu'il était auparavant dans un groupe du nom de SQUARES avec deux autres comparses. Pour faire connaître ce projet très rock 80's, Satch sort sur son propre label le 12 juillet « Best Of The Early 80's Demos » et nous le présente avec conviction et un brin de nostalgie. Une interview en décalage spatio-temporel mais tellement dans l'air du temps.


Donc, tu es en pleine promotion d'un finalement vieil album de ton groupe SQUARES qui aurait pu sortir il y plusieurs dizaines d'années ?
Oh oui ! C'est tellement inhabituel et marrant ! Même regarder la photo sur la pochette du CD, c'est trop drôle !

Oh, c'était juste il y a quelques mois...
Oh c'était il y a tellement longtemps ! J'étais très jeune, une vingtaine d'années, et on s'amusait tellement. C'était vraiment un projet exaltant. On travaillait dur et on se tuait à la tâche mais on y prenait vraiment beaucoup de plaisir. Tout ce que tu sais à propos de la folie "sexe, drogues et rock'n'roll", c'était notre vie. On faisait de notre mieux pour jouer la musique que l'on aimait. Je suis très content que l'on puisse enfin sortir ce CD.

C'est un super album, très rock, très frais. Il devrait connaître un franc succès !
Je l'espère. A l'époque la musique aux USA était dirigée par les radios et elles étaient très cloisonnées en termes de styles musicaux. Il y avait seulement des stations rock et ils ne jouaient pas de punk, de new wave, de disco ou de blues. Et puis il y avait les stations dance/disco qui ne passaient que ce style. Et nous, on ne correspondait à aucune d'entre elles car notre musique était représentative de nous trois. Pour ma part, je venais d'un milieu très heavy, orienté guitare. J'ai étudié la musique classique et le jazz mais j 'ai grandi avec Bruce Spingsteen, BLACK SABBATH, Jimi Hendrix et Jimmy Page et j'étais un guitariste au style très agressif. Notre chanteur était d'une autre région des Etats-Unis et adorait Elvis Presley ; il était tellement différent de moi et n'aimait rien de ce que j'aimais. Notre batteur était très jeune à l'époque, il sortait juste du lycée, il avait 18 ans. Il n'aimait pas la musique que j'écoutais et était trop jeune pour écouter du Presley. Donc quand on était tous les trois, on voulait vraiment mélanger tous nos styles. Aujourd'hui, les gens comprennent ce choix car les nouvelles générations ont l'habitude d'écouter différents styles de musique. Mais au début des années 80, tout était séparé. Tu n'écoutais pas Madonna puis les SEX PISTOLS par exemple, il fallait choisir.

Pourquoi avoir appelé le groupe SQUARES ?
Je m'en souviens comme si c'était hier : on s'était réunis dans un bar et on avait un grand tableau, comme à l'école tu vois, et on a écrit dessus quelque chose comme 20 noms de groupes. Et on les éliminait au fur et à mesure parce qu'ils ne semblaient pas beaux ou ne feraient pas classe dans les journaux ou dans les prospectus. Ou l'on savait qu'un autre groupe avait le même nom ou un similaire. Et de fil en aiguille, on est resté sur SQUARES. On ne savait pas si on voulait être SQUARES ou THE SQUARES. Je pense que quand les gens parlent de nous, ils disent THE SQUARES, comme le groupe EAGLES, tout le monde dit THE EAGLES. Et puis c'était la période où les arts graphiques géométriques devenaient à la mode, que ce soit vestimentaire ou dans le mobilier, dans l'art... Donc il nous a semblé judicieux d'utiliser ce graphisme et ce nom (NDJ : qui signifie "carrés") qui en plus ouvrent de nombreux horizons. De plus, c'était une blague pour nous car ce que nous faisions n'était tellement pas "carré", tellement pas dans la norme ! On était tellement différents de tous les autres groupes de l'époque, que ce soit Peter Gabriel, Donna Summers, Michael Jackson ou les SEX PISTOLS. Ce n'était tellement pas nous ! On n'était rien de tout cela sauf SQUARES. On était juste un trio super énergique.

Et ça l'est toujours. Les morceaux de l'album traitent d'amour, de filles, de sujets dirait-on d'adolescents. C'était ce qui vous importait à l'époque ? D'ailleurs qui a écrit les paroles des chansons ?
On avait une façon très intéressante de composer de la musique. Je composais la plupart de la musique et j'apportais des chansons à 90% terminées avec une idée du sujet dont elles devaient traiter. J'apportais des fois des paroles, des fois juste un titre. Ensuite, on essayait les compos de différentes manières et les autres apportaient leurs commentaires à propos de la façon dont ils voulaient faire sonner les morceaux. Ensuite, on en faisait une cassette et on la donnait à notre manager qui revenait avec des paroles deux jours plus tard. On travaillait ensuite les chansons avec les paroles, on en changeait certaines. En général, nos textes parlaient de ce que nous vivions, des relations, de nos amusements dans les clubs et les fêtes. On voulait quelque chose de léger, pas trop sérieux. Andy (Milton) a été le premier à venir avec des paroles plus profondes, pensant que la nouvelles génération les comprendrait mais il a très vite changé d'avis. On ne voulait en tous cas pas parler de politique, de mort, de destruction. On voulait juste que les gens passent du bon temps avec notre musique.

Et qu'en est-il de la ballade "Never Let It Get You Down" ?
Je pense que c'est vraiment un message génial. On avait très peu d'argent, donc cette chanson a été enregistrée sur maquette dans un entrepôt. Le message qu'elle véhicule est que l'amour fait tout, c'est LA réponse universelle. Mais tu ne peux pas le laisser te déstabiliser, il faut continuer d'avancer. C'est comme quand tu passes une mauvaise période en amour et que tes amis passent leurs bras autour de toi et te soutiennent. C'est ça le propos de la chanson. Je pense que nous rendons hommage aux groupes que nous aimions à l'époque et qui faisaient très bien ce genre de chansons. Comme QUEEN ou David Bowie, c'est à eux que nous voulions tirer notre chapeau.

Si c'était à refaire aujourd'hui, tu ferais les choses différemment, avec l'album, avec le groupe, avec le management, la promo ?
(Rires) Je ne sais pas... C'était une époque si différente ! Je sais maintenant que quand tu passes du temps à te battre pour te faire un nom dans l'industrie musicale, tu deviens protecteur. Tu retiens des créations, tu ne joues pas au mieux, tu as peur de te faire juger, d'être comparé à d'autres groupes. Mais en fin de compte, quand je regarde en arrière, il y a 38 ans avec les SQUARES, je me demande pourquoi on n'a pas montré tout ce qu'on avait. On aurait dû enregistrer nos albums nous-mêmes, cela a été une de nos erreurs. Mais on les a faites car on pensait avoir raison d'agir comme ça à l'époque. On aurait même dû être plus ouverts mais c'est comme ça.



Et qu'est-ce que ça fait de redécouvrir des compos presque 40 ans plus tard ?
C'est très bizarre. On a dû passer des heures à regarder des photos. On n'avait pas de films de l'époque car on n'avait pas d'argent. Revenir sur ces années à été très intéressant mais aussi très émouvant car revivre tous ces moments est prenant. Mais c'est très chouette de pouvoir les partager avec le public aujourd'hui. Mon fils a fait deux vidéos pour nous et ça a été vraiment unique pour lui de voir toutes ces photos de son père alors que j'étais plus jeune que lui actuellement. Il a réalisé que ma carrière musicale remontait encore plus loin que ce à quoi il s'attendait. Il y avait aussi des photos de ma femme et moi quand nous étions encore ensemble, c'était il y a si longtemps. Il a été très touché. C'est toujours un plaisir de travailler avec lui mais cette fois, ça a vraiment été une expérience formidable. Ça n'a pas de prix.

Est-ce que SQUARES a vocation à redevenir un groupe ou restera-t-il un projet 80's ?
Nous ne pouvons pas refaire le groupe car notre chanteur/bassiste est mort en 1999. Malheureusement, il ne pourra pas voir ça alors qu'il avait toujours voulu être dans les feux des projecteurs. Jeff Campitelli et moi voulons faire connaître au monde la voix géniale qu'avait Andy.

Merci de partager cela avec nous ! Tu sembles très fier du groupe. Il semble que ce soit un réel accomplissement personnel cette sortie d'album, non ?
C'est vraiment un truc particulier des artistes : quoi que tu fasses, tu as besoin de le montrer au monde entier. C'est la raison pour laquelle tu fais les choses. Je me sens comme obligé de montrer ce que nous avons fait avec SQUARES car nous y croyions à 100%. On s'est tellement amusés avec nos fans à l'époque quand on jouait dans tous ces clubs dans la Baie de San Francisco au début des années 80's. Je pense vraiment que c'est quelque chose qui a besoin d'être partagé. Le monde a besoin de savoir que cela a eu lieu. C'était super ! A l'époque, on était un peu des outsiders mais quand des groupes comme BLINK-182 ou GREEN DAY ont percé, on s'est dit qu'on était finalement des pionniers mais que le monde n'était pas prêt pour nous. Je suis donc vraiment content que l'album sorte aujourd'hui.

C'est tout pour moi mais je te laisse terminer cette agréable interview avec quelques mots pour nos lecteurs.
Je suis très content que notre musique finisse par être acceptée pour ce qu'elle est. Et je serai toujours reconnaissant envers tous mes fans à travers le monde. Merci à tous.


Retrouvez la chronique de l'album à cet endroit : SQUARES


Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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