25 mai 2021, 18:03

SATYRICON

Interview Frost

Quand une pointure de la scène musicale nous fait l’honneur de répondre aux interrogations que l'on pourrait avoir à son sujet ou celui de sa carrière, ce n’est que pur plaisir de partager un entretien avec les musiciens. Frost, batteur charismatique de SATYRICON, s’est prêté avec gentillesse au jeu des questions/réponses à propos de la réédition des deux premiers albums emblématiques du groupe : « Dark Medieval Times » et « The Shadowthrone ». Entre partage de souvenirs et explications intéressantes, découvrez une interview sincère et enrichissante.
 

Bonjour Frost, dans un premier temps, on aimerait savoir comment ça va pour toi et comment tu vis la situation actuelle ?
Frost : Ça va. C’est un peu difficile car nous n’avons pas le droit de faire des concerts, mais je crois que je n’ai pas à me plaindre. En Norvège, la situation semble être sous contrôle et je crois que chez vous, c’est pire. Mais j’ai bon espoir que bientôt, nous sortirons de tout ça et que la situation redeviendra normale.

Avant de parler de la réédition de vos deux premiers albums « Dark Medieval Times » et « The Shadowthrone », revenons un peu sur le dernier en date de SATYRICON, « Deep Calleth Upon Deep ». Comment a-t-il été accueilli et en es-tu toujours aussi fier, quatre ans après ?
On a eu vraiment un très bon accueil pour cet album. Je ne suis pas le genre de mec qui lit les magazines et je ne passe pas trop de temps sur Internet à lire les chroniques ou les commentaires, mais on a pu jouer cet album en live dans pas mal d’endroits et je dois dire qu’on n’a jamais eu un tel accueil chaleureux auparavant. Dès que l’on joue un titre de « Deep Calleth Upon Deep », on reçoit tout de suite une réponse positive du public, et c’est génial. Il n’y a rien de plus gratifiant pour nous que de voir nos fans contents. Et donc oui, nous sommes très fiers de cet album. On n’essaye par contre de ne pas prendre la grosse tête. On a mis toutes nos tripes à l’écriture de cet album, alors on est contents de l’engouement du public. C’est un album génial mais qui l’est encore plus à jouer en live. On en aime tous les aspects.

J’ai vu que l’album avait été enregistré au Oslo Klang, un endroit qui a 500 ans. Peux-tu nous en dire plus sur ce lieu historique ?
En fait, il a été enregistré à plusieurs endroits mais le Oslo Klang reste un endroit où nous avons confiance en l’ingénieur du son, qui en plus est un bon ami à nous.

Est-ce que cela a permis de donner cette couleur, ce son spécial à l’album ?
Oui, je pense que les murs de bois épais donnent un côté chaleureux à la musique.
 

"Au début des années 90, notre seule ambition était d’enregistrer des albums en studio et les sortir. C’est ce qui s’est passé, alors on était heureux." - Frost
 

Parlons maintenant des versions remasterisées de « Dark Medieval Times » et « The Shadowthrone » à paraître le 28 mai. Ils étaient chez les disquaires respectivement en 1993 et 1994 et seulement 8 mois ont séparé leur sortie. Pourquoi aviez-vous décidé d’attendre si peu de temps entre les deux albums ?
Il y a plusieurs raisons à cela, mais la plus importante est que les choses sont allées très vite. Nous étions très enthousiastes à l’idée d’enregistrer notre tout premier album, « Dark Medieval Times ». Et en plus, il a eu un très bon accueil. Notre label de l’époque, Moonfog Productions, était très content de nous et nous a attribué un budget supplémentaire pour un deuxième album. Satyr et moi n’avons juste pas pu attendre plus longtemps avant de sortir « The Shadowthrone », on était trop impatients. On avait juste envie de voir ce que nous pouvions faire avec un budget plus conséquent et une meilleure production. On a aussi beaucoup progressé sur nos instruments. On a vraiment senti le potentiel du groupe et on s’est senti pousser des ailes. On ne voyait aucune raison d’attendre davantage pour sortir notre deuxième album. Satyr écrivait des textes et de la musique à un rythme effréné et on répétait beaucoup. On est donc entrés en studio peu de temps après la sortie de « Dark Medieval Times ». On avait vraiment envie de montrer ce dont on était capables. On était jeunes à l’époque, aujourd’hui, cela nous paraîtrait surréaliste. Aujourd’hui, tu ne peux quasiment rien faire en 8 mois, mais à l’époque, c’était différent.

Tu imaginais avoir autant de succès avec ces deux albums ?
Non, on s’est vite rendu compte que les gens aimaient ce que nous faisions. Et on a vu que « Dark Medieval Times » avait un impact sur la scène black metal de l’époque. On s’est rendu compte que nous aurions donc sûrement pas mal d’opportunités à venir. Mais au début des années 90, notre seule ambition était d’enregistrer des albums en studio et les sortir. C’est ce qui s’est passé, alors on était heureux. On voulait juste pouvoir entrer dans un studio professionnel et faire les choses plus proprement. Mais au fur et à mesure des albums, nous sommes allés au-delà de nos espérances.

Et ce n’est pas trop dur de faire face au monde de la musique et de ses exigences quand tu as seulement 19 ou 20 ans ?
Eh bien il faut apprendre vite et apprendre beaucoup car bien sûr, on a fait face à beaucoup de difficultés. Tu rencontres des gens qui ne veulent pas forcément ton succès. Tu es toujours en train de négocier avec tout un tas de personnes et il y a énormément de travail à faire pour entrer dans l’industrie musicale. Mais on était prêts à mettre notre âme au service de notre musique. On passait tout notre temps en studio, cela demande des concessions sur d’autres choses, mais on n’a rien sans rien et en fin de compte, nous sommes arrivés à nos fins. On a aussi pu compter sur des gens dans le business en qui on avait confiance et qui nous ont bien guidés.
 

"Satyr s’est toujours occupé de la production de nos albums. C’est une partie importante de la réalisation d’un disque qu’il a envie de maîtriser. Il a du talent pour ça et s’y intéresse vraiment." - Frost
 

Et comment vous est venue l’idée de remasteriser ces deux albums alors ?
On savait depuis longtemps qu’il fallait le faire car ils n’ont pas été édités depuis longtemps et on a été approchés par des amis, des collègues et des fans qui nous ont demandé pourquoi ils ne pouvaient plus trouver ces albums dans les bacs alors qu’ils aimeraient se les procurer. On peut les trouver, mais sur eBay, par exemple et ça coûte une blinde. On s’est dit qu’il fallait remédier à la situation, mais comme Moonfog Productions n’existe plus, il fallait trouver un label qui prenne en charge la réédition des albums. Cela prend du temps et quand on a enfin trouvé un contrat, on s’est dit que quitte à ressortir « Dark Medieval Times » et « The Shadowthrone », autant leur apporter quelques améliorations – sans toutefois bafouer l’esprit de l’époque. Satyr a voulu les remasteriser, mais aussi refaire une pochette car on n’était pas pleinement satisfaits de ce qui avait été réalisé à l’époque. Les deux albums sont donc à nouveau presque disponibles, très fidèles à ce qu’ils étaient à l’époque avec, en plus, un meilleur son et une superbe pochette. Ceux qui ont les versions originelles devront aimer ces versions remasterisées. Ceux qui ne les connaissent pas pourront se plonger dans l’essence même de SATYRICON.

Les pochettes dont tu parles ont été réalisées par Theodor Kittelsen pour « Dark Medieval Times » et Harald Sohlberg pour « The Shadowthrone » Ce sont deux artistes du XIXe siècle. Que représentent-ils pour vous ? Est-ce que cette période revêt une importance particulière à vos yeux ?
En ce qui concerne la peinture de Kittelsen, c’est vraiment quelque chose à laquelle tenait Satyr depuis très longtemps. Il avait déjà choisi cette pochette pour « Dark Medieval Times » à l’époque de sa sortie en 1993. Mais à l’époque, il était important que nous ayons une pochette d’album propre à SATYRICON et à « Dark Medieval Times ». Donc on en a fait dessiner une spécialement pour l’occasion. La peinture de Kittelsen, elle, figure quand même dans le livret et sur le vinyle. Mais maintenant, elle est sur le devant de l’album. La pochette de l’époque n’était pas assez représentative de l’album : trop théâtrale, pas assez sombre. Elle convenait, mais nous n’en étions pas totalement convaincus. Satyr a toujours pensé que la peinture de Kittelsen était la véritable pochette de l’album. Il a donc pu rectifier le tir avec la réédition de l’album. Pour « The Shadowthrone », la situation est un peu similaire. Satyr avait une idée précise de ce qu’il voulait comme pochette : quelque chose de sombre et calme, moins agressif et violent que la pochette d’origine. A l’époque, il a trouvé que l’artwork de « The Shadowthrone » n’allait pas au bout des choses, était trop vague. Quand il a découvert l’œuvre de Sohlberg, il a tout de suite su qu’il voulait l’utiliser. Elle n’est pas très connue, même si l’artiste l’est en Norvège. C’est une image qui convient parfaitement à l’album, tant au niveau des couleurs que de l’ambiance ou du symbolisme. Elle est juste parfaite et Satyr a été soulagé de trouver quelque chose qui convenait parfaitement à « The Shadowthrone ». Nous n’avons bien sûr rien contre la pochette originelle, mais on trouve celle-ci beaucoup plus représentative de l’album.

Satyr a voulu à nouveau s’occuper de la production de l’album. Tu penses que quelqu’un d’extérieur n’aurait pas su réinterpréter le son originel ?
Satyr s’est toujours occupé de la production de nos albums. C’est une partie importante de la réalisation d’un disque qu’il a envie de maîtriser. Il a du talent pour ça et s’y intéresse vraiment, donc il était évident pour nous qu’il serait celui qui ferait le meilleur boulot pour ces deux albums. Il est inconcevable pour nous de ne pas mettre le mastering ou la production entre les mains de Satyr. Le son de SATYRICON est quelque chose de particulier que lui seul peut retranscrire. Sa présence est nécessaire à notre son.

Vous n’avez jamais pensé inclure des titres bonus, des démos de l’époque par exemple sur l’une ou l’autre des rééditions ?
On aurait pu mais l’idée principale était de rendre ces albums à nouveau disponibles. Et puis chaque album se suffit à lui-même, les morceaux vont bien ensemble et en rajouter dénaturerait le tout. On avait des titres en plus quand nous avons sorti les albums, mais si nous ne les avons pas inclus à l’époque, c’est qu’ils n’allaient pas avec le reste des chansons. Cela n’aurait donc pas de sens de les ajouter aujourd’hui. Cela ne rendrait pas l’album meilleur.

Est-ce que tu te souviens avoir fait des concerts pour ces albums à l’époque ? 
Non, car on n’avait pas d’autres musiciens pour nous accompagner à part Samoth, mais il aurait fallu que l’on soit au moins quatre pour faire des concerts. Et puis le plus important pour nous était d’enregistrer des albums. On a commencé à tourner en 1995-1996 pour « Nemesis Divina ». On n’a pas vraiment eu d’opportunité avant.
 


Est-ce qu’on pourrait imaginer une tournée maintenant, enfin dans les mois à venir, où vous joueriez ces deux albums en entier ?
Quand les choses reviendront à la normale, ce pourrait être quelque chose que nous envisagerions. Mais pour le moment, on n’en a pas parlé. On l’a fait pour « Nemesis Divina », on a joué aussi une fois « Extravaganza » pour son dixième anniversaire. Je ne sais d’ailleurs pas si « Dark Medieval Times » et « The Shadowthrone » se prêtent vraiment au live. Nous verrons, mais ce n’est pour l’instant pas quelque chose dont nous discutons.

Et est-ce que vous pensez remasteriser « The Forest Is My Throne » également ?
Non, je ne pense pas. Une démo est une démo. Elle a ce son particulier que l’on ne pourrait pas retranscrire. Si elle sonne bien, tant mieux, ce n’est que du bonus. Sinon, tant pis mais on ne peut pas toucher à ce son brut.

Une dernière question, tu es celui qui a créé le célèbre logo de SATYRICON. Tu te souviens ce qui a inspiré cette magnifique œuvre maléfique ?
J’ai réalisé ce logo en plusieurs étapes. Au début, Satyr avait demandé à un de ses amis qui étudiait le graphisme de réaliser le logo. Il a dessiné quelque chose qui ressemble un peu à ce qu’est devenu le logo de SATYRICON par la suite. Quand je l’ai vu, j’en ai fait ma propre version pour la démo « The Forest Is My Throne ». J’ai essayé d’y apporter des améliorations, mais surtout de le rendre plus personnel. Puis je l’ai encore amélioré pour le troisième album ; J’ai aussi réalisé la calligraphie pour le titre de « The Shadowthrone ». J’ai fait le cadre de « Dark Medieval Times ». J’ai eu vraiment envie de faire quelque chose de personnel pour rendre l’album encore plus représentatif de ce qu’est SATYRICON.
 

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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