1 décembre 2020, 20:00

AKHLYS

• Interview Naas Alchameth

Blogger : Clément
par Clément

Naas Alcameth, principal maître à bord d’AKHLYS, n'est pas du genre bavard. Plus du genre à agir qu'à parler, le bonhomme est déjà aux commandes de plusieurs piliers de la scène black metal américaine : AKHLYS bien sûr mais aussi NIGHTBRINGER, AORATOS ou BESTIA ARCANA. Et AKHLYS ne déroge pas non plus à cette règle maléfique tant il porte la griffe de son créateur profondément dans ses chairs. A l’occasion de la sortie du troisième album du groupe, Naas a choisi de discuter avec HARD FORCE pour faire le point avant la parution de « Melinoë », prévue pour le 14 décembre sur le label français Debemur Morti.


Naas, nous avions eu l’occasion d’échanger tous les deux, l’année dernière, au sujet du dernier album d’AORATOS qui avait alors fait forte impression à sa sortie. Peux-tu nous dire ce qui s’est passé pour toi depuis ?
Bien sûr ! Juste après la sortie de l’album « Gods Without Name », nous nous sommes envolés pour l'Islande afin de jouer en live sous un format un peu particulier puisque mes deux groupes, AKHLYS et AORATOS, ont partagé l’affiche : ce fut d’ailleurs une expérience mémorable ! Puis je me suis à nouveau attelé à la composition d’un nouveau disque pour AORATOS. Mais le processus de création artistique a été altéré par quelques soucis personnels qui m’ont obligé à mettre le projet en standby pour changer complètement de direction.  J’ai ressenti alors une force, une voix intérieure qui m’a poussé à réactiver AKHLYS. C’était une situation étrange que je traversais puisque la crise de Covid démarrait et, avec elle, le confinement et je me suis retrouvé seul avec mes instruments, animé par ce désir de créer quelque chose d’unique. Lors de cette période, je n’ai plus quitté plus ma demeure pour me consacrer à la mise en musique de cette nouvelle vision. Tout cela a duré cinq mois, inutile de te dire à quel point c’était éprouvant, aussi bien physiquement que moralement.

Tu es le principal compositeur derrière ces entités mystérieuses que sont NIGHTBRINGER, BESTIA ARCANA et AORATOS et tu es désormais de retour sur le devant de la scène avec AKHLYS. Quelles sont les raisons qui te poussent à composer pour un groupe plutôt qu’un autre à ce moment précis ?
Bonne question, je te dirais que la nature et l’environnement, ici dans le Colorado, jouent un rôle non négligeable dans mon état d’esprit du moment. Mais le critère le plus important pour me guider vers un groupe plutôt qu’un autre est ce que je ressens au plus profond de moi à ce moment-là. Les livres que j’étudie, la contemplation du monde qui m’entoure sont tout aussi importants dans le processus de création.

AKHLYS n'est pas un groupe très prolifique puisque seuls trois albums sont parus sur une période de onze ans, mais il suscite à chaque fois de nombreux éloges de la part des fans et de la presse. Qu’est-ce qui rend AKHLYS aussi séduisant, aussi fascinant lors de chacune de ses sorties ?
Il est difficile pour moi de te le dire, je n’ai pas assez de recul en tant que principal compositeur. Peut-être est-ce le côté plus atmosphérique, très présent chez AKHLYS en comparaison avec mes autres projets. Mais à mon sens, ce qui confère un côté unique au groupe est avant tout le fait qu’il soit basé sur une obsession personnelle, liée à des expériences de vie auxquelles j’accorde une grande importance. Cette fameuse obsession est également présente dans AORATOS ou NIGHTBRINGER mais sur AKHLYS, celle-ci est en lien avec des événements liés au sujet du rêve et des parasomnies. Cela apporte une certaine dynamique mais aussi une gravité qui sont présentes de la première à la dernière seconde.
 


​Examinons de plus près « Melinoë ». Les cinq morceaux qui le composent sont une nouvelle fois très intenses : les guitares tourbillonnent, la basse montre les crocs et la batterie frappe sans jamais baisser la garde. Cet album est un magma cauchemardesque qui anéantit toute forme de résistance...
Merci, je pense que c'est une description très appropriée. Je voulais que cet album constitue une épreuve pour l'auditeur, qu’il incarne l'essence brute de la panique, de la terreur, d’émotions profondes qui en constituent son fil rouge. « Melinoë » n’est pas un voyage mais une chute soudaine, brutale dans un cauchemar qui prend sa source au-delà du seuil du sommeil. Naturellement, je voulais capturer toutes ces émotions et cette atmosphère au sein de chaque composition. Il me fallait donc distiller ce sentiment de terreur pour le mettre en musique avec un ressenti de panique réel…

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce que représente cette "Déesse orphique, porteuse de cauchemar et de folie" qu’est « Melinoë » ?
Je ne souhaite pas en dire beaucoup plus au sujet de cette obscure entité. Ce qui est certain en revanche est sa provenance, celle d’un monde souterrain où la mort rôde sans cesse et les cauchemars, la peur extatique qui peuvent survenir pendant les expériences de sommeil sont aussi très présents. Pour moi, Melinoë prend la forme d’un masque, celui d’une essence divine qui ne trouve que de raison d’exister qu’au sein des ténèbres, des rêves et de la mort.

La pochette de « Melinoë » est somptueuse. Que ce soit David Herrerias, Bahrull Marta ou dernièrement Denis Forkas Kostromitin, les illustrateurs auxquels tu fais appel pour réaliser chacun des artworks de tes groupes ont en commun cette expression d’obscurité infinie...
Les artistes que tu as mentionnés, David ou Bahrull, ont réalisé leurs travaux à partir d’une commande très spécifique que j’avais bâti sur la base de mes notes et de mes idées. Alors que la pochette de « Melinoë » était plus libre puisqu’elle a été créée il y a quelques années, bien avant que je n’aie approché Denis Forkas. Cette pochette en particulier m’a tout de suite interpellé, je trouvais que celle-ci était faite pour moi, elle correspondait intimement à la vision que j'avais envie de retranscrire sur l’album d’AKHLYS. Une drôle de coïncidence…

Cet album a été enregistré avec Dave Otero, qui est célèbre pour ses productions puissantes et cristallines dont raffolent de nombreux groupes de death metal. Que penses-tu qu'il ajoute au son d’AKHLYS, beaucoup plus typé black metal ?
Dave et moi travaillons ensemble depuis près de vingt ans maintenant et il comprend comme aucun autre ma vision artistique. Je le considère comme un véritable membre du groupe et sa contribution à l’identité d’AKHLYS, ses idées sont inestimables. Il n’est pas concevable pour moi d’aller voir ailleurs car nous avons affiné cette approche ensemble, chaque album se rapprochant de plus en plus de la marque d'un idéal toujours insaisissable….

Revenons sur l'histoire du groupe. Sur « Supplication », le premier album, tu as choisi de tout enregistrer seul : du chant aux guitares, en passant par la basse et les claviers. Ensuite sur « The Dreaming I », tu as été rejoint par le batteur Ain... et désormais, sur « Melinoë », c’est Evan Knight qui est derrière les fûts. Comme Evan est également ton partenaire au sein d’AORATOS, était-ce le choix le plus logique pour toi pour enregistrer ce disque ?
Oui, c’est bien cela, je serai d’ailleurs à jamais reconnaissant envers Ain pour son dévouement et son travail sur « The Dreaming I ». Mais j'avais atteint un point où, si je voulais amener AKHLYS encore plus loin, j'avais besoin de musiciens qui habiteraient près de chez moi, dans le Colorado. Evan (alias « Eoghan ») s'est impliqué au-delà de mes espérances et les idées et la ferveur qu'il a apportées sur cet album se doivent d’être saluées. En parallèle, d’autres musiciens sont venus compléter le line-up afin de pouvoir effectuer de futures tournées et d’offrir un spectacle digne de ce nom…

Dans le même ordre d'idées, tu es impliqué depuis plus de vingt ans dans la scène black metal. Comment ton état d’esprit a-t-il évolué au cours de ces deux décennies d'activisme musical ?
C'est difficile de te répondre de manière précise car, bien sûr, beaucoup de changements ont eu lieu pendant une si longue période. J’ai mûri en tant qu'artiste, mes croyances et mes approches de la vie se sont enrichies en même temps que je découvrais certaines parties de ma personnalité que je ne soupçonnais pas. Pour moi, le black metal représente une dévotion aux symboles divins de l'obscurité, du mystère et de la mort, qui demande un investissement sans relâche. Les concepts et les philosophies qui en découlent m'obsèdent depuis toujours… et cette obsession reste la même vingt ans plus tard, elle est juste plus développée, plus marquante qu’auparavant.

Toujours pendant ces vingt mêmes années, qu'est-ce qui t’a le plus marqué en termes d'évolution de la scène metal de ton point de vue d’auditeur ?
C'est une question pertinente surtout lorsqu’on la remet en contexte aujourd’hui, à l'ère du tout numérique. Je pense à cet égard qu'il est important d'être conscient des dangers de la commercialisation à outrance ainsi que de la protection de l'intégrité de l'art en tant que forme d’expression authentique. J'ai toujours eu tendance à rester quelque peu en retrait de la scène, autant que possible, et du monde en général. Je me moque de certaines attitudes d’artiste qui se sentent obligé de remuer ciel et terre pour vendre leur musique à un public plus large.

Concernant le format de la cassette, que penses-tu de cette vague qui explose depuis quelques années et voit de nombreux labels se lancer dans cette aventure ?
Je pense qu'il y a un attrait pour tous les médias physiques, d’autant plus de par l’omniprésence du digital dans nos vies quotidiennes. Quelque chose que tu peux tenir dans tes mains t’apportera toujours le sentiment de quelque chose d'un peu plus tangible, plus réel qu’un simple MP3. Me concernant c’est plutôt le vinyle qui a mes faveurs, en raison notamment de ses dimensions qui permettent une présentation plus large de l’artwork, l’inclusion des paroles….

Revenons à l’actualité, les Etats-Unis ont été très touchés par l'épidémie de COVID-19 ces derniers mois, qu'est-ce que cela a changé dans ta vie de musicien ?
Beaucoup de choses ont changé dans le déroulement de notre quotidien, et cela parfois de manière dramatique dans un laps de temps très réduit. Je ne vais pas te mentir, cette situation m’a permis de passer plus de temps à composer, réfléchir et créer, le tout sans être interrompu à quelque moment que ce soit. Le côté négatif, bien sûr, c'est que nous ne sommes plus en mesure de jouer en live et je crains que cela ne soit encore le cas pendant un certain temps. Il est difficile de prédire comment ou quand cela peut changer, mais disons simplement que je ne vis pas chaque minute en pensant à la suite…

Quels sont vos projets, même avec l'incertitude dans laquelle nous vivons, pour l'année prochaine ?
Nous nous sommes préparés à jouer en live, en affinant chaque accord, chaque riff, chaque break et et nous continuerons de le faire… que la situation change ou ne change pas. Le moment venu, nous serons d'autant plus préparés pour repartir sur la route !

Merci encore pour ta disponibilité Naas, ces derniers mots seront les tiens...
Merci à toi Clément pour cette opportunité de m’adresser aux lecteur de HARD FORCE. A bientôt sur les routes, j’espère !


Debemur Morti et HARD FORCE vous proposent de remporter deux exemplaires de ce nouvel album d'AKHLYS. Pour cela, il vous suffit de répondre à cette question "De quel état des Etats-Unis est originaire Naas Alchameth, le principal compositeur du groupe ?" Envoyez votre réponse avec vos nom & prénom, ainsi que votre adresse postale avant le 11 décembre à concours@hardforce.com

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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2 commentaires

User
SonicFafa
le 09 janv. 2021 à 00:07
Cet album est une descente aux enfers indescriptible, une expérience intense et sans concession.
User
SonicFafa
le 09 janv. 2021 à 00:08
Interview de Naas super intéressante, au passage, merci.
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