21 février 2021, 18:20

SCARRED

Interview Laurent Kessel (batterie)

Blogger : Clément
par Clément


Quintet franco-luxembourgois (avec une prédominance de ces derniers !), SCARRED est actif depuis 2004 et comporte en ses rangs deux routards du circuit metal : Diogo Bastos (ex-musicien live pour SATYRICON et CARACH ANGREN, ex-ABSTRACT RAPTURE) et Vincent Wilquin (DEHUMANIZE, FRACTAL UNIVERSE). Rassurez-vous, le trio restant n’est pas en reste et maîtrise son sujet sur le bout des doigts : pas étonnant puisqu’en plus de quinze ans, le groupe a amassé une expérience qui lui donne toute latitude pour mettre en musique ses ambitions. Et c’est en compagnie de Laurent Kessel, batteur de la formation, que HARD FORCE est revenu sur l’actualité du groupe...


Premier constat avant de découvrir ce nouvel album sorti en janvier : voilà déjà plus de dix-sept ans que le groupe est actif ! C’est une belle longévité qui doit t'inspirer de nombreux souvenirs j’imagine ?
Voilà qui ne nous rajeunit pas ! Et des souvenirs il y en a bien évidemment pleins, mais s’il ne fallait en choisir qu’un, ce serait probablement le concert du Wacken Open Air en 2009. C’était la première fois que le groupe montait sur une scène de cette taille. Nous nous souvenons en particulier du trajet entre le camping et la scène : nous étions à l’arrière d’un van dans le noir complet avec notre matériel, secoués dans tous les sens pendant dix minutes, puis quand les portes se sont ouvertes, nous étions derrière la scène au milieu du backstage dans un univers que nous n'avions jamais vu auparavant. C’était assez impressionnant !

Revenons sur le nom du groupe : SCARRED, faut-il l’interpréter au sens premier par des "cicactrices" liées à vos parcours de vie ? Qu’est-ce que ce mot signifie pour vous ?
C’est effectivement un choix lié à nos parcours de vie. Quand nous avons fondé le groupe, nous étions alors des ados assez sombres et nous venions de perdre l’un de nos musiciens de la manière la plus tragique qui soit. Les textes étaient forcément très noirs à l’époque et quand le nom a été proposé, les "écorchés vifs" que nous étions se sont tout de suite reconnus en SCARRED. Cela sonne peut-être un peu mélodramatique, mais la quasi-totalité des chansons composées servent d’une manière ou d’une autre à extérioriser ces blessures. C’est de la thérapie en musique.

Une première démo en 2004, un troisième album en 2021 : quelles sont les raisons de cette  discrétion discographique ? Seriez-vous amateurs du célèbre adage : « Tout vient à point à qui sait attendre » ?
C’est clair que nous ne nous faisons pas prier ! Déjà, nous avons démarré assez jeunes et au début de notre carrière, nous n’avions pas l’expérience suffisante pour enchaîner rapidement les albums tout en nous produisant en live, ce que nous avons toujours privilégié. Ensuite, il y a eu des problèmes de timing dans le groupe : notre premier chanteur est parti juste avant d’enregistrer le premier album, puis l’un des guitaristes est parti jouer à l’étranger pendant deux ans après la sortie de « Gaia-Medea », le deuxième album. Puis, pour couronner le tout, un changement de line-up avant la production du nouvel album, des problèmes personnels... la vie quoi ! Enfin, nous sommes aussi atteints d’un perfectionnisme quasi maladif quand il s’agit d’écrire et de produire de la musique... ce qui n’arrange pas les choses, tu l'imagines !

Sept ans se sont écoulés entre « Gaia-Medea » et « Scarred ». Peux-tu nous dire ce qu’il s’est passé pour le groupe pendant ce long laps de temps ?
Après la sortie de « Gaia-Medea », Diogo, notre guitariste et compositeur principal, est parti en Norvège pendant deux ans pour jouer avec SATYRICON. Nous voulions continuer à composer en s’envoyant des pistes, mais comme toute relation à distance, c’est vite devenu compliqué. Nous avons donc seulement commencé à écrire cet album une fois qu’il était revenu. Nous avons ensuite changé de chanteur, ce qui nous a ouvert de nouveaux horizons musicaux que nous avons souhaité explorer à fond avant de commencer l’enregistrement définitif. La préproduction de l’album a duré plus de deux ans ! Nous avons réalisé une grande partie de la production nous-mêmes en enregistrant les guitares et la basse dans un home-studio, afin de ne nous imposer aucune limite de temps ou de budget. Enfin, l'album devait sortir l’année dernière, mais la pandémie en a décidé autrement...

Revenons maintenant sur « Scarred », votre dernier album en date. Quels sont les premiers retours que vous avez eu à son sujet ?
Excellents ! Nous sommes soulagés parce que forcément, après une longue absence, les gens vous attendent au tournant. Jusque-là, les retours ont été très positifs, aussi bien de la part des fans de la première heure que des gens qui viennent de nous découvrir, ça fait vraiment plaisir. Les premiers clips ont également été bien accueillis et nous avons hâte de vous faire découvrir les autres.

L'album débute véritablement sur le morceau "Mirage" qui symbolise à merveille style de SCARRED : des montagnes russes qui manient le chaud et le froid, des riffs  puissants et ciselés qui se mêlent aux ambiances planantes et éthérées, des structures rythmiques que l’on retrouve au long de l’album, notamment sur l’impressionnant "Dance of the Giants". Est-ce que l’on peut dire que c’est votre marque de fabrique ?
Je ne sais pas vraiment car les albums précédents étaient très compacts, très intenses, laissant peu de place pour respirer. Sur celui-ci, nous avons voulu créer un voyage, le même que celui que le groupe a vécu depuis la sortie du dernier album, avec des hauts et des bas, des moments intenses et des moments plus planants, des ambiances et des humeurs différentes. L’album raconte une histoire et chaque chanson en est un chapitre, et il est impossible de raconter une histoire ou un chapitre... en hurlant tout le temps la même chose !

Du haut de ses 8 minutes et ses rythmiques implacables, le neuvième titre de l’album, "A.H.I.A", est très impressionnant. Quelle en est sa genèse ?
C’est probablement la chanson la plus sombre que SCARRED ait écrite en matière de textes. Elle représente un tournant dans l’album, le moment où tu touches le fond avant de commencer à remonter la pente. La première partie de la chanson est ainsi très violente et parle de dépression. Elle continue avec des samples électroniques qui correspondent aux sons que l’on peut entendre au cours d’une cérémonie chamanique sud-américaine avant que l’ayahuasca (NDR : une préparation fournissant à ses utilisateurs des hallucinations visuelles) ne fasse son effet. A la fin, tout s’emballe, l'auditeur est aspiré dans une véritable transe avec un rouleau compresseur de graves et de double pédale qui représentent le voyage introspectif intense que déclenche une telle cérémonie, jusqu’au moment ou le chaman intervient...

Ce nouvel album dure un peu plus de 55 minutes, était-ce important pour vous de prendre le temps de développer les ambiances sur chaque morceau ? Comment le processus de composition de chaque titre s’est-il organisé ?
Les morceaux ont été composés sur une période assez longue et ont tous eu le temps d’arriver à maturité avant d’être enregistrés. Nous avons effectivement voulu jouer sur les ambiances et développer plus en profondeur certaines parties précises au lieu d'enchaîner les riffs comme nous avions tendance à le faire auparavant. Il n’y a pas vraiment  d’organisation dans tout cela, nous avons travaillé chaque lchanson avec l'inspiration du moment donné et si cela bloquait... nous passions à autre chose.

Qu’est-ce qu’a apporté l’arrivée de Vincent Wilquin en 2016 au line-up en matière d’écriture et de vision musicale pour SCARRED ? J’imagine qu’un musicien aussi expérimenté apprécie d’apporter sa patte à l’ensemble ?
Vincent donne son avis et ses idées sont excellentes, mais il laisse l’écriture des morceaux à Diogo. Il compose déjà pour son autre groupe, FRACTAL UNIVERSE, qui est une véritable tuerie et au vu du rythme sur lequel ils enchaînent les albums, il est normal qu’il se concentre avant tout là-dessus.

Evoquons maintenant l’artwork futuriste de « Scarred », celui-ci représente à  merveille les sensations éprouvées à l’écoute de l’album, cette impression de planer quelque part entre le sol et les limites terrestres. Que souhaitez-vous faire passer comme émotions à travers celui-ci ?
L’artwork a été réalisé par notre ami Drazen Medakovic, qui avait déjà œuvré sur la pochette de « Gaia-Medea ». Il a vraiment tapé dans le mille ! Les couleurs et le côté un peu PINK FLOYD de la pochette renvoient vers les sonorités progressives et psychédéliques de l’album. Le personnage symbolise la transformation qui en est le thème central : il se prend la tête entre les mains et se purge de ses démons en vomissant des arcs-en-ciel : ce qui résume également assez bien la production de cet album ! Drazen a tout synthétisé en une image et cela du premier coup ! C’est une pochette à la fois intrigante, décalée pour un groupe de metal, triste, chaleureuse, douce et intense… comme l’album. Les émotions qu'elle peut susciter dépendent aussi de celui qui la regarde et de ce qu'il veut y voir d'ailleurs...

Revenons sur la production, celle-ci est claire et puissante, mais laisse également de la place aux nuances et détails. Comment s’est déroulé l’enregistrement de l’album ?
Nous avons enregistré la batterie et le chant chez Patrick Damiani au Tidalwave Studio à Karlsruhe, en Allemagne. Patrick est un ami de longue date, il s’était occupé de notre premier album. Il a plus de vingt ans d'expérience dans le métier, c’est un excellent producteur et musicien. Il est toujours de bonne humeur et a une patience incroyable, ce qui est indispensable pour travailler avec des perfectionnistes (pour ne pas dire maniaques) comme nous ! Les guitares et la basse ont été enregistrées par nos propres soins dans des home studios où nous nous sommes relayés derrière la console. Cela a été plus compliqué que prévu et nous y avons passé des jours entiers pour arriver exactement au résultat que l'on souhaitait, à savoir un son puissant mais quand même organique. Une fois cela terminé, Patrick s'est chargé du mixage et le mastering a été réalisé par Robin Schmidt (24-96 Mastering, Karlsruhe). Au bout du compte, nous n'avons jamais travaillé aussi dur et aussi longtemps sur un album !

Il est bien évidemment compliqué de se projeter sur 2021 en raison du contexte sanitaire, mais que nous réservez-vous pour cette nouvelle année ?
Il y a plusieurs choses sur le feu mais rien n’est confirmé question concert. Mais nous ne restons pas inactifs ! Nous avons profité de cette pause pour filmer quasiment un clip pour chaque morceau du nouvel album et nous préparons aussi un nouveau format de show live avec un son et lumières comme nous en avons jamais fait auparavant. Nous allons filmer certaines performances live en collaboration avec des acteurs locaux de la scène musicale et nous avons commencé à travailler sur le prochain album… Ironiquement, nous sommes plus productifs que jamais en ce moment, même si nous préférerions dépenser cette énergie sur scène et la partager avec le public.

Encore merci pour votre disponibilité, le mot de la fin pour les lecteurs de HARD  FORCE vous revient…
Merci pour cette interview, Clément, c’était marrant de se replonger dans de vieux souvenirs. Aux lecteurs de HARD FORCE : nous savons que ca vous démange autant que nous de vous retrouver dans une salle de concert pour partager la musique, mais n’oubliez pas que cette situation ne durera pas éternellement. Profitez de ce temps pour vous recentrer sur ce qui est important dans vos vies, écoutez un maximum de musique et dites-vous que plus l'attente sera longue... plus la récompense sera belle !


Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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