16 avril 2021, 10:00

GRETA VAN FLEET

"The Battle At Garden's Gate"

Album : The Battle at Garden's Gate

Nos oreilles ont été façonnées au fil des dernières décennies.
Musique quantifiée, auto-tune, production, mixage et masterings totalement repensés en fonction des formats, des supports, des modes d'écoute : quasiment plus rien ne sort d'un studio aujourd'hui sans avoir été normalisé et surproduit à l'extrême.
Le groupe GRETA VAN FLEET a beau faire partie de la génération à avoir grandi dans ces années 2000, il vient miraculeusement nous rappeler combien la musique était autrefois d'abord conçue par des gens, pour des gens, et pas par des machines.

Le deuxième album studio du groupe, « The Battle At Garden’s Gate » est un retour aux sources fondamentales, à une musique d'hier qui a posé les bases de toutes celles d'aujourd'hui. On pourra dire ce que l'on veut, bien qu'ils soient âgés de 21 à 24 ans, les musiciens de GRETA VAN FLEET font renaître dans un cycle inespéré cet héritage et ramènent un peu de romance, de puissance et de passion, en racontant des histoires en chansons et en inscrivant, contre toute attente, leur carrière sur le temps long. Présentés à leurs débuts comme des ersatz de LED ZEPPELIN, adorés par certains, observés comme des phénomènes de foire par d'autres, je mentirais si je vous disais qu'ils se sont totalement débarrassés de ce lourd patrimoine.
Mais le groupe ne copie bêtement pas ses anciens ; il s'en inspire et les adapte à sa sensibilité. Comme AIRBOURNE avec AC/DC ou OASIS en son temps avec les BEATLES.

En trois ans, ils sont passés des bars de rock crasseux à des concerts en tête d'affiche sur les cinq continents avec un public triplant la population de leur ville natale.
GRETA VAN FLEET ne triche pas : cette ambiance musicale a bercé l'enfance de ses membres, c'est une histoire vécue, pas du storytelling marketing.
Le constat est là, indiscutable.
On peut donc passer à d'autres considérations.

« The Battle At Garden’s Gate » est un voyage dans plusieurs dimensions, illustré par la musique et les textes que les frères Kiszka et leur ami Danny Wagner à la batterie prennent plaisir à construire et interpréter. Produit par Greg Kurstin, « The Battle At Garden’s Gate » possède une élégance qui l'élève bien au-dessus du premier album.
Alors, oui, Josh pousse sa voix parfois jusqu'au point de rupture, mais c'est ce qui confère au disque ce côté sauvage dans l'accompagnement des parties tout aussi hargneuses de la guitare de Jake, véritable virtuose. Les riffs, les notes sont d'une justesse et d'une maturité assez désarmantes de la part de musiciens encore très jeunes. C'est sans aucun doute l'expérience intensive de la scène qui leur a permis de créer et de faire s'envoler des chansons comme le single ''The Heat Above''.

Pour autant, « The Battle At Garden’s Gate » est moins brut qu'auparavant : il est beaucoup plus élaboré dans l'orchestration et ses ambiances musicales sont parfois très cinématographiques, comme sur ''Broken Bells'' ou encore le monumental ''Age Of Machine'' dont les break instrumentaux trouveraient une belle place dans la bande son d'un épisode de ''Peaky Blinders''. Le refrain de ''My Way, Soon'' est obsédant, tandis que l'introduction de ''Built by Nations'' ramène au bon souvenir de ''Whole Lotta Love'' suivie de quelques notes qui vous feront brièvement penser à ''Hedonism'' de SKUNK ANANSIE... oui, les références sont osées, j'avoue. L'album possède sa propre forme de complexité, les structures des chansons sont sinueuses, intelligentes et surprenantes, répondant souvent aux codes des groupes qui aiment l'improvisation. Ce n’est pas un disque à la lecture simpliste, car au fur et à mesure de son écoute, les titres prennent de l'ampleur. ''Tears of Rain'' est une ballade au piano qui vous emportera agréablement sur le territoire des WINGS et Paul McCartney. La seconde moitié de l'album débute avec ''Stardust Chords'', une chanson merveilleusement colorée par une guitare expansive et une belle orchestration. On discerne même un petit soupçon doux de blues sur ''Light My Love'', une autre ballade légère et plutôt courte : une chanson qui montre la valeur des respirations dans une composition.
La dernière, ''The Weight Of Dreams'', présente enfin ce que ces quatre musiciens peuvent faire en presque 9 minutes, lorsqu'ils laissent libre cours à leur inspiration.

« The Battle At Garden’s Gate » dévoile un inestimable sentiment de liberté et d'espoir : ce sont les valeurs artistiques fondamentales de GRETA VAN FLEET qui s'imposent avec les années, même s'il est toujours aussi déroutant de voir la génération Z jouer les hippies et s'inspirer des troubadours d'il y a 50 ans.
L'âme de leur projet, la finalité, c'est la performance. Ils ont compris que de leur sincérité sur scène dépendrait leur longévité. On peut être très critique et exigeant vis à vis de jeunes musiciens qui puisent sans complexe à la source du rock, mais avec ce disque, GRETA VAN FLEET prépare son avenir et trace sa route sans sourciller, indifférent aux opinions.
GRETA a le vent... en poupe : il est grand temps de larguer les amarres.

Blogger : Christophe Droit
Au sujet de l'auteur
Christophe Droit
Animateur radio chevronné de la région toulousaine, fidèle partenaire de HARD FORCE depuis toujours, Christophe, alias "Godzilla", a participé à l'élaboration du projet Radio Force (CD & Musique) encarté dans le magazine jusqu'en 2000. Depuis 2008, il supervise l'équipe et l'actualité dans HARD FORCE et sur Facebook et anime de très nombreuses émissions sur HEAVY1, notamment NOISEWEEK tous les vendredis soirs, consacrée à l'actualité discographique de la semaine.
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