En 1993, les fans de SLAYER ont peur et ils n’ont pas tort. Le tentaculaire marteleur Dave Lombardo n’est plus de la partie, le groupe y a perdu une partie de son âme au passage et de multiples spéculations circulent au sujet de l’identité de son remplaçant. C’est finalement l’ex-FORBIDDEN Paul Bostaph qui prend la relève au pied levé, laissant de côté TESTAMENT après quelques dates, pour enregistrer avec le reste de la fine équipe le successeur du fameux « Season In The Abyss ». Et s’il y a bien une chose à saluer sur ce « Divine Intervention » débridé, c’est sa prestation qui a mis tout le monde d’accord : le mec est un monstre qui envoie la purée sans faillir. Certes le toucher mythique du père Lombardo reste inégalable mais la qualité de son jeu, surtout dans les plans les plus rapides (et dieu sait qu’il y en a beaucoup ici) ne laisse pas de place au doute : la mission est accomplie. Haut les baguettes. Pour le reste, Tom, Jeff et Kerry lâchent les chevaux pour accoucher de l’album le plus brutal du clan californien depuis « Reign In Blood ». La production y est pour beaucoup puisque ce son d’écorché vif, incisif et sans chichi, agresse sans discontinuer pendant trente-six minutes. Une orientation largement due au changement de producteur, c’est Toby Wright qui tient ici les manettes, et à l'implication du groupe dans le rendu final. Rick Rubin est lui rélégué au simple rang de producteur exécutif. Pourtant cette production confère un charme féroce aux compositions que l'on ne retrouve pas sur le rondouillard « Diabolus in Musica » par exemple. Question de goût j'imagine...
Ce qui est certain c'est qu'au-delà du son, l’album en lui-même est sauvage : "Killing Fields" qui l’ouvre avec classe est d’une précision redoutable, "Dittohead" est une bombe, "Sex.Murder.Art" d’une violence phénoménale et même dans ses moments mid-tempo (les sombres "Divine Intervention" et "213") il fait preuve d’une intensité qui laisse sur le carreau. Le reste est du même tonneau : les solos pleuvent, les embardées punk cognent ("Circle Of Beliefs", "Mind Control") et les textes font eux la part belle aux serial-killers. SLAYER joue en terrain connu sans en faire des tonnes, et même si l’on peut regretter un "Serenity In Murder" pas franchement convaincant et ce "SS-3" un poil en dessous des standards, l’album reste de très bonne tenue.
L’accueil critique qui lui a été réservé à sa sortie n’a pourtant pas été des plus enthousiastes, la production évoquée un peu plus haut et son orientation plus brutale étant souvent mises en cause. C'est un fait et c'est aussi assumé : « Divine Intervention », superbement illustré par un Wes Benscoter inspiré, s’apprécie sans faire de manières. Brut de décoffrage, il demeure vingt-cinq ans plus tard un monstre de thrash qui n’a rien perdu de sa vigueur de l’époque.