26 octobre 2020, 17:24

Rob Halford

• "Confess", Les confessions du Metal God

L'autobiographie est un exercice de style assez couramment pratiqué par les artistes, qu'ils soient à leur zénith ou dans le creux de la vague. Et quand Rob Halford, figure aussi emblématique qu'incontournable du metal, se raconte à Ian Gittins, c'est, à l'image de la ville industrielle de Birmingham qui l'a vu naître : brut de fonderie. 

A 69 ans, âge érotique, le Metal God, un surnom qu'il a d'ailleurs déposé, passe en revue sa carrière, sans rien cacher non plus de sa vie privée tumultueuse. Car, comme il l'a découvert à l'âge des premiers émois amoureux, c'est un homme qui aime les hommes. Et, dans le monde macho, voire homophobe, du heavy metal, il ne fait pas bon être être gay… Tout au long de ses "confessions", le chanteur archi respecté de JUDAS PRIEST, un des derniers groupes de metal mythiques en activité, nous invite à découvrir son parcours atypique.

Dès son enfance dans une famille ouvrière aimante – même si les engueulades de ses parents dégénèrent parfois, au point qu'il en gardera toute sa vie la peur du conflit –, Rob sait qu'il ne travaillera jamais à l'usine comme son père. A 8 ans, c'est en cours de musique qu'il se découvre des talents de chanteur. Son attirance pour le spectacle viendra plus tard, ce qui l'incitera par la suite à rejoindre un groupe local du nom de JUDAS PRIEST. En spectateurs privilégiés, on assiste donc aux balbutiements puis à l'avènement du groupe (Judas rising) vu de l'intérieur. Aux séances d'enregistrement, mais aussi aux dérapages qui accompagnent la réalisation de certains albums, « Screaming For Vengeance » et « Defenders Of The Faith » en tête.

Une chose apparaît rapidement à la lecture de ces mémoires : comme le laissent supposer ses photos sur Instagram, dans lesquelles il pose toutes les semaines vêtu de T-shirts douteux à la gloire des chats, le chanteur est loin de se prendre au sérieux et a un solide sens de l'humour et de l'autodérision. Fan dans l'âme, le metal chevillé au corps, aux anges quand il croise certaines de ses idoles (Jimmy Page, Ian Gillan, R.J. Dio…), il n'est pas là pour régler ses comptes. Même quand certains musiciens se sont montrés distants, voire méprisants, aux débuts du groupe. Ce qui fait de lui un personnage particulièrement attachant et souvent empathique. Il n'y a qu'à voir la façon dont il parle de Glenn Tipton et de l'admiration qu'il éprouve pour ce dernier qui tente de lutter contre la maladie de Parkinson. Maladie qui le handicape et l'empêche de faire ce qu'il aime le plus au monde : jouer de la guitare avec JUDAS.

Comme pour tout groupe ou artiste, la carrière des Anglais est faite de hauts et de bas. Il y a des Everest : la première partie, en 1977, de ce qui sera l'ultime date américaine de LED ZEPPELIN, dont la tournée est stoppée net suite au décès de Carac, le jeune fils de Robert Plant ; le concert à l'Us Festival devant une marée humaine de plus de 100 000 spectateurs, six ans plus tard ; les trois chansons jouées au Live Aid de Bob Geldof à Philadelphie, en 1985, devant 100 000 spectateurs là aussi et des dizaines de millions de téléspectateurs ; la fierté, en 1990, alors que certains commencent à douter de leur potentiel à se renouveler, d'avoir réalisé « Painkiller » qui met tout le monde d'accord et renvoie dans les cordes bien des prétendants au trône (de fer) deux fois plus jeunes qu'eux ; ou encore d'être toujours au top, même si le coronavirus a tout remis en question l'année où JUDAS devait fêter son jubilé avec une tournée mondiale (qui ignorait la France, cela dit)… 

Des bas, parfois abyssaux, aussi. "L'affaire James Vance", en 1990, quand les musiciens se retrouvent impliqués dans un procès, accusés qu'ils sont d'avoir glissé dans leur reprise de "Better By You, Better Than Me" un message subliminal ayant poussé deux fans américains au suicide ; l'autodestruction méthodique de Rob, à grands coups d'alcool et de cocaïne, qui ne parvient pas à accepter son homosexualité et tente d'oublier qu'une fois la tournée terminée, il s'en retourne à ce qu'il appelle son « purgatoire » ; sa tentative de suicide ; et puis, évidemment, son nadir personnel : quand Brad, son amant qu'il aimait, met fin à ses jours ; mais aussi le désespoir, en tant qu'artiste, de ne pas pouvoir réintégrer JUDAS après avoir sorti le premier album de FIGHT en 1993, en raison d'un problème de communication… qui durera douze ans…

Mais Rob Halford n'est pas qu'un grand chanteur, c'est aussi un chaud lapin. Et par moment, on ne peut s'empêcher de penser que parler de sa vie d'artiste est presque – j'insiste sur le presque – un alibi pour aborder (largement) sa vie sexuelle. Comme la plupart des musiciens d'ailleurs, exception faite de Bruce Dickinson qui a totalement fait l'impasse sur le sujet dans A Quoi sert ce Bouton ?. Si ce n'est que l'homosexualité, encore un peu plus quand elle est masculine, est un sujet tabou dans le metal. Pendant toute la première partie de la carrière de JUDAS, jusqu'à son "départ" pour enregistrer le premier FIGHT, Halford vivra dans la honte d'être un chanteur gay dans un groupe hétéro et, surtout, avec la hantise, qu'il qualifie de « véritable torture », que la révélation de son homosexualité mettrait en péril la carrière du groupe qui représente tout pour lui. On peut noter que, même si ses musiciens, sa famille et ses amis proches connaissaient ses préférences depuis toujours, ils ont eu la délicatesse de ne jamais y faire la moindre allusion. Ce dont le chanteur leur est infiniment reconnaissant.

Condamné à rester dans l'ombre, ou, plus exactement, “dans le placard” selon l'expression anglaise, il entamera plusieurs relations bancales et multipliera les plans sordides, entre bars gay et brèves rencontres dans les toilettes. Il vivra même ce qu'il surnomme son « instant George Michael » quand, comme le chanteur pop quelques années plus tard, il sera arrêté pour outrages aux bonnes mœurs après avoir tenté de "lever" dans des WC publics un beau mec… qui se trouve être un flic en civil. Heureusement pour lui, les policiers sont des fans de JUDAS et l'affaire sera étouffée. George Michael n'aura pas cette chance et sa mésaventure fera le tour du monde…

Et puis arrive ce jour de 1998, à l'époque de 2WO, son projet indus, où en direct des studios de MTV, il fait son coming out le plus naturellement du monde devant des dizaines de millions de téléspectateurs. Une véritable libération très bien accueillie par les fans, qui savaient depuis longtemps où allaient ses préférences, et le monde de la musique en général. « Ce qui est super, c'est que je n'avais plus à me cacher, écrit-il. En un instant, fini les sous-entendus et les gens qui parlaient dans mon dos. J'entendais parfois dans les clubs :  "Regardez, y'a la pédale !". Maintenant, je pouvais répondre : "C'est Monsieur Pédale !". »

Aujourd'hui totalement décomplexé et épanoui, gay et fier de l'être, amoureux depuis des années puisqu'il a – enfin – rencontré l'homme de sa vie, Rob apparaît comme un héraut de la cause homosexuelle et, par extension, LGBT. Et c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il s'est autant livré dans Confess, témoignage sincère d'un homme qui avait certes la gloire mais qui a dû attendre l'âge de 47 ans pour ne plus se cacher. Et dont la lecture, il l'espère, permettra à celles et ceux qui vivent dans la honte et le déni de pouvoir parler et d'être enfin eux-mêmes.

A l'heure d'écrire ces lignes, on ignore si Confess sortira en version française. Mais si tel est le cas, sa lecture passionnante est très fortement recommandée.

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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