On ne va pas se mentir, la dernière promo en date était quand même vachement plus sympa.
Certes, on m’avait fait parvenir d’urgence le précédent album des FOO FIGHTERS via un lien en streaming ultra sécurisé par la maison de disques, que j’avais dû écouter en une nuit sur place sur un pauvre iPad grésillant dépourvu d’écouteur : j’étais alors en vacances à Los Angeles et une opportunité d’aller rencontrer Dave Grohl chez lui le lendemain ne pouvait certainement pas se manquer. Oh, et je connaissais la route, j’avais déjà passé une journée entière dans ses studios 606 dix ans auparavant. Vu le contexte actuel, et sachant que Dave ne donne que très peu d’interviews en personne, on peut s’auto-congratuler d’avoir au moins vécu un moment exceptionnel. Doublement exceptionnel même : car fan du groupe depuis quelques années (et même si en live il peut accuser quelques longueurs qui en atténuent l’intensité), je trouvais, et maintiens encore aujourd’hui, que « Concrete & Gold » était de facto le meilleur album des FOOs depuis une éternité – j’oserai dire depuis le second « The Colour And The Shape » en 1997. Oh, pas qu’ils aient sorti de mauvais disques entre, mais souvent leurs albums souffraient-ils de trop gros décalages entre les tubes impériaux et du matériel de remplissage de seconde main. Alors que ce « Concrete & Gold », pardon ! Parfaitement cohérent du début à la fin, un travail d’orfèvre tant sur les compos, exemplaires, que sur la production, ample et puissante à la fois.
Ce qui nous amène à ce dixième album très attendu puisque comme tant d’autres, il aurait dû sortir bien plus tôt. Alors, aussi bon, voire meilleur que son prédécesseur ? Soyons francs, l’écoute du premier single en guise de teaser ne m’avait fait strictement aucun effet. Rien. Nada. A mon plus grand dam. Même sentiment d’ailleurs que le "Shot In The Dark" d’AC/DC, qui jouait la sécurité totale, ce "Shame Shame" étant au contraire une nouvelle prise de risque, conséquente, étonnamment funk et pop à la fois.
Quand on discute musique avec Dave et son pote Taylor Hawkins, ce dernier se montre particulièrement vif dès lors que l’on évoque des monuments de la culture nord-américaine des années 70, de l’arena-rock et des radios grandes ondes, de l’AOR et du prog, et en particulier des trucs aussi cools que parfois cheesy qui passent encore sur certaines stations poussiéreuses locales, tels STEVE MILLER BAND ou FOGHAT, pour lesquels il s’enflamme littéralement. Combiné avec le fait totalement légitime de peut-être vouloir proposer du rock plus accessible encore que le hard-rock teenage pour stadiums tel qu’il le fait si généreusement depuis une bonne vingtaine d’années maintenant, Dave Grohl avait visiblement envie de se faire autant plaisir que de passer à autre chose. Et cela s’entend dès "Making A Fire" : l’habileté à écrire des morceaux immédiats est indiscutable, mais c’est clairement en direction d’une pop plus facile que les FOO FIGHTERS semblent s’engager, non sans une certaine sophistication et le recours à leur culture musicale conséquente, l’appui de choeurs soul entêtants (voire un peu JACKSON 5 !!!) étant ici de rigueur, sur un morceau qui n’aurait pas dépareillé sur « Sonic Highways », licks de guitare obligent. Alors ce fameux "Shame Shame" qui arrive juste derrière ? A force on s’y fait, mais sans grand éclat : soutenu par des cordes de violoncelle dans le fond, le single semble fonctionner comme du Bowie qui se serait invité sur les dernières Desert Sessions de Josh Homme – dernièrement toujours aussi expérimentales mais sensiblement plus ennuyeuses. De la pop funky comme si on était aussi en 1983 avec la chanson-titre "Medicine At Midnight" – et son solo de guitare bluesy façon Stevie Ray Vaughan sur l’album « Let’s Dance » – ouais, sans dec’. Sinon oui, cette sensation d’écouter de l’arena-rock FM des années 77-78 quelque part dans l’Ohio se confirme avec des brûlots comme "Cloudspotter", qui cela dit n’ont guère perdu en fougue. Et cela s’alterne avec des power-ballades en mode acoustique comme il sait si bien en composer : le genre de truc qui s’écoute aussi bien dans une Chevrolet Caprice break en route pour un week-end pêche dans les Appalaches, qu’entouré de 50 000 fans qui en beuglent le refrain approprié dans un stade bondé – propre à susciter l’excitation, surtout quand forcément ça finit par s’emballer sévère sur son final ("Waiting On A War"). Plus tendre est par contre "Chasing Birds", oh tellement Paul McCartney !!!
On ne peut pas dire que Dave Grohl ne fasse pas tout pour se réinventer : certes les morceaux up-tempo et gentiment gueulés subsistent, mais ils se parent de nouveaux arrangements plus étonnants, tel le final "Love Dies Young", funambule entre du pur FOO FIGHTERS années 2000 avec son gimmick de guitare très simpliste et entrain quasi discoïde. L’énergie est belle et bien là ("No Sone Of Mine"), plus encore sur le très accrocheur "Holding Poison" (ah cette descente de toms super toc !), à mes humbles oreilles le morceau le plus sympa de l’album, quelque part entre les derniers QUEENS OF THE STONE AGE, KISS et justement ce rock très américain de la dernière partie des années 70 qu’ils affectionnent tant – tellement à l’image du festival Cal Jam qu’ils avaient contribué à ressusciter en 2017 et 2018.
Au final, « Medicine At Midnight » n’est qu’un simple album feelgood d’à peine trente-six minutes : neuf chansons simples principalement destinées à shaker ton booty, le genre de plaisir coupable partagé, à nouveau, par son grand poto Josh Homme qui en a initié le caractère décomplexé. Oui, on peut être un géant du rock et avoir de simples envies de faire danser la planète – comme Bowie un temps, dont l’ombre moins mystérieuse plane ici en toute décontraction.
Un "remède pour passer minuit" – un bon plaisir coupable : lâchez-vous donc, de toute façon, personne n’est là pour vous observer...