27 mai 2021, 19:30

SETH

Interview Heimoth & Saint Vincent

Le groupe mythique de black metal français SETH vient de sortir un album, que dis-je, une œuvre d'art du nom de « La Morsure du Christ », qui non seulement fait le lien avec l'icône qu'est devenu « Les Blessures de L'Âme » mais présente aussi un SETH au plus fort de sa puissance et de son inspiration. Heimoth, guitariste du groupe et Saint Vincent, le chanteur, ont bien voulu répondre à nos questions. Voici donc une interview riche et intéressante, entre passé, présent et futur.
 

« La Morsure du Christ » est sorti il y a quelques semaines maintenant. Il semble qu'il a été super bien accueilli. Quel est votre ressenti ?
Heimoth : C'est une très bonne surprise. On espérait avoir de bons retours mais là cela va au-delà de nos espérances, surtout pour un groupe de black metal et c'est tant mieux.
Saint Vincent : Tout à fait ! J'ai toujours pensé que la suite des « Blessures de L'âme » allait plaire aux fans mais là on est dépassé par les retours et l'enthousiasme.

Vous devez être fiers donc ?
Saint Vincent : Très fiers ! Cet album a demandé beaucoup de travail et un grand investissement de la part de tout le groupe. Il est le fruit d'une vision très claire que l'on avait et que l'on a concrétisée. On est très heureux qu'elle plaise.

Vous avez tous collaboré à l'écriture de l'album ?
Heimoth : A peu près. Je fais toutes les compositions musicales et les lignes de guitare et ensuite on a vu ensemble pour les lignes de synthé avec Pierre Le Pape. Une fois la musique terminée, on a pu passer aux lyrics et ensuite, on a commencé à répéter avec Alsvid le batteur à Bordeaux. On est tous un peu éparpillés donc il y a pas mal de logistique à voir. On a aussi essayer de répéter beaucoup ensemble et donner un réel élan à cet album mais si on est à distance.
Saint Vincent : Pour ce qui est de l'enregistrement, il nous a été difficile d'être tous ensemble car d'une part, nous ne vivons pas aux mêmes endroits et en plus en tant de COVID, autant te dire qu'il n'était pas facile de se voir. Donc j'ai enregistré le chant et Heimoth est venu avec moi. Les autres ont enregistré chacun dans leur coin. Esx Vnr et Drakhian ont enregistré ensemble la guitare et la basse dans le même studio, la batterie a été enregistrée par Alsvid à Paris et Pierre Le Pape est parti s'enregistrer à Troyes. Il est notre sixième membre officiel maintenant alors à 6, la logistique est encore plus complexe !

D'ailleurs comment avez-vous recruté vos nouveaux membres, nouveaux si on peut dire car ils sont déjà connus dans le milieu ?
Heimoth : Saint Vincent officie déjà dans SETH depuis la tournée avec PESTILENCE en 2014-2015. Il a donc eu le temps de s'établir dans le groupe. En ce qui concerne Drakhian et Pierre Le Pape, on les a recruté au moment de la célébration des 20 ans du premier album. C'est là où le tournant du groupe s'est effectué. A la veille des concerts hommages aux « Blessures de L’âme » où on a tourné au Canada, en Belgique et en France, on s'est familiarisé avec ces nouveaux membres et ils ont très largement participé à l'élan qui s'est créé pour relancer l'esprit de scène d'antan.
Saint Vincent : Le fait qu'on se soit remis dans l'esprit des « Blessures » a créé une grosse connexion entre nous et le désir de donner une suite à l'album.
Heimoth : Oui, en fait, on se connaît tous d'avant. Moi j'avais déjà travaillé avec Drakhian sur LOUDBLAST, on connaissait très très bien Pierre Le Pape aussi, il a toujours été fan de SETH. On savait donc qu'ils allaient porter le groupe de la meilleure des façons.


Parlons un peu de l'album : quelle a été l'idée de base pour « La Morsure du Christ » ? Quelle en est l'origine ?
Saint Vincent : Personnellement, j'ai toujours considéré qu'il fallait donner une suite aux « Blessures de L'Âme », même quand je ne faisais pas partie du groupe. Et quand on a fêté les 20 ans de l'album, on s'est tous remis dans l'esprit de l'époque alors qu'on s'était tous éparpillés entre temps sur d'autres styles que le black metal. C'est donc presque naturellement qu'on a eu envie de redonner vie à cet esprit, de le moderniser et de se le réapproprier. A partir de là, l'idée était lancée et Heimoth a commencé à composer les premiers morceaux. On a tout de suite vu que tout le monde était enthousiaste.

Au-delà de ça, est-ce que l'esthétique a autant d'importance que la musique en elle-même dans vos albums et dans celui-là en particulier ? Il semble que l'univers que vous mettez en scène et l'atmosphère véhiculée sont primordiaux non ?
Saint Vincent : Tout à fait et je suis très content que tu l'aies remarqué. On joue du black metal donc oui l'esthétique a une grande importance, autant que la musique et les paroles. On ne fait pas que de la musique, on livre un univers. Le visuel et le message sont très liés et c'est aussi ce qu'on essaye de traduire sur scène. On apporte donc un soin particulier aux photos, à la pochette, au travail graphique . Tout est pris très au sérieux et il n'y a pas de hasard. L'univers est une prolongation de la musique.

Cela permet aussi aux auditeurs de rentrer dans l'atmosphère de l'album rien qu'en regardant la pochette...
Heimoth : Oui, c'est vrai qu'en février quand on a dévoilé le visuel, on a déjà eu un bon retour de la part des fans. C'est sûr que la pochette qui été faite par Leoncio Harmr a clairement marqué les esprits dès le mois de février.
Saint Vincent : Quand on a vu la pochette, on a été scotché. C'était au-delà de nos espérances. On avait choisi Leoncio car on avait vu ce qu'il faisait et qu'on a adoré. Personnellement, j'avais au départ pensé à Jean-Pascal Fournier que je connais depuis longtemps mais il a eu des soucis et je n'ai pas pu lui demander de faire la pochette. Mais quand Leoncio a livré le premier jet, on a vraiment été sidéré par la qualité de son travail.

Pourquoi cette idée de l'incendie de la cathédrale de Notre-Dame ? Ca a été un fait marquant pour vous, un événement symbolique ?
Saint Vincent : Il y a eu trois motivations. La première est un retour aux racines donc on reprend l'iconographie des années 90 du black metal et un des points marquants, ce sont les églises qui brûlent. Deuxièmement, Notre-Dame est un symbole national et cela fait un lien avec le fait que l'on utilise des paroles en français. Et le point le plus important, c'est que cet événement a d'une part été marquant au niveau mondial mais aussi a eu un impact historique et politique à comparer à la chute des tours jumelles en 2001. Il y a un changement de paradigme en marche, illustré par l'incendie de Notre-Dame. On a grandit, en Europe, avec une religion ,le catholicisme, qui avait déjà commencé à perdre de la résonance. Ce déclin mène à une fin et l'incendie de Notre-Dame c'est un peu pour nous comme le certificat de décès de la religion. Elle n'a pas disparu mais je pense qu'on est passé à une nouvelle ère et que la religion n'est plus que l'ombre d'elle-même. Son essence même a disparu et cet incendie illustre parfaitement cette idée.

Vous avez une idée d'ailleurs de l'impact de l'album dans les autres pays, au moins européens ?
Heimoth : Pour l'instant, on n'en sait trop rien même si pour l'instant les retours sont très bons, notamment en Amérique Latine, en Angleterre et en Allemagne. Mais très clairement, c'est un album qui nous permet d'avoir une bien meilleure assise à l'étranger.
Saint Vincent : Paradoxalement, faire le pari des paroles en français a démontré que cela décuple l'intérêt des gens. Ils sont surpris et s'en montrent friands.

Cela apporte de l'authenticité aussi...
Heimoth : Oui, bien sûr. Mais le français permet aux gens de vraiment essayer de comprendre ce que l'on raconte. Je pense qu'on a toute la légitimité de continuer à faire ce que l'on avait commencé en 1998 à ce niveau-là. Le mouvement metal et gothique a toujours emprunté à l'imagerie romantique du XIXe siècle liée à littérature, qui était anglo-saxonne et française.

On parlait des « Blessures de l'Âme » : il y a un titre sur « La Morsure du Christ » qui s'appelle "Hymne au Vampire (Acte III )" . Est-ce qu'il fait le lien entre ce que vous étiez au tout début et le SETH actuel ?
Saint Vincent : C'est bien sûr le lien le plus évident car c'est une référence directe au premier album. Et dans les paroles, j'ai vraiment voulu explorer ce lien. C'est le retour du vampire 20 ans après avec l'évocation de la vieillesse, la solitude. Il y a vraiment une continuité entre les deux morceaux et albums du coup. Il s'est écoulé 20 ans ou une éternité, dans les ruines de Notre-Dame. C'est le retour des black metalleux qu'on a été, qu'on a rêvé d'être mais avec l'expérience des années.

Et c'est pas trop compliqué justement pour toi de faire le lien avec une période où tu n'étais pas présent dans le groupe ?
Saint Vincent : J'ai vécu ça de l'extérieur car à l'époque personne n'est passé à côté de l'album de SETH. C'était un album love or hate : il y eu plein de fans mais aussi plein de gens qui l'ont détesté mais en tous cas, il n'a laissé personne indifférent. J'ai dû pas mal travaillé mais je me suis approprié les paroles en chantant sur les dates anniversaire des « Blessures de L'Âme » et j'ai bien aimé relever le défi. C'était très stimulant.

Une question personnelle... une des chansons que je trouve exceptionnelles de l'album est "Sacrifice de Sang". Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ce titre qui est vraiment particulier et que je trouve révélateur de ce que SETH est maintenant ?
Heimoth : Je suis très heureux que tu dises ça car ce titre est aussi un des mes préférés, d'autant plus qu'il revient de plus en plus dans les discussions. Je n'en suis pas si étonné. Évidemment, au début, les gens accrochent sur les titres plus simples d'écoute comme "Metal Noir" ou "La Morsure Du Christ". Mais je comprends les nouveaux avis qui disent qu'ils préfèrent "Sacrifice De Sang" car c'est pour moi un titre phare, même s'il est moins facile à digérer.
Saint Vincent : J'ai l'impression pour ma part que les avis divergent sur ce titre mais je prends ça comme un compliment et comme un gage de qualité. Si on parle des paroles, c'est vraiment une allégorie sur les rites sacrificiels accordant la puissance. C'est un vision de cet univers ritualisé.
Heimoth : Je pense que ce qui plaît sur cette chanson aussi est qu'elle sonne particulièrement théâtrale, très tragique. Cela permet une ouverture vers d'autres horizons.
Saint Vincent : Elle peut aussi être une prolongation de la pochette car finalement le sacrifice de sang, c'est aussi la destruction de Notre-Dame qui amène le pouvoir à cette nouvelle ère.

« Les Blessures de L'Âme » fait encore partie du fleuron du black metal français. Est-ce que les gens font encore référence à cet album quand ils parlent de SETH ou est-ce qu'ils arrivent à prendre de la distance et acceptent volontiers le SETH d'aujourd'hui ?
Heimoth : Je pense que les gens se sont habitués au fait que SETH rentre dans une espèce de continuité artistique. Je me souviens que le deuxième album en a étonné plus d'un mais finalement les gens l'ont accepté. Donc si « Les Blessures de L'Âme » reste une référence, les autres albums n'ont pas été oubliés. Par contre, officiellement, il prend de la place aujourd'hui car « Le Morsure Du Christ » en est la suite.
Saint Vincent : Season Of Mist a réédité l'album il y a quelques temps avec pour pochette un ouroboros, le serpent qui se mord la queue. Quelle belle prophétie pour le nouvel album ! La boucle est bouclée !

D'ailleurs cette collaboration historique avec Season Of Mist, c'est quelque chose qui vous tient à cœur ?
Heimoth : Comme pour cet album, on voulait revenir sur un moment historique du groupe, ça tombait sous le sens de rester chez Season Of Mist. Avant de revenir chez eux en 2013, on est passé chez des labels très solides comme Osmose ou Avantgarde mais cela nous paraissait logique de rester chez SoM.

C'était important de sortir l'album sous différents formats ?
Heimoth : Oui, en plus on est suivi par Les Acteurs de L'Ombre qui ont sorti le live des « Blessures de l'Âme » ; Même si c'est Season Of Mist qui a produit « La Morsure du Christ », ils ont souhaité participer pour sortir l'album sous format cassette dans une superbe boîte dans laquelle il y a aussi des pins et des patchs. Season ont sorti leur propre boîte avec différents articles. On ne peut que s'en réjouir car tous les objets sont d'une qualité exceptionnelle.
Saint Vincent : C'est une grande réussite et c'est important à notre époque d'autant plus qu'avant l'arrivée du mp3 et d'internet, le black metal était soumis au culte de l'objet qui participe au lien charnel avec la musique. On a voulu faire perdurer cet esprit avec des objets authentiques et de grande qualité. L'émotion est capturée dans l'objet. On est possédé par la musique et on possède l'objet, c'est un échange de bons procédés !
Heimoth : En plus, ces objets sont en quantité limitée donc ça permet de fixer le moment aussi.

Vous avez déjà prévu de futurs concerts ?
Saint Vincent : oui, on a prévu du lourd scéniquement. On est toujours soumis aux aléas sanitaires mais on a l'anniversaire de Metallian en novembre à Grenoble, on a un concert en Suisse, le Hellfest l'année prochaine, un concert en Finlande...Et on imagine faire une tournée dès que possible.

Je vous laisse terminer avec quelques mots pour nos lecteurs en vous remerciant chaleureusement pour cet entretien très intéressant !
Heimoth : Je suis très content d'avoir pu partager avec HARD FORCE que j'achetais tout le temps et qui pour moi, reste une référence, même sous une forme différente. Cela fait vraiment le lien avec l'époque.
Saint Vincent : Pareil pour moi. Encore une fois, la boucle est bouclée et on viendra tout brûler sur scène : soyez prêts !

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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