25 octobre 2020, 15:38

THIN LIZZY

• "Rock Legends"

Album : Rock Legends


Est-ce le Graal ?

Est-ce le fameux coffret sur lequel le guitariste Scott Gorham disait travailler lorsque nous l'avions rencontré à Paris avec BLACK STAR RIDERS en 2013 ?
Oui : il était question d'archives extraordinaires, d'une mine d'or.
"Rock Legends" remplit une très grande partie de cette promesse.

L'emblématique Phil Lynott est décédé il y a presque 35 ans et peu avant sa mort, le chanteur et bassiste avait remis 150 cassettes, soit 700 chansons, à un tiers qui a apparemment négocié avec Universal Music, puisque c'est la maison de disques qui a piloté depuis 8 ans tout le projet, avec l'aide artistique notamment de Gorham et du batteur Brian Downey, co-fondateur de THIN LIZZY.

Et on imagine aussi l'assentiment des ayant-droits.

Quand nous en avions discuté, les contours du projet paraissaient mal définis et Gorham plutôt évasif sur une date et une forme de sortie. 
Et pour cause, il aura fallu tout ce temps pour que le projet aboutisse à ce coffret luxueux… et nous, que nous en fantasmions le contenu.  

Déjà, à cette époque, on s'interrogeait sur ce qu'il pouvait bien rester à explorer que nous ne connaissions déjà, après les très exhaustives éditions "Deluxe" : "Thin Lizzy", "Shades of A Blue Orphanage" et "Vagabonds of The Western World" (la période sur le label Decca, dont des versions refaites en 1977 avec Gary Moore), "Nightlife", "Fighting", "Jailbreak", "Johnny The Fox", "Bad Reputation", "Live and Dangerous", "Black Rose (A Rock Legend), "Chinatown", "Renegade" (un cran moins fourni) et "Thunder and Lightning". Sans parler des sessions de la BBC ou du coffret paru en 2001, "Vagabonds Kings Warriors Angels", parsemé de pépites.
 

  


THIN LIZZY était abonné aux BBC sessions pratiquement chaque année, ne rechignait pas à capter ses concerts pour la radio, mais avait aussi enregistré une multitude de prises alternatives et des inédits trainaient ici et là (improvisations, soundchecks, idées inabouties).

C'est là qu'on prend conscience de l'ampleur de l'oeuvre accomplie par Phil Lynott en premier lieu, et par ses compagnons de route en second, sur une période somme toute très courte de 12 ans, car il reste encore à découvrir et ce coffret "Rock Legends", du contenant au contenu, est l'un des plus beaux objets à retenir de l'année 2020.
 


CD 1 : les singles. 
Après un petit rappel en 22 titres que THIN LIZZY, si l'on en doutait, était un groupe de hits rock, tous réunis dans leur version 45 tours, avec quelques variantes (versions edit, radio ou remix pour six d'entre elles), on entre dans le vrai sujet : les raretés. 
Et donc, avec une petite mise en garde d'usage auprès de ceux qui ne seraient pas VRAIMENT fans. 
"Rock Legends" s'affranchit certes d'un récapitulatif (presque dispensable) de ses classiques sur un premier CD, mais c'est pour mieux s'attaquer ensuite à un répertoire pour purs connaisseurs. 

Si on nous promettait 700 chansons dans la boîte de Pandore, Gorham est très clair dans un avant-propos de présentation : ce coffret n'est pas un fourre-tout de chutes de studio, mais la part belle est faite aux démos et documents de travail que les musiciens enregistraient durant des séances et qu'ils emportaient chez eux pour les améliorer, ou pour peaufiner les fameux soli à la tierce. 

Pourquoi avoir mis l'accent sur les démos ? 
Selon Gorham, celles qui ont été retenues comportent une énergie et une spontanéité parfois perdues lors des enregistrements finaux des albums, à cause de la pression et des choix de production. 
Bien qu'imparfaites, elles sont révélées ici, mais jamais au détriment de la qualité d'interprétation d'un des membres, précise-t-il. Il va même jusqu'à affirmer que les meilleures parties de guitare de Brian Robertson, son tumultueux partenaire de route au milieu des années 70, se trouvent probablement sur ces enregistrements. 
On acquiesce rien que pour les incroyables "Warriors" et "Johnny". 
Et il faut l'avouer, ces démos sont tellement poussées que notre excitation réside surtout dans toutes leurs variations par rapport aux versions définitives connues. 
Débarrassées d'une production trop léchée, d'effets ajoutés, elles sont brutes mais construites, à quelques paroles ou nuances près. Toutes les intentions sont présentes, mais on se régale à l'écoute d'un solo alternatif, d'une fin pas encore assumée (qui amènera un fade très à la mode à l'époque sur disques). 
L'exemple parfait ? "The Boys Are Back in Town" qui finit un peu en friche et c'est une formidable opportunité de saisir le work in progress d'un des plus beaux hymnes rock de l'histoire.

On a tous une période préférée de THIN LIZZY. Les amateurs des premières années se délecteront du CD 2 avec les raretés de l'époque Decca où, à l'exception du premier single très ancré dans son époque, on entend le groupe installer petit à petit son style unique (chant, basse, batterie, écriture, mélodies à la guitare sans la signature harmonique, puisque c'est encore un trio et Eric Bell est seul), mélange hybride qui se construit en trois-quatre ans de rock, de soul, de funk, de blues, de jazz, de folk celtique, de hard rock. 
Un CD qui permet également de découvrir deux sessions pour la radio publique irlandaise RTE Radio Eireann en 1973 et 1974.

La seconde période correspond à l'arrivée de la paire de guitaristes et de la griffe inimitable de l'Ecossais Brian Robertson et du Californien Scott Gorham à partir de "Nightlife". Les CD 3 et 4 couvrent l'extraordinaire collaboration de cette formation (aussi compliquée aura-t-elle été avec Robertson, justement) : versions démos de titres de "Nightlife", "Fighting", "Jailbreak", "Johnny The Fox", "Bad Reputation". A titres personnel, de loin celle que je préfère. L'art de composer des hits, de jouer une musique mélodique, hard rock et tellement pleine d'âme et de swing. Deux disques qui sortent aussi un lot de curiosités, loin d'être anecdotiques, comme "Weasel Rhapsody", "Blackmail" ou "Hate" pour ne citer que ceux-ci.

La troisième période, c'est lorsque THIN LIZZY va tenter de colmater le vide de Robertson par tous les moyens, du plus convaincant (Gary Moore) au moins charismatique (Snowy White, talentueux, mais sans dangerosité). Sur le CD 5, garni lui aussi de démos, on balaye cette époque correspondant à "Black Rose: A Rock Legend", "Chinatown", "Renegade", marquée par l'apparition des claviers de Darren Wharton. Avec un petit lot également de surprises ("It’s Going Wrong", "I’m Gonna Leave This Town", "Kill" ou encore "In the Delta" par exemple). 
Cette phase historique du groupe est également accompagnée du CD6, entièrement live cette fois, sur le "Chinatown Tour" d'avril-mai 1980. De larges extraits piochés dans les nombreuses dates faites par THIN LIZZY à l'Hammersmith Odeon, ou encore un "Don't Believe A Word" à Tralee garnissent la galette.

Comme on ne sait pas quelle est la masse de sources qui ont été manipulées, difficile d'estimer pourquoi la période Sykes, celle qualifiée la plus hard rock/metal, qui clôture la vie de THIN LIZZY avec Lynott, est aussi mal représentée ici : "The Sun Goes Down" en démo est le seul témoignage. Explication plausible, cette dernière mouture du groupe n'a pas tenu plus d'un an et quelque, John Sykes n'est arrivé que lorsque la plupart des compositions de "Thunder and Lightning" étaient écrites et sans l'album live "Life", sa trace serait encore plus infime dans le parcours du groupe.   

Un DVD complète l'ensemble des supports. Les quatre titres interprétés dans l'émission "A Night on The Town" (un programme autour de Rod Stewart diffusé le 24 octobre 1976) correspondent à l'ère Robertson/Gorham. Sans artifice, ni mise en scène, c'est un groupe à nu, dans l'authenticité du direct qui est présenté ici : tout tourne autour du pivot central Lynott (chant, basse) qui capte la caméra, les deux forçats de la guitare abattent un travail monumental en rythmique et en solo, où l'on voit clairement la répartition des tâches et ne parlons pas de Brian Downey, à la frappe nerveuse et précise, sans doute l'un des batteurs les plus doués de sa génération.
C'est filmé avec tout le manque d'anticipation (et de connaissance des titres) d'un réalisateur et de cadreurs de variétés des années 70, jamais vraiment là où il faut être, ce qui nous fait louper quelques parties cruciales de solo de Robertson, au profit des visages de Lynott ou Gorham. Mais qu'importe !

J'ai un avis beaucoup plus sévère sur "Bad Reputation", le film de 2015 que j'avais déjà vu à l'époque. Très humblement mais avec une bonne connaissance du monde documentaire, je trouve que ce n'est ni digne de la BBC, ni même d'un travail qualifié de professionnel. C'est un collage terriblement approximatif d'interviews, de témoignages particulièrement mal filmés, mal cadrés, parfois recueillis avec un pauvre micro d'ambiance, entrecoupés d'archives iconographiques rares et intéressantes, mais absolument pas mises en valeur. C'est le gros bémol de ce coffret qui, en prenant 8 ans à se conceptualiser, avait tout le temps de produire un nouveau documentaire, aux standards esthétiques et qualitatifs actuels. Comme on dit, ça a le mérite d'exister, mais ce n'est pas digne de la légende, sans parler de la fin totalement escamotée des derniers instants du groupe. C'est bien là ma plus grosse réserve sur un coffret sans faute, dont je n'oublierai pas de souligner l'excellente idée de réunir en un livre les tour-programmes de la carrière de THIN LIZZY (y compris japonais), un recueil de textes de chansons et poèmes de 1977 préfacé par John Peel, et quatre fac-simile d'illustrations signées Jim Fitzpatrick (fidèle accompagnateur graphique du groupe depuis ses débuts).
 

  


"Rock Legends" est une somme que chacun peut aborder à sa manière : méthodiquement, du premier au dernier titre ; empiriquement, selon ses affinités. Ou même techniquement en écoutant d'un côté les démos, et de l'autre les versions commercialisées à l'époque. Il y a vraiment de quoi faire et, lorsqu'on en aura à peu près fait le tour, l'insatiable fan se demandera sans doute alors : en ont-ils gardé sous le coude ?
Parce que, si mes comptes sont exacts… il leur en reste 90%.
 


CD 1 The Singles
Whiskey in The Jar - 7″ Edit
Randolph’s Tango - Radio Edit*
The Rocker - 7″ Edit
Little Darling - 7″ Single
Philomena - 7″ Single
Rosalie - 7″ Mix*
Wild One - 7″ Single
The Boys Are Back in Town - 7” Edit*
Jailbreak - 7” Edit*
Don’t Believe A Word - 7″ Single
Dancing in The Moonlight - 7″ Single
Rosalie / Cowgirl’s Song - 7″ Single
Waiting for An Alibi - Extra Verse
Do Anything You Want To - 7″ Single
Sarah - 7″ Single
Chinatown - 7” DJ/Radio Edit*
Killer on the Loose - 7″ Single
Trouble Boys - 7″ Single
Hollywood (Down on Your Luck) - 7” Edit*
Cold Sweat - 7″ Single
Thunder and Lightning - 7” Edit*
The Sun Goes Down - 7” Remix*

CD 2 Decca Rarities
The Farmer - Debut 7″ single
I Need You - Debut 7″ single B-side*
Whiskey in The Jar - Extended Version Rough Mix*
Black Boys on The Corner - Rough Mix*
Little Girl in Bloom - US Single Promo Edit*
Gonna Creep Up on You - Acetate*
Baby’s Been Messin’ - Acetate*
1969 Rock + Intro - RTE Radio Eireann Session 16 janvier 1973*
Buffalo Gal + Intro - RTE Radio Eireann Session 16 janvier 1973*
Suicide + Intro - RTE Radio Eireann Session 16 janvier 1973*
Broken Dreams + Intro - RTE Radio Eireann Session 16 janvier 1973*
Eddie’s Blues/Blue Shadows + Intro - RTE Radio Eireann Session 16 janvier 1973*
Dublin + Intro - RTE Radio Eireann Session 16 janvier 1973*
Ghetto Woman - RTE Radio Eireann Session 4 janvier 1974*
Things Ain’t Working Out Down at The Farm - RTE Radio Eireann Session 4 janvier 1974*
Going Down - RTE Radio Eireann Session 4 janvier 1974*
Slow Blues - RTE Radio Eireann Session 4 janvier 1974*

CD 3 Mercury Rarities
Rock and Roll with You - Instrumental Demo*
Banshee - Demo*
Dear Heart - Demo*
Nightlife - Demo*
Philomena - Demo*
Cadillac - Instrumental Demo*
For Those Who Love to Live - Demo*
Freedom Song - Demo*
Suicide - Demo*
Silver Dollar - Demo*
Jesse’s Song - Instrumental Demo
Kings Vengeance - Demo*
Jailbreak - Demo*
Cowboy Song - Demo*

CD 4 Mercury Rarities
The Boys Are Back in Town - Demo*
Angel from The Coast - Demo*
Running Back - Demo*
Romeo and The Lonely Girl - Demo*
Warriors - Demo*
Emerald - Demo*
Fool’s Gold - Demo*
Weasel Rhapsody - Demo*
Borderline - Demo*
Johnny - Demo*
Sweet Marie - Demo*
Requiem for A Puffer (aka Rocky) - Alternate Vocal, “Rocky He’s A Roller”*
Killer Without A Cause - Demo*
Are You Ready - Demo*
Blackmail - Demo*
Hate - Demo*

CD 5 Mercury Rarities
S & M - Demo*
Waiting for An Alibi - Demo*
Got to Give It Up - Demo*
Get Out of Here - Demo*
Roisin Dubh (Black Rose) A Rock Legend - Demo*
Part One: Shenandoah*
Part Two: Will You Go Lassie Go*
Part Three: Danny Boy*
Part Four: The Mason’s Apron*
We Will Be Strong - Demo*
Sweetheart - Demo*
Sugar Blues - Demo*
Having A Good Time - Demo*
It’s Going Wrong - Demo*
I’m Gonna Leave This Town - Demo*
Kill - Demo*
In the Delta - Demo*
Don’t Let Him Slip Away - Demo*
The Sun Goes Down - Demo* (rough remix)

CD 6 Chinatown Tour 1980
Are You Ready? - Hammersmith Day 2 (29/05/1980) *
Hey You - Hammersmith Day 2 (29/05/1980)*
Waiting for An Alibi - Hammersmith Day 2 (29/05/1980) *
Jailbreak - Hammersmith Day 2 (29/05/1980)*
Do Anything You Want to Do - Hammersmith Day 2 (29/05/1980)*
Don’t Believe A Word - Tralee (12/04/1980) *
Dear Miss Lonely Hearts - Hammersmith Day 2 (29/05/1980)*
Got to Give It Up - Hammersmith Day 3 (30/05/1980)*
Still in Love with You - Hammersmith Day 3 (30/05/1980)*
Chinatown - Hammersmith Day 3 (30/05/1980)*
The Boys Are Back in Town - Hammersmith Day 3 (30/05/1980)*
Suicide - Hammersmith Day 3 (30/05/1980)*
Sha La La - Hammersmith Day 2 (29/05/1980)*
Rosalie - Hammersmith Day 2 (29/05/1980)*
Whiskey in The Jar - Hammersmith Day 3 (30/05/1980)*

DVD 
NIGHT ON THE TOWN - ROD STEWART LWT TV SPECIAL BROADCAST 24 OCTOBRE 1976
Quatre chansons jamais diffusées commercialement enregistrées pour une émission spéciale de Rod Stewart en 1976.

Jailbreak
Emerald
The Boys Are Back in Town
Rosalie / Cowgirl’s Song

BAD REPUTATION      
Un documentaire d'une heure jamais commercialisé, réalisé par Linda Brusasco et diffusé sur la BBC4 en septembre 2015.
* inédit

Blogger : Christian Lamet
Au sujet de l'auteur
Christian Lamet
Christian Lamet est réalisateur, journaliste et producteur pour la télévision et le multimédia...entre autre. Fondateur en 1985 du magazine HARD FORCE, il en a été le rédacteur en chef durant ses quinze années de parution en kiosques. Depuis, l'aventure HARD FORCE a repris en 2008 sur le web, devenant ainsi le plus ancien média metal en France toujours en activité encore mené par son fondateur. Christian est également producteur et réalisateur de l'émission METALXS et créateur du media digital HEAVY1 en partenariat avec LIVE NATION FRANCE.
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