20 septembre 2019, 20:20

AS I LAY DYING

• "Shaped By Fire"

Album : Shaped By Fire

« Shaped By Fire », le nouvel album de AS I LAY DYING est la véritable résurrection d’un groupe moribond, que l’on croyait enterré depuis longtemps, après l’incarcération de son chanteur Tim Lambesis en 2014 pour avoir payé un tueur à gage afin d'éliminer son ex-femme. Après avoir purgé une partie de sa peine, le chanteur est libéré et finit par reformer le groupe en 2018.

Sujet délicat que celui de AS I LAY DYING. Peut-on pardonner un tel geste ? Peut-on admettre que l’artiste ait commis une faute grave mais essaie néanmoins de se racheter ? Ce qu'il a fait en suivant une thérapie et venant en aide à différentes associations puis ayant demandé pardon en public. Le groupe peut-il renaître et se reconstruire après une telle chute ? Doit-on prendre parti et juger les actes passés, ou bien se concentrer sur le présent et tendre l’oreille sur cet album ? Car il s’agit avant tout de musique, en ce qui nous concerne. Et les êtres humains, si faillibles soient-ils, ont le pouvoir de transcender leurs actes à travers l’art.

Dès la première note de l’intro "Burn To Emerge", on pressent la charge émotionnelle formidable de ces nouvelles compositions. En suivant une logique chronologique dans l’ordre des titres, le groupe décrit la chute, l’aveuglement, la souffrance infligée, la violence des actes, la perte de sa propre identité, la remise en question, profonde et salutaire, indispensable pour se relever ainsi que le prix à payer pour retrouver la dignité perdue et la confiance des autres. A la manière d’un journal intime, le chanteur a mis en forme ses ressentis pour les transformer en chansons. Et quelles chansons ! Dans ce cas précis, la violence du vécu provoque la puissance créatrice.

Après cette courte intro musicale qu’est "Burn To Emerge", où l’on a l’impression d’entendre les portes de la geôle qui se referment, vient "Blinded", dernier single en date que le public a pu entendre sur les quatre déjà parus. AS I LAY DYING reprend son metalcore puissant, nous plongeant quelques années en arrière, à l’époque de « An Ocean Between Us », « Shadows Are Security », « The Powerless Rise » et « Awakened », avec cependant une production plus moderne et percutante, alternant les passages superbement mélodiques et ceux d’une brutalité sans concession. Que ceux qui détestent ce style se rassurent : ils détesteront toujours. Mais que ceux qui apprécient se réjouissent car nous avons droit à un album dans la pure lignée d’un KILLSWITCH ENGAGE, qui nous embarque dans une course effrénée, une course contre la montre pour retrouver la lumière au milieu du chaos. À noter l’excellente performance tout au long du CD du bassiste/chanteur Josh Gilbert sur le chant clair, qui fait preuve  d’une belle maitrise, alliant pureté et sensibilité. Les autres membres ne sont pas en reste, loin s’en faut. Jordan Mancino maltraite sa batterie avec une précision métronomique, les deux guitaristes Nick Hypa et Phil Sgrosso assurent le rythme, la mélodie et des soli particulièrement inspirés. Quant à Tim Lambesis, sa voix est toujours aussi puissante avec cependant plus de nuances qu’auparavant : une touche d’humanité supplémentaire bienvenue.

Les chansons s’enchaînent sans répit et les 50 minutes de l’album passent comme une lettre à la Poste. Les titres parlent d’eux-mêmes pour évoquer le cheminement de cette âme torturée : la très mélodique "Blinded" suivie de "Shaped By Fire", la chanson-titre, violente à souhait puis "Undertow" avec son break mélodique et son refrain superbe (« I can’t escape the undertow that‘s pulling me »). "Torn Between" commence doucement avant de nous tirer lourdement dans un puit sans fond. "Gatekeeper" est le seul titre qui ne contient pas de chant clair, pour mieux nous faire ressentir la noirceur et la désespérance. "The Wreckage" nous montre un paysage dévasté, les ruines après le passage d’un ouragan. "My Own Grave" est sans conteste l’une des meilleures chansons de l’album, le constat d’un échec, la tombe que Tim Lambesis s’est lui-même creusée de son propre aveu (« Buried alive inside of my own grave, And there’s no one else to blame »), réunissant un refrain fédérateur et des couplets écrasants de puissance. "Take What’s Left", où il tente de retrouver les morceaux éparpillés de son âme afin de se reconstruire nous mène à "Redefined" (avec la participation de Jake Luhrs, chanteur de AUGUST BURNS RED), lorsque le frontman prend conscience qu’il ne sert à rien de courir pour échapper à la douleur, que cette douleur présente est la force de l’à-venir. "Only After We Have Fallen", continue dans la même lignée et nous lamine par le fond. On ne peut voir clair que lorsque nous sommes tombés au plus bas. Humainement et émotionnellement. "The Toll It Takes" est le titre parfait pour refermer cette confession, avec son très beau refrain à fleur de peau. On ne peut pas refaire le passé, on ne peut pas effacer ses erreurs, mais on peut toujours essayer de s’améliorer et ne plus jamais reproduire ses fautes. On peut toujours essayer de changer de regard sur le monde, sur les autres et surtout sur soi-même. S’observer pour mieux analyser et poursuivre son chemin de la meilleure façon possible. Retrouver la petite lumière cachée au fond, celle qui nous guide pour devenir un autre soi.

AS I LAY DYING a réussi le tour de force de revenir au sommet de leur forme avec ce « Shaped By Fire » terriblement dur,  mais juste. Une confession à cœur ouvert, sans mensonge. Un don de soi.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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