9 novembre 2019, 23:55

RIVAL SONS

@ Paris (L'Olympia)

Novembre 2018 : nous sommes au premier étage d’un hôtel ultra cosy du 16ème arrondissement de Paris, en compagnie des RIVAL SONS. Non seulement avons-nous rendez-vous avec eux pour un entretien, mais ils nous font l’honneur d’interpréter une version unplugged de leur nouveau single "Do Your Worst" pour les besoins de notre émission spéciale, oui, forcément sur HEAVY1. Cela fait des jours que le nouvel album, « Feral Roots », tourne sur nos platines, alors qu’il n’est prévu de sortir qu’en janvier, deux mois plus tard. Ce n’est pas notre premier rendez-vous avec le groupe : nous avons encore en mémoire une heure passée avec Scott Holiday dans les loges du Zénith qu’ils partagent avec DEEP PURPLE, le temps d’une interview fleuve publiée ici dans HARD FORCE. C’était le 11 novembre 2015, deux soirs avant que notre innocence soit sérieusement défigurée.

Après l’enregistrement dudit morceau, Talita, leur attachée de presse personnelle, vient me voir pour me demander si je pourrais venir les applaudir au Bataclan lorsqu’ils passeront en février pour défendre ce splendide album. Hélas avec un voyage prévu à ce moment-là, je devais décliner l’invitation. Ce n’était pas la première fois que notre charmante petite anglaise nous sollicitait : avant de devenir la petite soeur du groupe et d’incarner leur plus fidèle alliée, Talita bossait pour le label Earache et avait alors envoyé à tout son réseau l’album qui allait enfin révéler les RIVAL SONS - c’était en juin 2011 avec « Pressure And Time ». Rapidement, après les avoir vu sous la Valley du Hellfest, en plein après-midi et en compagnie d’une poignée de curieux un an après, notre délicieuse interlocutrice nous invitait au Nouveau Casino pour une toute première date parisienne - c’était le 29 octobre 2012. Et que ce soit en festival ou en salle à Paris, nous n’avons cessé de suivre les Californiens de très très près, fascinés par leur appropriation toute singulière d’un rock classieux et respectueux de son passé. Trabendo, Trianon (le 11 novembre 2014 !, novembre encore, décidément !), Zénith avec PURPLE, Elysée Montmartre : nous avons graduellement assisté à l’envol des RIVAL SONS au fur et à mesure que leurs albums prenaient de l’ampleur et gagnaient des fans, à la force de leur talent, de leur détermination, et de leur présence sur les routes, intensive, à l’ancienne.

Tristes de ne pas avoir pu nous rendre au moindre gig de la première partie de la tournée "Feral Roots", nous étions plus enthousiastes que jamais à honorer la venue du groupe Boulevard des Capucines et de saluer l’affichage rougeoyant, fier et haut au-dessus de l’entrée du music-hall.

Première satisfaction : l’Olympia est complet. COMPLET. Soit 2800 sièges occupés ce soir par autant de fans ayant grossi les rangs, faisant de la France l’un des pays les plus attachés au groupe, encore une fois grâce au support inconditionnel et croissant du public, qui s’est amouraché de ce quatuor intègre et bosseur. Et qui le récompense en remplissant la plus belle salle de la capitale, du pays. Et qui, point d’honneur, se retrouve être le summum de leur tournée, en terme d’audience et de prestige.

Deuxième satisfaction : nous sommes royalement installés. Au bord de la mezzanine, nous profitons d’une vue imprenable sur cette fosse qui ne cessera de démontrer sa passion, corps et chants harmonieux, ainsi que sur cette scène, sobre, aux couleurs de la pochette de « Feral Roots », théâtre d’une communion rare, entre ces cinq musiciens, et avec leur public.

Oh, et troisième satisfaction : nous sommes assis juste à côté de Lzzy Hale. Et de Joe Hottinger aussi. Car c’est un jour off pour la tournée de HALESTORM : avant de revenir à Paris quatre jours plus tard pour remplir la Salle Pleyel (pas mal non plus !), le couple américain s’était invité à la fête du soir, Lzzy semblant médusée par la prestation de Jay Buchanan (je peux lire sur ses lèvres vermillon les couplets qu’elle connait par coeur), lorsqu’elle ne prend pas des notes sur un petit carnet noir intime.

C’est sur "The End Of Forever" que les RIVAL SONS investissent la scène, quelques minutes avant 21h. Une entrée peu fracassante, simple, humble, des quatre musiciens et de Todd Ögren, leur clavier au look de hipster, entre rabbin et amish. L’Olympia exulte et la fièvre gagne déjà le théâtre, ce premier extrait de « Feral Roots » étant déjà repris par toutes les gorges. Oh, et toutes les lèvres, donc. Ultra carré et en place, comme à son habitude, le groupe séduit d’emblée tant par la maîtrise de son rock que par son élégance - à tel point que les musiciens semblent sponsorisés par John Varvatos (TM) - un véritable défilé de sa collection de costumes et de souliers. Dave Beste, timide colosse barbu, reste dans son coin derrière sa basse et assure tout de même quelques choeurs, tandis que son complice Mike Miley, autrement plus extraverti, drôle et iconoclaste, cogne sur son kit minimaliste avec force tatouée : sa frappe est digne de son héros, John Bonham, au point de terminer son bref solo à mains nues, comme le titan pouvait jadis se le permettre, créant ainsi, entre autres, la légende. Mais bien sûr les fans ont davantage leurs yeux rivés sur le duo, LE couple rock’n’roll par excellence : point de dérives, point d’excès ou encore de drama comme chez un Plant/Page, un Jagger/Richards ou un Tyler/Perry, mais bien la signature d’une réelle complicité, tant amicale qu’artistique entre leur pendant des années 2010 : Jay Buchanan et Scott Holiday. Les compositeurs-nés des RIVAL SONS, fils rivaux, Caïn et Abel du rock moderne, une véritable alchimie de talent et de classe néo-chic. Buchanan évoque toujours ce spectre morrisonnien, avec un organe entre celui du shaman des DOORS, Robert Plant justement, et Janis Joplin pour la force évocatrice de ses passions, entre ferveur soul, blues, folk et définitivement rock’n’roll. Quant à Holiday, ce mec à la silhouette d’une autre époque échange les guitares de collection d’un morceau à l’autre, en distillant sur chacune d’elle des licks d’une incroyable précision, entre clarté et distorsion gorgée de fuzz.
 


Pas moins de six extraits de « Feral Roots » sont donc dispensés ce soir, l’applaudimètre explosant particulièrement sur ces morceaux qui sont venus confirmer et consolider ici la popularité des musiciens : sa chanson-titre (dont les arpèges rappellent tellement le "Rain Song" de LED ZEPPELIN), "Look Away", le premier single "Do Your Worst" interprété en fin de set juste avant le rappel, le poignant "Too Bad", gorgé d’une émotion incroyable (les yeux sont humides, les poils se dressent sur les bras, des frissons parcourent l’échine), et évidemment "Shooting Stars", l’acme gospel de l’album, tant attendu et qui avait irradié le Bataclan neuf mois plus tôt, un moment rare d’émotion vive partagée par tous ce soir-là, d’après tous les récits.

Ce soir à l’Olympia, "Shooting Stars" n’en est pas moins magique : les fans chantent à tue-tête les choeurs de son refrain et participent à la folle ambiance, tout en soutenant Buchanan qui, à mi parcours de son set, s’avoue quelque peu affaibli et malade. En effet, Jay, d’habitude assez taiseux tant ses lignes de chant emplissent l’espace et expriment des sentiments incroyablement forts, prend un instant la parole pour demander l’aide bienveillante de son public : sa voix a montré quelques signes de faiblesse sur quelques notes plus hautes, et un renfort est le bienvenu. Pourtant, sur de nombreux autres morceaux, il ne semble pas à la peine : ses  puissantes vocalises lui imposent d’éloigner son micro de quarante bons centimètres, son gosier étant aussi juste et ardent.

En ce qui me concerne, c’est bien sur "Where I’ve Been", tiré de leur quatrième album « Great Western Valkyrie » en 2014, que je suis complètement parti : c’est tout au long de ce morceau aussi magique qu’un bon vieux Otis Redding que le chanteur a tout donné, son corps secoué de spasmes, complètement habité par le feeling à fleur de peau de cette balade soul céleste. Quel moment ! Buchanan finira même écroulé en bord de scène, comme exsangue et dépossédé d’un trop plein d’émotions.
 


Ailleurs, les gros calibres auront fait retentir l’Olympia : le hard-rock svelte et toujours définitivement zeppelinien du même album (les inséparables "Open My Eyes" et "Electric Man"), les débuts tonitruants qui ont conquis les mêmes dingues de classic-rock il y a déjà huit ans sur ce deuxième album révélateur (l’irrésistible « Pressure & Time », la balade très vintage "Face Of Light", et le plus fiévreux "Burn Down Los Angeles"), ainsi qu’une petite surprise tirée du rare EP associé, le savoureux "Sleepwalker" qu’ils avouent « jouer pour la première fois à Paris », harmonica à l’appui. Quant à leur successeur, le chef d’oeuvre « Head Down », on aura savouré le très sixties "Wild Animal" au beat up-tempo tout aussi entraînant, et en final le très attendu "Keep On Swinging", assurément LE tube fédérateur des RIVAL SONS.

A peine les dernières notes résonnent-elles dans l’Olympe, le groupe vient saluer son public, très chaleureusement : un public, vous, moi, qui les acclame comme jamais. Un triomphe. Une standing ovation. A la fois pour soutenir un Buchanan ennuyé avec sa voix sensiblement plus enrouée et rauque, et surtout pour applaudir une performance physique, également tout aussi mystique, les fantômes de l’histoire du classic-rock ayant tournoyé dans les airs au cours de cet instant hors du temps qui les aura fait rentrer dans la légende, à leur tour. Des applaudissements. Par milliers. Un vacarme de bonheur et de remerciements.

Et Jay Buchanan d’en rester figé. Une bonne minute de stupeur, extatique : à peine était-il en train de redescendre que l’homme réalisait ce qui lui était tout à coup offert - et quelle soirée avait-il traversée dans cette salle mythique. Ebahi. Stupéfait. Sidéré. Emu. Et si reconnaissant d’en être arrivé là, dans ce pays si lointain.

On ne pourra jamais assez remercier les RIVAL SONS pour tant de présence, de générosité et de talent. Un chapitre se clôturait-il peut-être ce soir à Paris : après une petite décennie à gravir la hiérarchie des salles de la capitale, sûrement avons-nous assisté au plus grandiose. La suite se produira vraisemblablement au Zénith : une nouvelle victoire pour eux, mais la fin d’une ère pour nous, présents depuis les premiers pas.


Photos © Marion Fregeac | HARD FORCE - Portfolio
 

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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