9 février 2021, 18:20

THE PRETTY RECKLESS

• "Death By Rock And Roll"

Album : Death By Rock And Roll

Dans le metal et le rock, il y a, en gros, deux catégories majeures de chanteuses : les lyriques, issues pour la plupart d’une formation classique, et qui officient dans des groupes de metal symphonique, et les growleuses, qui se sont dit qu’après tout, il n’y a pas que les mecs qui ont des couilles, et qu’elles peuvent gueuler aussi fort, voire parfois mieux, que ces messieurs. Et puis, il y a les autres. Fort peu nombreuses. Taylor Momsen de THE PRETTY RECKLESS, avec sa voix de mezzo-soprano dramatique, fait partie de celles-là. Une sorte de croisement entre Lemmy de MOTÖRHEAD, et une chanteuse de soul, telle Aretha Franklin. Une voix grave, sensuelle, légèrement rauque, dans un corps de poupée. Mais les images peuvent être trompeuses, et la jeune femme, mannequin et ex-actrice, est bien plus hargneuse qu’elle n’en a l’air.

La damoiselle est tombée très tôt dans la marmite de potion magique rock'n'rollesque, puisqu’elle n’avait que 14 ans lorsqu’elle a fondé son groupe. Beaucoup plus posée et mature qu’à ses débuts, la jeune femme au look "Madonnesque" ultra provocateur (ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elle a été choisie par Madonna et sa fille voici quelques années pour représenter leur marque de vêtements)  n’est pas une midinette pop, mais bien une rockeuse dans l’âme. « Death By Rock And Roll » est le quatrième album du quatuor, également composé de Ben Philips (guitare), Jamie Perkins (batterie) et Mark Damon (basse). C’est un album marqué par les tragédies successives qui ont affectées les musiciens. En premier lieu, le suicide de Chris Cornell de SOUNDGARDEN en 2017. En effet, THE PRETTY RECKLESS ouvrait pour le fameux groupe de Seattle lors de sa dernière tournée, et les artistes étaient très proches du défunt chanteur. La nouvelle les a anéantis, et ils ont annulé tous les concerts qui leur restaient à assurer. Moins d’un an plus tard, leur producteur attitré, et celui grâce à qui l’aventure a pu démarrer, Kato Khandwala, décède dans un accident de moto.  

S’en suit un long passage à vide. Mais les musiciens se ressaisissent, puisant dans la création l’énergie pour sortir du tourbillon néfaste qui les engloutissait. L’écriture des chansons s’est avérée cathartique, comme un dernier adieu à leurs amis perdus, un deuil nécessaire, douloureux mais constructif. Le disque commence très fort avec le titre éponyme, un concentré de rock pur jus, un peu crade et brut, comme on les aime, soutenu par des paroles crues et réalistes : « On my tombstone when I go, just put, Death By Rock and Roll. » Si le titre suivant, "Only Love Can Save Me Now", fait penser à SOUNDGARDEN, bien heavy,  graisseux et psychédélique, rien d’étonnant à cela, puisque Kim Thayil et Matt Cameron, respectivement guitariste et batteur de SOUNDGARDEN, assurent avec brio leurs parties qu’ils ont enregistrées au London Bridge Studio de Seattle dans lequel ils n’avaient pas mis les pieds depuis l’album « Louder Than Love ». Autre invité de marque, le guitariste de génie, Tom Morello (RAGE AGAINST THE MACHINE, AUDIOSLAVE...), nous gratifie d’un solo superbe et inspiré sur "And So It Went", la chanson la plus speed et rentre-dedans de l’album. Une petite bombe à elle seule !

Quant à "25", il délivre une ambiance plus glauque et inquiétante, en forme de fausse ballade, puissante et émouvante. Taylor Momsen fait référence à l’année de ses 25 ans, année de la mort de Kato Khandwala. Et cette ambiance pesante se ressent dans les paroles : « At 25, all hope has died and the glass of my intentions turns to sand… shatters in my hand. » Ensuite, l’excellent "My Bones", qui, avec son rythme répétitif et son riff agressif, fait inconsciemment taper du pied et secouer la nuque. Doté d’un pont où le tempo s’accélère, c’est un titre très efficace, que l’on verrait bien en concert, avec le public suivant le rythme en frappant des mains (ou des pieds, en fonction des goûts de chacun). A condition que l’on puisse revivre de tels moments...

A partir de là, on peut dire que l’album est clairement divisé en deux parties. La première, bien rock et agressive, et la seconde, plus marquée par le blues et la country. Effectivement, changement de rythme, et voix plus sensuelle pour la chanteuse sur "Got So High", ainsi que la ballade "Standing At The Wall". "Witches Burn", est un mid-tempo bien lourd et efficace. Idem pour "Turning Gold", qui sent le rock sudiste, la sueur et la bière. Le disque se referme sur deux titres très country, "Rock And Roll Heaven" et "Harley Darling", qui, avec son intro à l’harmonica, aurait pu figurer sans problème dans un épisode des Sons Of Anarchy. Deux morceaux marqués une nouvelle fois par la disparition d'êtres chers, et qui laissent à l’esprit, une mélancolie et une tristesse diffuses. L’agencement des chansons fait que l’album s’achève de manière bien plus soft que la façon dont il a démarré et peut-être aurait-il été judicieux de les présenter dans un ordre différent, de manière à ne pas avoir cette sensation de cassure de rythme, et l’impression d’écouter deux EP différents ?

Malgré ce petit point, « Death By Rock And Roll » est un bien bel album, dans lequel on perçoit toute la souffrance vécue, mais aussi la flamme qui anime les musiciens. Celle qui leur a permis de poursuivre leur route, malgré les difficultés rencontrées et les nombreux obstacles à franchir. Probablement l’album de la maturité pour THE PRETTY RECKLESS, qui confirme ainsi son identité et sa légitimité dans le monde du heavy rock.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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2 commentaires

User
VICTOR BINET
le 10 févr. 2021 à 13:53
Bel article qui me conforte dans mon envie de decouvrir cet album ! "On my tombstone when I go, just put, Death By Rock and Roll"
User
Sly Escapist
le 11 févr. 2021 à 03:56
Mille mercis pour ce commentaire touchant, très cher Victor.
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