17 novembre 2019, 18:45

THE GREAT OLD ONES

• Interview Benjamin Guerry

THE GREAT OLD ONES a sorti son quatrième album intitulé « Cosmicism ». Dans la lignée des précédents, il dépeint l'univers lovecraftien sur fond de black metal lourd et imprégné de toute la philosophie du grand auteur. Dans le cadre de la journée promo à Petit Bain dans Paris, Benjamin Guerry, chanteur, guitariste et compositeur du groupe a répondu à nos questions et a bien voulu nous dévoiler le monde sombre qu'il aime évoquer dans ses chansons. Un entretien passionnant avec un homme passionné.


Dis-moi, cela fait maintenant 10 ans que THE GREAT OLD ONES existe. Quel regard portes-tu sur cette déjà sympathique carrière ?
Alors c'est marrant mais je n'avais pas du tout tilté et j'y ai pensé ce matin à cette date anniversaire. En fait, je ne considère pas vraiment que ça fait 10 ans que TGOO existe. 2009, c'est le moment où j'ai commencé à composer tout seul mais le groupe ne s'est réellement formé qu'en 2011. Au début, c'était un one-man band mais depuis que le groupe est en place, je ne l'ai plus jamais considéré comme un projet solo. Donc, la vraie date anniversaire sera dans 2 ans. Mais c'est marrant parce que j'y ai pensé ce matin en me disant que depuis 2009, je suis connu sous ce projet-là et on peut dire qu'il s'est passé beaucoup de choses. Donc, je peux quand même répondre à ta question : quand je repense au début lorsque j'ai commencé à composer dans ma chambre, tout seul sur mon PC, eh bien je ne suis pas mécontent de ce qui s'est passé depuis ! Je n'imaginais vraiment pas un jour être sur la terrasse de Petit Bain en train de répondre à une interview !

Alors l'univers de Lovecraft est bien sûr votre source d'inspiration principale. Depuis quand es-tu versé dans les écrits de cet auteur ? Etais-tu déjà fan avant le groupe ?
Oh ben oui, ça fait très longtemps ! J'ai découvert Lovecraft quand je faisais des jeux de rôles étant gamin. Je devais avoir 13 ou 14 ans. Comme j'en ai 37 aujourd'hui, donc ça fait un moment. Ensuite, j'ai lu toute l’œuvre et je ne l'ai jamais quittée depuis.

Tu vas donc pouvoir nous détailler cette philosophie lovecraftienne qu'est le cosmicisme. En quoi est-elle importante pour toi ?
En fait, je me suis toujours inspiré directement des nouvelles et histoires de Lovecraft, ce qui est encore le cas sur cet album. Mais pour resituer un peu la genèse de l'album, quand j'ai commencé à composer les chansons, j'ai eu envie de changer, de ne plus composer tout le temps la même chose, c'est-à-dire adapter les nouvelles directement comme j'avais fait sur les deux derniers albums. Du coup, j'ai eu envie de faire un morceau = une entité, chaque entité étant basée sur les nouvelles qui en parlent. Et je me suis dit que le cosmicisme collait bien avec ce principe. Ce cosmicisme qui dit qu'on est des êtres assez insignifiants et que plein de choses nous dépassent. Les nouvelles de Lovecraft ont toujours un peu le même point de départ : un être normal plus ou moins porté sur les sciences occultes, quelqu'un de très réel qui va vivre une situation qui le dépasse totalement. Il n'en est pas vraiment acteur, il est plutôt spectateur. Sur cet album, chaque morceau évoque une histoire, donc chaque protagoniste est mis au devant d'une entité, et est donc confronté à cette philosophie du cosmicisme. Il a l'impression de se retrouver devant quelque chose qui le dépasse totalement et il se rend compte qu'il n'est pas grand-chose devant l'infini du cosmos et tout ce qui peut s'y passer. A la différence de Lovecraft qui était complètement athée, je me considère plutôt comme un agnostique. Pour Lovecraft, le cosmicisme était une philosophie littéraire mais qui, au fond, était liée à tout son travail sur l'astronomie, donc ça devait le toucher vraiment et il devait vraiment penser qu'on était peu de choses au vu du cosmos. Comme je suis plutôt agnostique, je me dit qu'il y a sûrement une part de vérité, sans pouvoir bien sûr dire si c'est vrai ou pas (c'est le principe de l'agnosticisme).



Cet album est toujours un album de black metal tel qu'on le connaît chez THE GREAT OLD ONES mais je le trouve beaucoup plus sombre, peut-être encore plus profond que les précédents. Est-ce que ça vient justement de la mise en œuvre de toute cette philosophie ?
Je ne sais pas trop, je pense que c'est une continuité en fait. C'est quand même le quatrième album, donc notre style commence à être bien posé. Ce qui rend cet album spécial, c'est que chaque morceau a son identité propre, j'ai vraiment l'impression que chaque morceau a son truc à dire. Il n'y a pas de remplissage. Pour le côté sombre, cela vient peut-être du sujet : cette philosophie mine de rien assez nihiliste. Ce doit être un tout.

J'avoue avoir un faible pour la chanson qui s'appelle "Nyarlathotep" qui est un titre lent, plus brut, au contraire de morceau comme "Dreams Of The Nuclear Chaos" qui est blastée. Est-ce qu'il y a un titre qui te tient particulièrement à cœur ?
Pour ma part, je trouve que, comme ils ont justement tous un truc à dire, ils ont tous quelque chose. Très honnêtement, ce n'est pas de la langue de bois ! L'intro "Cosmic Depths" avec ses claviers qui donnent une couleur un peu science-fiction, "The Omniscient" qui a un côté très épique avec ses guitares harmonisées, "Of Dementia" avec ses voix chantées au milieu, proches de l'incantation, "Lost Carcosa" que j'aime beaucoup car c'est la petite incartade en dehors de Lovecraft même si c'est très très lié. C'est un morceau très dramatique. "A Thousand Young" qui est plus long, très doom. Comme tu le dis très bien, "Dreams Of The Nuclear Chaos" est beaucoup plus blasté mais il colle très bien avec l'entité puisque c'est Azathoth, alors que "Nyarlathotep", le chaos rampan,t est beaucoup plus lancinant, avec ce concept de marche vers la folie. J'avais envie d'un morceau mid-tempo. Il aurait pu être mis un peu n'importe où dans l'album mais en fait, pour moi c'était vraiment le morceau pour terminer, derrière ça il ne pouvait y avoir rien d'autre. Il marque vraiment la fin du voyage.

Et puis peut-être une ouverture vers d'autres horizons aussi non ?
Oui, c'est vrai. C'est une espèce de fin chaotique mais très lâcher-prise avec un personnage qui de toute façon ne peut rien à ce qui lui arrive et se laisse donc porter vers de nouveaux horizons.

Et l'artwork de la pochette est vraiment super joli ! Il est très travaillé, plein de sens aussi, elle comporte vraiment une lecture à différents niveaux. La collaboration avec Jeff Grimal, qui, nous le rappelons, a quitté le groupe, va-t-elle perdurer ?
Il est là depuis le début. Pour cet album, ça s'est très bien passé, la pochette est très illustrative. Pour le vinyl, elle sera différente, comme on le fait d'habitude. Je voulais une invitation au voyage mais vers l'infini, avec ce personnage qui est en bas à côté d'une entité. Y'a plein de détails en fait, cette entité qui fait un signe du genre « Ne répète pas ce que tu vois ou ce que je suis en train de te dire »... des choses qu'on ne voit pas forcément au premier coup d’œil. Jeff a hyper bien représenté tout ça, je trouve que la pochette colle parfaitement avec les différents voyages présentés sur l'album. La collaboration sur le long terme avec Jeff, je ne sais pas. Il a quitté le groupe il n'y a pas si longtemps que ça, donc il fallait boucler la boucle. Il se peut qu'on retravaille ensemble mais je ne veux pas être esclave de quelqu'un, je veux un peu de liberté donc je ne peux absolument pas me projeter sur ce que l'on fera pour le prochain album. En tous cas, cette collaboration-là me semblait évidente et quand je vois le résultat, c'était vraiment la bonne décision, commune à tous les deux.

En tous cas, vous faites la part belle à la France ! Tout est fait en France  avec THE GREAT OLD ONES : la pochette, l'enregistrement, le mixage, le mastering...
Comme quoi on n'a pas besoin d'aller chercher trop loin même si parfois, ça vaut le coup de se décentraliser. On est déjà aller voir ailleurs puisque c'est déjà le troisième producteur différent mais chaque fois en France. On en est très contents.

Vous avez fait des festivals, vous avez fait des tournées avec BEHEMOTH, GAAHLS WYRD. A quand une tournée européenne en tête d'affiche ?
On a fait une tournée en co-tête d'affiche avec AUDN l'année dernière, c'est déjà pas mal. Ça a très bien marché. Alors en France, y'a pas de problème pour faire la tête d'affiche donc là, on va tourner pour l'album comme la dernière fois et je sais que ça va bien se passer. Je suis très content de pouvoir me dire qu'on peut se produire en tête d'affiche et que ça fonctionne. Après, une tournée européenne en tête d'affiche seule... on verra. Ce serait une vraie évolution ! Là, on n'a pas tourné depuis novembre 2018 pour nous concentrer sur l'album, alors je peux t'assurer que ça nous démange ! Le live c'est vraiment là où tu as le vrai retour, où tu peux mettre en avant le côté visuel, la cohésion de groupe... On a hâte ! (voir les prochaines dates ci-dessous).



© Thomas Rossi - HARD FORCE


Dernière question : tu as fait la préface de ce superbe livre qu'est « Chtulhu Metal », tu peux nous en parler un peu ?
C'est Bragelonne, la maison d'édition, qui m'a contacté pour savoir si j'étais OK pour écrire la préface et je les en remercie car c'était un honneur pour moi. Déjà, l'objet en lui-même est très beau et il parle de l'influence de Lovecraft sur le metal, sur les différents groupes, pas forcément metal d'ailleurs. Il y en a pour lesquels le thème est évident à trouver, genre nous, tout le monde sait que l'on parle de Lovecraft, mais pour d'autres, c'est moins évident. Beaucoup de groupes finalement ont puisé leur inspiration dans l'œuvre de Lovecraft, des groupes parfois insoupçonnés. C'est très intéressant car Sébastien Baert, l'auteur, a réussi à compiler des interviews de ces groupes, ce qui fait que tu as vraiment les mots des musiciens à propos de Lovecraft. C'est passionnant ! On ressort du bouquin en ayant vraiment appris des choses sur la scène metal mais aussi sur Lovecraft, c'est vraiment une mine d'or ! Ça s'adresse en priorité peut-être aux fans de metal mais aussi aux fans de hard rock, de rock, de psyché... mais n'importe qui un peu fan de Lovecraft et de littérature peut y trouver son compte tellement ce livre est complet.


Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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