« Telemark » est le premier EP d’Ihsahn à être arrivé dans les bacs, le jour de la Saint-Valentin, le 14 février 2020, avant la parution du deuxième EP, « Pharos », prévu le 11 septembre prochain. Et comme l’avait annoncé le maestro, ce format court lui permet d’exploiter deux facettes complètement différentes de sa personnalité musicale et de sa créativité sans limite.
Mais si vous souhaitiez conter fleurette à votre dulcinée pour la fête des amoureux, il faudrait peut-être envisager d’apporter avec vous un tube d’Arnica ou toute autre pommade "spéciale mandale", car avec « Telemark », vous allez vous en prendre plein la gueule et les esgourdes. En effet, Ihsahn a décidé sur cet EP de revenir aux sources et de laisser de côté ses influences les plus progressives. C’est alors un black metal puissant, glacial et violent qu’il nous envoie, chanté dans sa langue natale, qui plus est.
Et il faut reconnaitre que la langue norvégienne sied à merveille à ces compositions brutes de décoffrage, à commencer par le titre d’ouverture, "Stridig", et son intro de guitare laminante, suivie des cris déchirants et possédés du multi-instrumentiste, et la touche de saxophone très inspirée de Jørgen Munkeby (SHINING), avec qui Ihsahn travaille régulièrement depuis des années. Ambiance glauque et angoissante au possible, parfaitement maîtrisée. "Nord" se veut un morceau un peu plus lent et lourd, avec des chœurs tout en délicatesse et un solo de guitare très mélodique. Les cuivres sont également de la partie, mais plus discrets. "Telemark" démarre avec une intro de guitare presque orientalisante et de toute beauté, superbe riff repris en boucle, lancinant, avant d’enchaîner sur les growls démoniaques du compositeur, soutenus par une rythmique en béton armé. Et comme c’est souvent le cas avec Ihsahn, sa principale source d’inspiration est la Norvège et plus précisément la région du Telemark, dont il est originaire, et où il vit toujours. On ressent dans ses compositions la rudesse et la beauté d’un climat souvent glacial, les paysages époustouflants mais abrupts et difficiles à apprivoiser, l’indépendance et la force de caractère des natifs du pays, souvent isolés les uns des autres, de par la géographie des lieux. Une région qui insuffle sa vie et sa lumière froide dans ces trois chansons originales et très réussies.
Pour terminer ce mini-album, l’artiste a choisi deux reprises qu’il a, bien évidemment, retravaillées à sa sauce. "Rock And Roll Is Dead" est une chanson du très talentueux Lenny Kravitz (qui a notamment collaboré avec Slash en 1991 sur son titre "Always On The Run" issu de l’album « Mama Said »). La version d’Ihsahn est plutôt bien faite, fidèle à l’originale, mais avec une voix estampillée black metal, évidemment. Puis vient "Wrathchild" des incontournables IRON MAIDEN. Avant que les puristes ne montent au créneau, il faut savoir qu’Ihsahn est un très grand fan des britanniques, et ce, depuis son adolescence. C’est donc une reprise en forme d’hommage que propose l’artiste, agrémentée de cuivres qui apportent une touche groovy très agréable au morceau. Certes, on s’éloigne de l’originale, mais n’est-ce pas le but d’une reprise ? En faire quelque chose de personnel, tout en respectant l’esprit de la composition de base. Et cette version est particulièrement réussie. Même si les fans de la Vierge de Fer risquent de crier au scandale, elle plaira sans aucun doute à tous les autres, ceux qui sont curieux, ouverts d’esprit et de cœur.
Comme tous les EP, on se dit que c’est malheureusement bien trop court et que l’on n’aurait pas craché quelques titres supplémentaires. Mais quoi qu’il en soit, avec « Telemark », Ihsahn revisite brillamment son passé et ses racines de black metalleux. Avec « Pharos », il faudra s’attendre à quelque chose de radicalement différent, et gageons que le maître saura nous surprendre. Comme il sait si bien le faire depuis des années.