"They did everything they could do to take us out but like any good monster that just made us stronger"
Ces mots aux allures de déclaration de guerre figurent sur le dernier morceau de l’album, également intitulé « Born Dead ». Et ils résument à eux seuls l'état d'esprit d'Ice-T et sa clique en cette année 1994 notamment marquée par la mise en place d’une loi durcissant la lutte contre la criminalité accompagnée de l’embauche massive de 100 000 policiers supplémentaires pour faire face à la hausse de la délinquance aux Etats-Unis. Une initiative d'un gouvernement dont les oreilles ont dû siffler fort cette année-là puisque les travers de la société américaine constituent le carburant dont se nourriit BODY COUNT. A l'instar de la censure et de la bien-pensance ambiante qui avaient pourtant mis toute leur énergie à liquider le groupe à la sortie de son premier méfait deux années avant (et surtout du très controversé "Copkiller"), BODY COUNT est incassable. Il se nourrit de la haine que lui vouent ses adversaires pour revenir plus fort, toujours déterminé, avec des textes encore plus sombres sur « Born Dead ».
Et comme l’illustre avec doigté le fameux morceau éponyme, monstre de tension au refrain culte, mièvreries et belles histoires n’ont pas droit de cité dans les rangs du combo de Los Angeles. C’est la réalité, cruelle, de son environnement et de la société sur laquelle il ne se prive pas de poser un regard acéré. Côté pile : addictions en tout genre, racisme, pauvreté et violences policières restent les fondations de ses textes engagés qui n’ont pas pris une ride, vingt-cinq ans après leur conception. Côté face, la musique du groupe demeure toujours un feu d’artifice à la croisée du metal, du hardcore et du rap, profondément urbaine dans son essence même. BODY COUNT enfile les balles de gros calibre et se montre à l'aise dans tous les tempos, tous les registres. Que ce soit sur cette superbe reprise toute en finesse du "Hey Joe" de Hendrix comme sur les embardées hardcore et thrash de "Killin’ Floor", "Street Lobotomy", "Necessary Evil" ou "Drive-By" en passant par le groove monolithique de "Masters of Revenge", "Surviving the Game" et "Shallow Graves", rien n'est à jeter ici. N’oublions pas non plus l'énorme "Last Breath" dont l’introduction angoissée résonne toujours avec autant d’éclat aujourd’hui. La production « maison » de Ernie-C y tient elle aussi un rôle important : crue, sauvage et punitive, elle donne tout son sel à chaque hymne présent sur cet album historique. Tout comme cette couverture à l'image du contenu : tellement sombre et réaliste…
On ne peut s'empêcher d'avoir au passage une pensée émue pour D-Roc (guitares), Beatmaster V (batterie) et Mooseman (basse), décédés depuis, tous trois artisans de cette réussite aux côtés d’Ice-T et Ernie C. Ils laissent ici une empreinte rageuse mais gorgée de feelings de la première à la dernière seconde. Qui donne à « Born Dead » des allures de boulet de canon marquant au fer rouge l’année 1994 avec une force, une puissance qui font de lui un très bon millésime. D’ailleurs dans le même registre tout aussi vindicatif, l'album « State Of The World Adress » de BIOHAZARD, sorti la même année, est tout aussi recommandable...