Cela fait presque 15 ans que nous n'avions pas entendu parler de GREEN CARNATION, si ce n'est grâce à un live sorti en 2018. Depuis « Acoustic Verses » en 2006, les fans ont patienté pour enfin obtenir l'album sublime qu'est « Leaves Of Yesteryear ». Le metal progressif du groupe s'est encore bonifié. Que ce soit les nouveaux titres, la reprise de BLACK SABBATH ou celle d'un ancien morceau du groupe, toutes les chansons présagent d'un avenir radieux pour les Norvégiens autour de la figure qu'est Kjetil Nordhus, qui nous en dit en peu plus sur cette pépite chargée en émotions.
Votre nouvel album s'intitule « Leaves Of Yesteryear ». Comment peut-on interpréter ce titre ? Y-a-t-il une sorte de nostalgie du passé ?
Pas nécessairement de nostalgie, non, mais une certaine rétrospection. Pour GREEN CARNATION, cet album est un hommage à son passé, son présent et son futur à la fois. Pour les premiers album, on cherchait de nouveaux horizons, de la nouveauté musicale et chaque album était différent du précédent. Pour celui-ci, on a essayé de lier tous ces éléments de la première période entre eux, tout ce qui fait l'essence même du groupe. Ils ont pu maturer pendant ces dernières années. On se réinvente mais avec notre histoire en tête.
Prendre des bases solides pour inventer de nouvelles choses...
Oui, tu sais, quand tu reviens après 15 ans, cela signifie qu'on a aussi 15 ans de plus. A l'époque, on avait nos idées, qui était bonnes, mais en prenant de la maturité, on a besoin de les remettre à plat, de les défier. Avec cet album, on prend le recul nécessaire pour repenser notre musique. C'est important. On ne voulait pas sortir un album qui ne soit pas excellent.
Tu es fier de ce qui a été réalisé ?
Bien sûr ! J'ai fait beaucoup d'albums et je me suis toujours engagé à donner le meilleur de moi-même, à chaque fois. Je suis très ambitieux donc je fais beaucoup d'efforts. Pourtant, souvent, après un enregistrement, je n'ai plus envie d'en entendre parler pendant un moment. Avec celui-ci, c'était différent. Cela fait presque six mois que nous l'avons enregistré et je l'écoute encore tous les jours. Ça doit être bon signe !
Pourquoi avoir choisi de réenregistrer la chanson "My Dark Reflections Of Life And Death" en particulier ?
L'histoire du groupe est un peu spéciale car depuis la sortie de « Light Of Day, Day Of Darkness » (le deuxième album en 2001), tous les membres du groupe ont changé à part Tchort, qui a joué sur cette chanson. On a réfléchi à la carrière complète de GREEN CARNATION en acceptant qu'il y a des albums très variés. On a voulu ce réenregistrement pour faire un pont entre aujourd'hui et 20 ans en arrière. De plus, on a joué cette chanson en concert pendant au moins deux ans et on l'avait déjà modifiée à l'époque pour la rendre plus accessible en live. Et on l'adorait car on la jouait comme on la jouerait aujourd'hui, pas comme les autres membres du groupe la jouait à l'époque. Et puis elle est vraiment représentative de la rétrospection faite sur la carrière du groupe.
Votre musique a toujours été très fouillée, très progressive mais aussi très metal. Comment arrivez-vous à créer cette alchimie parfaite ?
C'est une question difficile mais cela tient sûrement aux différences entre les membres du groupe. On a une identité commune qui est GREEN CARNATION mais on a aussi six caractères différents qui font partie de notre musique. Cela nous pousse dans différentes directions. La plupart des chansons de l'album viennent d'une idée de Stein Roger Sordal, notre bassiste, et il a ce côté heavy de BLACK SABBATH mais aussi ces chœurs très prenants et mélodiques. C'était l'idée de base pour l'album. On a beaucoup travaillé sur la structure des morceaux tous les deux, on y a jouté des éléments progressifs. Quand on a apporté les chansons au reste du groupe en studio, ils y ont ajouté leurs suggestions. Ces nouvelles chansons sont le résultat de toutes nos influences avec le son d'aujourd'hui.
C'est un vrai travail d'équipe...
Oui, je crois. On a eu une façon différente d'arriver en studio. Pour « Light Of Day, Day Of darkness », par exemple, qui était mon premier album, nous n'avions pas d'idées avant l'entrée en studio, les paroles par exemple ont été écrites à ce moment-là. On a donc procédé vraiment différemment cette fois. Il y a eu par exemple treize versions différentes du titre "Hounds". Ce serait d'ailleurs intéressant de réécouter la première démo et de voir les différences.
Est-ce que le fait de travailler avec le producteur Endre Kirkesola (ABBATH, SOLEFALD...) apporte aussi une particularité à GREEN CARNATION ?
On avait déjà travaillé avec lui pour « Light Of Day, Day Of Darkness » et j'ai moi-même bossé avec lui pour de nombreux autres albums. Il connaît très bien le groupe car il a même joué des claviers pour nous en 2016 lors de notre retour. Il sait ce dont le groupe a besoin pour obtenir le meilleur potentiel. On savait quel son nous voulions pour cet album et Endre a bien répondu à nos attentes à nouveau.
Tu parlais de BLACK SABBATH tout à l'heure, tu peux nous en dire plus sur la reprise de "Solitude" ?
Oui, nous sommes tous des fans absolus de BLACK SABBATH mais ce n'était pas si important que ce soit BLACK SABBATH. Cette chanson est dans le groupe depuis 2016 car on avait dans l'idée de faire ce live acoustique en studio pour une série de vidéos YouTube. C'était une des premières chansons que nous avions travaillées. Quand on a pris conscience du genre d'album que nous voulions réaliser, quel genre de thèmes musicaux nous voulions aborder, des émotions que nous voulions partager, cette chanson est venue naturellement à nos esprits. C'est le morceau parfait pour finir l'album.
Elle était faite pour vous !
Oui, peut-être ! Mais je pense vraiment qu'elle nous correspond vraiment, même au niveau des paroles. Et elle convient parfaitement au reste de l'album. C'est vraiment très particulier. Je suis très content qu'on ait pu l'inclure dans l'album qui n'aurait pas été le même sans elle.
Ta voix est très douce, très prenante, très profonde. Est-ce beaucoup de travail pour arriver à véhiculer tant d'émotions dans les morceaux ? Car j'imagine que ce n'est pas qu'une question de technique ?
Je crois que c'est quelque chose qui s'acquiert au fur et à mesure des années. En tant que musicien, tu cherches toujours à t'améliorer. Et puis j'ai plus d'expérience qu'il y a 20 ans, donc il est plus facile pour moi de me sentir concerné par différents sujets. Je pense que c'est le résultat de l'expérience de la vie et du fait de chanter depuis longtemps. Le tout combiné fait cette performance vocale. J'ai bien sûr travaillé la technique mais c'était il y a des années et je n'ai plus besoin d'y penser vraiment. C'est plus le fait de raconter une histoire du mieux que je peux. C'est un défi !
J'aimerais que tu nous parle un peu de ce profil, cette silhouette que l'on retrouve sur la pochette de « Leaves Of Yesteryear » ?
Elle a été réalisée par quelqu'un que nous connaissons aussi depuis des années, Niklas Sundin, que tu dois connaître aussi. Pour cet album en particulier, on avait vraiment besoin de travailler avec des gens qui ont été importants dans la carrière de GREEN CARNATION et Niklas avait déjà travaillé sur la pochette de « Light Of Day, Day Of Darkness ». Il nous connaît bien et il savait ce qui représenterait le mieux notre musique. Et il a parfaitement fait le travail. On lui a donné toutes les démos et les paroles, il les a beaucoup écoutées et est arrivé avec plusieurs idées. Nous en avons discuté et je crois qu'on est parvenu à quelque chose d'extraordinaire. Ce que tu vois sur l'album, c'est exactement ce que contient le disque. J'ai vraiment hâte de voir le vinyle qui va être magnifique !
Est-ce que cet album peut présager d'un suivant, un peu plus long peut-être ?
Oui, nous avons des situations personnelles qui ne nous permettent pas d'improviser donc nous devons tout planifier à l'avance. Avant le coronavirus, on savait tout ce que l'on ferait jusqu'en 2023 : quand on pourrait partir en tournée, quand on pourrait composer de la nouvelle musique, quand on pourrait l'enregistrer... tout était prévu ! Mais maintenant, plus rien n'est sûr. En tous cas, normalement en septembre, nous devrions annoncer notre futur projet qui devrait être le plus gros que nous ayons engagé. On a signé un contrat de cinq albums avec Season Of Mist et celui-ci est donc le premier. L'année prochaine, il y aura la sortie d'un vinyl de « Acoustic Verses » et ensuite, il y aura trois autres albums. Donc vous n'avez pas fini d'entendre parler de GREEN CARNATION !
