« Histoire de vous prévenir à l’avance, j’ai tellement pris l’habitude depuis quelques années de me concentrer sur la composition et la performance vocale, que j’ai dû me rendre à l’évidence que je ne me souvenais plus comment jouer du piano. Cette soirée que j’ai voulue intimiste me fait sentir complètement hors mon élément. »
C’est ainsi qu’Einar Solberg présente son concert acoustique piano/voix ce dimanche 6 décembre, non sans un certain sens de l’humour et de l’auto dérision. Il a décidé de se sortir de sa zone de confort pour nous offrir une soirée toute en délicatesse, pureté, poésie et émotions à fleur de peau.
Remarquable à plus d’un titre, ce livestream est très particulier car il a lieu dans la magnifique Galerie Telemark de la petite ville Notodden, en Norvège, où le frontman a passé toute son enfance, et où il a posé les bases de ce qui allait devenir LEPROUS, en compagnie de son ami d'enfance et guitariste du groupe, Tor Oddmund Suhrke. Concert hybride également, car d’autre part, une quarantaine de places assises étaient disponibles, remplies pour la plupart par la famille et les amis très proches du chanteur. De quoi en faire une soirée très émouvante et personnelle. Sans oublier tous les fans derrière leur écran qui ont eu la chance d’assister à cette prestation bouleversante. Einar Solberg a judicieusement décidé de piocher dans tous les albums de son groupe.
C’est ainsi qu’après avoir pu visiter la ville et les lieux où LEPROUS a grandi, pendant une bonne heure (uniquement pour les détenteurs de pass VIP), en compagnie d’Einar et de Tor Oddmund, le concert démarre sur "Below", tiré du sublime dernier album « Pitfalls ». Interprétation parfaite et tout en subtilité du frontman, qui a retravaillé les morceaux afin qu’ils s’adaptent à la configuration du soir. Sa voix tour à tour puissante et fragile, profonde et cristalline, navigue sur le fil de l’émotion et l’on peut sentir les moindres fêlures de son être. Il enchaine sur "The Cloack", précédé d’une très belle intro orientalisante désormais bien connue des spectateurs. En fond de scène sont projetées des vidéos qui s’accordent à merveille aux thèmes des chansons : paysages superbes, visages expressifs, détails poétiques. Tout est parfaitement raccord. Puis, vient alors sur scène Tor Oddmund Suhrke, venu épauler son ami à la guitare acoustique, pour nous interpréter en duo le tout récent "Castaway Angels", morceau très attendu des fans, qui sont immédiatement tombés sous le charme de cette chanson à la beauté pure. "From The Flame" se prête également très bien à une version acoustique épurée. Les notes de piano résonnent dans l’air, telles des gouttes de pluie, et la voix d’Einar, mélodique et passionnée, en sont le fil conducteur.
Entre puissance et fragilité, Einar Solberg poursuit avec "Slave", chanson qui se révèle extraordinairement forte sous cette nouvelle forme. "Acquired Taste" étant à la base composée au piano, il était évident qu'il déciderait de la jouer. Plus surprenant sera le choix de "Passing". Il semblerait qu'il ait pris goût de la rejouer, après la prestation d’octobre dernier. Et ce ne sont pas les fans qui s’en plaindront, bien au contraire ! La chanson est remaniée à merveille et le rendu est formidable. Einar est très à l’aise et n’hésite pas à discuter entre les morceaux : souvenirs, humour, dérision, le chanteur échange avec un naturel déconcertant. Et dire qu’il n’y a pas encore très longtemps, il ne plaçait pas un mot sur scène, à part les remerciements d’usage. Cette volubilité lui sied à merveille. Il a définitivement franchi un cap et se livrer ainsi lui fait, de toute évidence, le plus grand bien. Einar nous apprend que "MB. Indifferencia" a été en partie composée sur le piano du bar de cette même Galerie, voici des années. Et l’émotion dégagée par cette chanson est toujours aussi intense. Frissons de plaisir, entre larmes de tristesse et de délivrance.
S’en suit le moment le plus bouleversant du concert lorsque le chanteur abandonne son piano et se lève, face au public, pour présenter le prochain morceau. Avec l’aide d’une vidéo du violoncelliste Raphael Weinroth-Browne, déjà présent aux côtés du groupe depuis quelques années, Einar Solberg va interpréter "The Last Milestone", une chanson qu’il ne présente pas souvent, de par son caractère très intime. Il nous avoue qu’il s’agit pour lui de la partie la plus effrayante de la soirée, et continue en nous en exposant les raisons. Lorsqu’il avait 19 ans, son père décida de mettre fin à ses jours. Environ une semaine plus tôt, il avait envoyé un email à son fils pour lui dire qu’il n’était pas très loin, et ils avaient tous deux prévus de se voir. Cette rencontre n’aura malheureusement jamais lieu. L’artiste met alors son âme et son cœur à nu en nous offrant une prestation absolument exceptionnelle de justesse et de sensibilité. Quel courage pour ainsi se dévoiler, et que d’émotions transmises en l’espace de quelques minutes ! Einar Solberg est non seulement l’un des meilleurs vocalistes de tous les temps, mais il est également un être humain formidablement expressif, sensible et émouvant. Quand l’art sublime les maux du cœur, il surpasse toutes les autres formes d’expression. Encore très ému, il présente "Alleviate". Cette chanson parle des symptômes de la dépression, et surtout, de ce qui vient ensuite : accepter que tout ne soit pas si facile, ni si génial dans la vie. Accepter d’arrêter de se battre, accepter aussi de gagner le combat et de laisser place à l’espoir. Encore une fois, le chanteur va profondément émouvoir l’audience avec sa voix à la limite de la rupture, à la limite des larmes. Quant à nos larmes, elles coulent sans retenue. Et pourquoi résister, à quoi bon ? Puisqu’en coulant, elles nous libèrent aussi de nos angoisses, de nos peurs et de nos fantômes.
Remerciant le public, tout en considérant l’importance dans sa vie de chaque personne présente ce soir dans la salle, Einar va aussi avouer que sans ses amis et sa famille, il n’aurait jamais réussi à surmonter ces derniers mois. Le concert va ainsi s’achever sur "The Price", qui acquiert, interprété de la sorte, une mélancolie supplémentaire. Pas de rappel suite à cela. Le vocaliste sort de scène, non sans remercier et saluer une nouvelle fois. On le sent très ému et il lui faudra d’ailleurs un certain temps avant de rejoindre les invités dans la salles, qui le remercient tous chaleureusement, avouant à quel point ce concert les a chamboulés. Einar accepte volontiers de répondre aux questions, plus ou moins farfelues, toujours avec le sourire et une gentillesse à toute épreuve, partageant avec nous ses ressentis sur sa prestation.
Einar Solberg est un artiste complet, mais aussi un homme charmant, attentionné et accessible, doté d’un humour caustique, d’une gentillesse extraordinaire et d’une sensibilité à nulle autre pareille. Rares sont les musiciens qui développent une telle complicité avec leurs fans. Dans le cas d’Einar et de LEPROUS, c’est un échange d’une richesse infinie qui nourrit les deux partis, artistes et auditeurs. Un lien fort et unique porté par la musique et les émotions que ses auteurs véhiculent.
