Comme pour la plupart des dates du Spiritual Instinct European Tour, le Grand Mix de Tourcoing (59) affichait complet pour la venue d’ALCEST.
En 30 minutes, les Islandaises KAELAN MIKLA ont livré une prestation envoûtante, dont le côté onirique était renforcé par le chant dans leur langue natale. Dans la froideur d’un bleu glacé, parfois brisé par un rouge de feu, le trio a créé une ambiance éthérée, qui lorgnait parfois vers THE CURE. La bassiste, toutefois, posait de lourds accords pour épaissir cette darkwave, pour l’accrocher au sol. La chanteuse, chamanique, était entrée sur scène avec de petites clochettes pour lancer le rituel. Elle dansait, vibrait au rythme des nappes de synthé, de la batterie électronique qu’elle déclenchait d’un coup de baguette – un peu kitsch, cet ustensile, seule faute de goût d’une prestation sensible, conclue par un impressionnant et inquiétant "Nott Efti Nott", plongée dans une âme tourmentée, hantée.
Place ensuite à BIRDS IN ROW... et à une toute autre ambiance. Les Français, la rage au ventre, le hurlement à la gueule, crachent leur hardcore à toute allure dès leur montée sur scène. Tout de noir vêtus, ils balancent riffs tranchants et cris perçants, martyrisent la batterie, s’offrent un bref passage calme avant de relancer la machine sous des lumières stroboscopées. Le chanteur s’interrompt parfois pour adresser des messages positifs à un public d’abord circonspect, mais qui se laisse séduire par l’énergie et l’authenticité du gang.
Le backdrop à l’effigie du Sphynx qui orne la pochette de « Spiritual Instinct » semble briller dans l’obscurité quand ALCEST apparaît. Neige, en t-shirt TYPE O NEGATIVE, ressemble à Monsieur tout le monde... avant que son génie ne jaillisse quand résonnent les premières notes du magnifique et envoûtant "Les Jardins de Minuit", union de la douceur d’un chant clair aérien, de riffs sensibles et de la brutalité black, encore accrue en live ; parfaite incarnation musicale de ce sphynx aux contours si doux, mais prêts à vous dévorer. Quatre titres du dernier album sont joués. « Kodama » – quelle beauté que le morceau éponyme ! - et « Les Voyages de l’Ame » sont représentés par deux chansons chacun, une seule pour « Shelter » et « Écailles de Lune ».
Parlant peu, concentré, comme plongé dans les méandres des cordes de sa guitare, le leader laisse la beauté de ses compositions s’exprimer. Elle sont souvent fragiles – le délicat "Le Miroir", tout en finesse, en notes à la lumière tamisée, le cristallin "Autre Temps", l’ultime "Delivrance", d’une beauté féerique, qui plonge les spectateurs dans une rêverie éveillée, les laisse pantois quand il s’achève – parfois plus agressives, dans le sillage d’un "Winterhalter" qui accélère le tempo – la montée en puissance progressive, jusqu’à l’explosion de "Sapphire", la lourde intro de "Protection", les parties les plus rapides du monumental "Ecailles de Lune - part 2". Ces contrastes fréquents, ces changements d’ambiance, ce passage d’une voix pure à des hurlements black, même si l’atmosphère reste mélancolique et torturée, ont offert une soirée en apesanteur.