11 avril 2020, 18:15

ULCERATE

• Interview Jamie Saint Merat

Blogger : Clément
par Clément

Chaque nouvel album des néo-zélandais s’apprécie comme un grand cru. Complexe, dissonante, intrigante, sa musique demande de nombreuses écoutes avant de pouvoir en savourer toute la richesse. « Stare Into Death And Be Still », sixième disque d’ULCERATE et premier à paraître sur le label Debemur Morti (cocorico !), ne faillit pas à la règle et donnera lui aussi du fil à retordre aux plus intrépides d’entre vous. A quelques jours de sa sortie officielle prévue pour le 24 avril, le batteur Jamie Saint Merat s’est entretenu avec HARD FORCE pour lever le voile sur ce nouveau tour de force…


Bonjour Jamie. Cela fait un peu plus de trois ans que votre dernier album en date, « Shrine Of Paralysis », est sorti. Que s’est-il passé depuis tout ce temps pour le groupe ?
Bonjour Clément. Tout d’abord, nous avons effectué de nombreuses tournées aux quatre coins du globe, notamment en Amérique du Nord puis en Europe, en Asie et enfin en Australie ! Nous avons ensuite pris un peu de repos avant de nous retrouver début 2018 pour débuter la composition du nouvel album. Nous avons expérimenté pas mal de choses à ce moment-là pour apporter un regard neuf sur notre musique, tout en prenant le temps de laisser les idées mûrir. Sans pression. C’est véritablement l’année dernière que nous sommes rentrés dans une phase de finalisation d’écriture avant de procéder à l’enregistrement de ce qui allait devenir « Stare Into Death And Be Still ».

Je vais éviter de parler de ce nouvel album comme "celui de la maturité" mais ce qui m’a néanmoins interpellé est votre aptitude à y réunir le meilleur de chacune des périodes du groupe. Pourrait-on d’ailleurs considérer « Stare Into Death And Be Still » comme la synthèse idéale de tout ce que vous avez pu proposer jusqu’à aujourd’hui ?
Ce n’est pas évident de te répondre, tout simplement parce que nous n’avions pas de but précis en tête lorsque nous avons composé ce nouvel album. Mais je pense malgré tout que le terme "maturité" résume bien notre approche. Je dirais même qu’il vient confronter d’autant plus le côté parfois fougueux, immature de nos premiers albums. Ce qui est certain, c’est qu’il est profondément différent de tout ce que nous avons pu proposer jusqu’à présent. C’est une nouvelle ligne directrice qui trace la route de nouveaux territoires sur lesquels nous souhaitons emmener ULCERATE.

J’ai pris le temps de revisiter votre discographie en parallèle de votre actualité et j’ai pu noter que plus le temps avançait et plus vos albums étaient longs…
Encore une fois, ce n’est pas quelque chose qui était prémédité, que nous avions en tête lorsque nous avons travaillé sur ces nouveaux morceaux. C’est plus quelque chose de naturel, une sorte de marque de fabrique ULCERATE qui illustrait notre état d’esprit du moment, nos envies. C’est une tournure qui influence notre musique, qui nécessite une certaine mise en place pour qu’elle puisse toucher l’auditeur au plus profond. Il n’y a pas de notre part une quelconque volonté de faire des morceaux plus longs, plus complexes juste pour le simple plaisir de le faire, cela va bien au-delà ! Nous voulons que chaque note ait sa raison d’être sur cet album et j’espère sincèrement que nous y sommes parvenus.

Je te le confirme ! Cet album a d’ailleurs un côté encore plus épique, mélodique que les précédents mais en même temps il propose des atmosphères encore plus sombres, plus dissonantes…
C’est exact, nous avons toujours essayé de composer des albums qui forment un tout indivisible et pas simplement une suite de titres qui s’enchaînent. C’est très important que l’auditeur puisse ressentir cette dimension totale et immersive propre à chacun de nos albums. Nous prenons d’ailleurs toujours le temps d’élaborer un tracklisting logique, qui doit respecter cette progression d’une minute à l’autre, où rien n'est laissé au hasard. D’ailleurs, lorsque nous nous sommes attelés à la composition de « Stare Into Death And Be Still », les premiers éléments que nous avons composés étaient ainsi le riff d’ouverture de "The Lifeless Advance" ainsi que l’introduction du dernier titre, "Dissolved Orders". Cela nous a permis ensuite d’imaginer la progression globale, la ligne de conduite de l’album. C’est comme cela que le tracklisting s’est tracé au fil du temps, naturellement.
 

"Cet album a été conçu comme une véritable bouffée d’oxygène, nous avons mis l’accent en priorité sur la puissance et la tension qui se dégage de l’ensemble"




​Malgré sa durée plus longue donc, cet album constitue un bloc compact, homogène, qui se digère plus facilement que ses prédécesseurs. Cela n’a rien de péjoratif bien sûr, votre musique reste complexe et technique mais j’ai trouvé le tout plus aisé à appréhender surtout lorsque l’on garde en tête des albums comme « Vermis » ou « Of Fracture And Failure ». Ici tout semble couler de source…
Je suis complètement d’accord avec toi. Cet album a été conçu comme une véritable bouffée d’oxygène, nous avons mis l’accent en priorité sur la puissance et la tension qui se dégage de l’ensemble. Cette dernière est ici presque palpable alors que sur nos albums précédents, nous étions plus portés sur les atmosphères, en empruntant des directions musicales plus variées.
En tant que batteur, ce côté dense, homogène résonne d’ailleurs comme une évidence. Auparavant, les riffs développés par les guitares et la basse marchaient dans le sillage de la batterie, ce qui n’est plus forcément le cas aujourd’hui puisque celles-ci prennent le pas sur cette dernière. Je me positionne plus sur l’orchestration, j’essaie d’intervenir sur des moments très précis en accord avec les lignes de basse par exemple. C’est quelque chose que j’apprécie, cela a un côté presque libérateur car les regards ne sont pas uniquement centrés sur mes breaks et mes parties de batterie.
En parallèle de tout cela, nos préférences musicales évoluent elles aussi vers des choses plus sombres, plus simples où la complexité est reléguée à l’arrière-plan, j’imagine que cela doit se ressentir dans notre manière de composer.

Revenons sur le titre "Visceral Ends", qui est à mon sens l’un des grands moments de cet album, avec ses rythmiques puissantes et ce côté presque "théâtral" qui le caractérise. J’aimerais notamment revenir sur ses textes qui semblent évoquer la vie après la mort, qu’en est-il exactement ?
Pas tout à fait. "Visceral Ends" évoque ce moment unique, pendant lequel l’être humain prend conscience à la fois de sa fragilité et de l’inéluctabilité de la mort mais également de la nature chaotique de la vie. Il y a ici quelque chose d’absolu et d’inévitable…

A ce sujet, vous évoquez à plusieurs reprises le concept de "Révérence de la mort" (ndlr : "Death Reverence" en anglais) dans vos textes. Je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations à ce sujet, peux-tu nous en dire quelques mots ?
Bien sûr, nous pourrions traduire cela par l’expression de l'impuissance et de la passivité lorsque nous voyons des gens que nous aimons succomber face à l’imminence de la mort. Nous avons tous les trois au sein du groupe expérimenté cet état ces dernières années et, en ce qui me concerne, cela a eu un impact non négligeable sur ma vision de la vie et de la mort.
 

"La Nouvelle-Zélande est un petit pays. Trouver les bons musiciens pour ton groupe, ceux qui feront l’affaire, avec qui tu développeras et entretiendras des affinités relève du défi !"

 

L’artwork colle à merveille avec ce concept, celui-ci dégage une nouvelle fois quelque chose d’unique, de presque paranormal…
Merci ! C’est encore une fois l’une des marques de fabrique d’ULCERATE, chacun de nos albums possède un visuel fort, qui laisse la place à l’imagination et à l’interprétation. C’est une extension directe de notre musique et des textes qui y sont associés. Mais c'est aussi un travail qui est loin d’être évident car j’aime prendre du recul à chacune de nos sorties pour observer ces visuels, voir si ceux-ci capturent véritablement l’atmosphère que nous avons voulu façonner. D’un autre côté, je passe parfois des mois avant que l’album ne sorte à ressasser ces éléments visuels dans tous les sens pour en sortir le meilleur : c’est très éprouvant et cela laisse parfois place au doute…

J'imagine... Parlons un peu de vous, de vos racines. Que pouvez-vous nous dire au sujet de votre pays d’origine : la Nouvelle-Zélande ? Quel est l’état de la scène metal là-bas ?
A vrai dire, nous ne nous intéressons pas vraiment à la scène metal moderne, je ne pourrais donc pas te dire grand-chose à ce sujet. Nos goûts nous portent plus vers des groupes comme VASSAFOR, WITHCHRIST, SINISTROUS DIABOLUS, HERESIARCH, VESICANT, SHALLOW GRAVE ou DISTANT FEAR qui sont tous très bons. Nous sommes également proches de la plupart des membres de ces groupes. A côté de cela, il n’y a pas d’événement particuliers, pas de festival ici mais il faut relativiser car nous sommes un petit pays, surtout si l’on compare notre scène avec celle de notre voisin australien.

ULCERATE évolue sous un format trio depuis maintenant onze ans, quels sont les avantages de ce format ?
Comme je te le disais, la Nouvelle-Zélande est un petit pays. Trouver les bons musiciens pour ton groupe, ceux qui feront l’affaire, avec qui tu développeras et entretiendras des affinités relève du défi ! D’autant qu’au sein d’ULCERATE l’engagement est total, c’est l’une des conditions à respecter pour durer au sein du groupe et j’ai conscience que cela peut rebuter certaines personnes. Le programme est d’ailleurs très exigeant : beaucoup de tournées, beaucoup de répétitions et beaucoup de temps passé au sein du groupe.
Aujourd’hui, la situation financière est meilleure qu’à nos débuts mais il ne faut pas rêver : les sacrifices à effectuer pour arriver là où nous en sommes ont été énormes. Ajoute à cela notre situation géographique éloignée et tu auras une idée de la formule magique à respecter pour pouvoir s’inscrire dans la durée !

Je ne la connais pas mais j’arrive à me faire une petite idée d’autant que le groupe compte aujourd’hui dix-huit ans d’existence. Sans passion et sans sacrifices, j’imagine que nous n’aurions pas cette discussion tous les deux aujourd’hui…
C’est exact. Mais cette passion et ces sacrifices ont été récompensés par des moments que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Notre première tournée européenne en 2009 avec NILE, GRAVE et KRISIUN reste à ce titre un moment unique dans la carrière d’ULCERATE : Trente-cinq dates dont trente-trois d’affilée ! Cela nous a rendu accrocs au live, au fait de se transcender sur scène jour après jour. Je pourrais aussi te citer certains shows incroyables comme ceux de New York, Cracovie, Prague, Montréal mais également le Brutal Assault, le HellFest ou le RoadBurn… parmi tant d’autres !

Ces derniers mots seront les tiens, Jamie, je te laisse conclure et vous souhaite à tous les trois plein de bonnes choses avec cet excellent nouvel album.
Merci Clément ! Nous sommes très fiers de « Stare Into Death And Be Still » et nous espérons pouvoir vous le présenter sur scène quand la situation le permettra...
 

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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