1994 marque un véritable tournant pour le mouvement death metal. Après quelques signes de fatigue affichés l’année précédente, le désintérêt de l’audience pour le style s’installe et plonge avec lui une bonne partie de la scène de l’époque dans les limbes . Ce qui n’est pas en soi une mauvaise nouvelle puisque la plupart des groupes qui rendent les armes sont des seconds voire des troisièmes couteaux émoussés. Et comme toujours avec une mode qui passe, seuls les bons restent après cette sélection naturelle. Ainsi CANNIBAL CORPSE, HYPOCRISY, OBITUARY et NAPALM DEATH trouvent toujours grâce aux oreilles des amateurs et signent, à ce titre, de redoutables albums qui indiquent cependant un ouverture progressive à d’autres influences, surtout pour les deux derniers. BOLT THROWER, pilier du genre, reste lui fidèle à la recette qu’il perpétue avec une classe typiquement british : un death metal épique et puissant.
« …for Victory », cinquième album du clan anglais ne déroge pas à la garantie qualité BOLT THROWER. Et dire que cela fait déjà vingt-cinq ans que cet album est sorti… mais qu’il n’a pas pris une ride, restant à la hauteur de l’engouement qu’il a suscité lors de sortie.
Les cinq Anglais, fans du célèbre jeu de stratégie Warhammer dont ils mettent l’univers en musique comme aucun autre, illustrent une nouvelle fois leur passion dévorante à travers un death metal unique en son genre. Le tout est produit de main de maître par Colin Richardson, la référence en matière d’agression sonore millimétrée. Et dès les premières mesures de "War" on sait à quelle sauce on va être dévoré ! L’art de la compo qui tue est délivré ici avec maestria. Cette complexité inhérente aux grosses pointures anglaises montre le bout de son nez sur chaque morceau, sur chaque solo enfanté par la paire de gratteux aux abois et sur chaque break qui surgit là où l’on s’y attend le moins. L’exécution est limpide, même dans les passages plus speed : les mélodies sont également omniprésentes, distillées çà et là avec une classe monstre calées entre deux assauts rythmiques fracassants. La batterie est millimétrée et les growls, certes typiques, sont parfaitement mis en place, avec juste ce qu’il faut de rugissement bestial pour terrifier l’auditeur ! Et n’oublions pas Jo Bench, impériale comme à son habitude sur sa basse !
BOLT THROWER, sur cet album comme sur les sept autres qu’il a proposé pendant trente ans de carrière, est l’un des rares groupes au parcours irréprochable. La qualité est systématiquement au rendez-vous, aucune faute de goût n’est à signaler et c’est avec le cœur serré, à la suite de la disparition de son batteur Martin Kearns (qui ne joue pas sur « … for victory ») que BOLT THROWER a tiré sa révérence. Un vide qui reste encore aujourd’hui dur à combler…
