31 mai 2021, 18:40

MOLYBARON

Interview Gary Kelly

Quelques jours après la sortie de son second album, « The Mutiny », nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec le leader de MOLYBARON, Gray Kelly, compositeur, chanteur et guitariste du groupe franco-irlandais, et lorsque Gary se lance, il est intarissable. Morceaux choisis de ce long entretien avec un musicien sympathique en diable et très en forme, malgré sa très courte nuit...


Salut Gary, comment vas-tu, en particulier depuis le début de cette pandémie ?
Je vais bien, juste un peu déçu d’avoir dû annuler des concerts, comme tous les autres groupes, d’ailleurs. Nous avions prévu de sortir l’album l’an dernier afin de pouvoir le présenter sur scène par la suite. Mais nous avons dû laisser tomber cette idée, et nous avons donc sorti des singles à la place, de manière à continuer d’attiser le feu et conserver l’attention des fans. Donc oui, ça a été une année assez difficile, pour tout le monde, mais en particulier ceux qui sont dans la musique. C’est marrant mais durant toute cette année écoulée, alors que j’avais beaucoup de temps, j’ai surtout continué de travailler pour mon job officiel (NDJ : Gary est designer graphique). Je n’ai rien composé du tout pour le groupe, je n’ai rien fait musicalement parlant. Aucune nouvelle idée (rires). J’aurais peut-être dû, mais tu sais, comme beaucoup de gens, lorsque cette pandémie a démarré, ma priorité a surtout été de garder un toit au-dessus de ma tête, en premier lieu. La musique vient au second plan. Lorsque tu as de l’argent qui rentre régulièrement et par conséquent une certaine sécurité, tu peux alors recommencer à bosser sur la musique. On ne gagne pas d’argent en faisant de la musique. (rires)

Effectivement. Pour les lecteurs qui ne vous connaitraient pas encore, pourrais-tu nous présenter MOLYBARON, ainsi que tous les membres du groupe ?
Ok, alors je m’appelle Gary, je viens de Dublin, en Irlande, et je suis arrivé sur Paris voici environ une dizaine d’années. Vers la mi-2016, j’ai eu envie de créer un nouveau projet, j’avais déjà quelques chansons que j’avais travaillées dans mon studio, mais encore aucun groupe. J’ai rencontré Steve (Steven Andre, guitariste) en premier lieu. Mais non en fait, j’ai d’abord rencontré un chanteur, dont je tairais le nom (rires), avec qui j’ai travaillé pendant 6 mois. Mais il fallait vraiment que je me sépare de lui, car il était quand même un peu taré ! Et je serai probablement devenu comme lui, si j’étais resté (rires). Donc, avec mes 5 ou 6 chansons, j’ai été amené à rencontrer Steve, nous avons trouvé le nom et créé le groupe MOLYBARON, et environ 3 mois plus tard, nous avons fait passer des auditions pour un bassiste. J’ai rencontré Séb (Sébastien de Saint-Angel, basse) par le biais de sa chaine YouTube sur laquelle il postait régulièrement des vidéos. Et bien évidemment, nous l’avons gardé. Puis pendant quelques temps, nous sommes restés sans batteur. Trouver un batteur vraiment bon qui veut bien jouer bénévolement, c’est comme chercher une aiguille dans une meule de foin ! Nous avons déniché un premier batteur qui était bon mais qui n’avait pas envie de s’investir dans un groupe, puis un deuxième, qui nous a laissés un an plus tard pour monter son propre projet. Et enfin, en 2017 seulement, nous avons trouvé Camille (Greneron), mais il faut bien avouer qu’il nous a fallu beaucoup de temps pour trouver cette pépite d’or. Mais nous voulions aussi trouver un chanteur, mais comme nous sommes basés sur Paris, tomber sur la bonne personne, avec un bon accent, une bonne prononciation en anglais, et non les traditionnels « ziss and zat », avec cet accent bien franchouillard ! (rires) Nous avons trouvé pas mal de chanteurs, mais d’une manière ou d’une autre, je n’étais jamais totalement satisfait, pour la simple raison que je souhaitais que l’on ne puisse pas identifier l’origine de mon chanteur. Faire en sorte que ma musique soit la plus universelle possible. Et finalement, nous avons décidé que je tiendrais le micro. Mais je n’avais aucune expérience vocale, je n’avais jamais chanté de ma vie. Lorsque nous avons enregistré le premier album, tu t’en es rendue compte, j’avais fait en sorte de baisser au maximum le son de ma voix. Je ne voulais pas que l’on m’entende trop ! J’ai tout enregistré chez moi, dans mon placard, car c’est l’endroit le plus calme et le moins parasité par les bruits extérieurs.

Mais oui, bien sûr, le fameux placard ! As-tu enregistré les voix de « The Mutiny » là-dedans encore une fois ?
J’aurais dû, à cause de l’acoustique, mais non, pas cette fois. Parce que j’ai enregistré les voix en été. Et tu sais à quel point l’été à Paris, c’est...

Très calme ?
Non ! Très chaud !!! (Eclats de rires) Je n’aurais jamais supporté de crever de chaud dans mon placard. Bref, pour en revenir au premier album, nous l’avons sorti en mars 2017, sans aucune promo, nous n’avions aucune idée de ce que nous faisions, et à l’époque, nous n’avions même pas joué un seul concert. Impossible pour un groupe inconnu de trouver des dates. Puis nous avons rencontré Roger (Wessier, Replica Promotion), qui nous a dégoté quelques petits concerts. On a beaucoup répété par contre, mais nous n’avons finalement pas beaucoup joué live, à nos débuts.

Cela fait maintenant plus d'une semaine que « The Mutiny » est sorti. Quels ont été les retours que vous avez pu avoir, quels genres de réactions attendais-tu de la part du public ?
Eh bien, je me souviens d’une discussion que nous avions eue toi et moi, voici un an et demi. Je t’avais montré l’artwork de l’album et tu ne l’avais pas franchement apprécié...

Je confirme ! Mais j’ai aussi lu que cet artwork plaisait beaucoup...
C’est vrai ! Il se trouve que ta réaction a été celle de la plupart des filles. Mais en même temps, la grande majorité de nos fans, jusqu’à présent, sont des garçons. Et je peux affirmer sans complaisance aucune, vu que je n’en suis pas l’auteur cette fois, que je trouve cette peinture formidable. Je l’adore et je trouve qu’elle colle parfaitement à l’ambiance recherchée. Quoi qu’il en soit, tu me disais à quel point tu aimais l’album, mais qu’il risquait de déstabiliser notre fan-base...

Parce qu’il est très différent du premier...
Complètement différent. Mais c’est un bien meilleur album. Il sonne comme le groupe que nous voulions devenir, et nous avons appris beaucoup de leçons du premier album. Je pense aussi que lorsque tu écris une chanson, tu te dois de te projeter sur scène pour savoir comment elle va sonner. Les chansons du premier album n’étaient pas mauvaises en soi, mais comme la plupart étaient en mid-tempo, c’étaient horriblement difficile de faire bouger les gens. Physiquement, j’entends. Je détestais les jouer, pour la simple et bonne raison que je savais que ce serait encore une fois un énorme challenge pour que les gens se remuent. Tellement décevant aussi ! Lors de l’écriture de ce second album, j’ai constamment pensé à cela : comment puis-je faire pour que le public ne soit pas amorphe et pour l’amener à participer ? Qu’est-ce-que moi, en tant que public, j’aimerais entendre comme rythme ? C’est ce que j’ai essayé de transposer sur ce deuxième disque. Et effectivement, les chansons sont plus rapides, plus énergiques, plus groovy encore, pour que les gens puissent vraiment rentrer dedans dès les premières secondes. Lorsque nous avons tourné avec A PALE HORSE NAMED DEATH, qui joue un doom bien lourd et lent, nous avions peur que leurs fans n’accrochent pas à notre musique. Et au début des concerts, leur public était un peu réticent, mais au fur et à mesure, on voyait les têtes remuer un peu plus, les poings qui se levaient et les gens qui bougeaient, de plus en plus contents. Conclusion, dans un concert de rock, ou de metal, peu importe quel genre tu pratiques, du moment que la musique est bonne, le public appréciera. Mais je m’égare... Tu voulais savoir quelles avaient été les réactions? Elles ont été formidables. Nous avons été élus album du mois dans Rock Hard France, nous avons eu une chronique géniale dans Metal Hammer. C’est comme un rêve ! Avoir ces retours est tellement positif. Pouvoir mettre quelques extraits de ces chroniques dans notre biographie peut ouvrir tant de portes. C’est fantastique. Je me sens tellement soulagé que le public aime l’album. J’avais peur qu’effectivement les fans soient déçus à cause de cette trop grande différence avec le premier. Mais nous n’avons eu que de très bonnes appréciations. Attend, sauf un seul.

Ah bon ? Lequel ?
Oh, un type de Grande-Bretagne, qui nous a vraiment détestés. Il a dû être privé de sexe pendant au moins 7 ans pour être autant en colère (rires), mais peu importe, la grande majorité des critiques a été positive. Le seul truc qui nous a bien ennuyés au début a été que YouTube censure notre vidéo pour "Animals".

Que s’est-il passé ?
Le sang. Trop de sang. Ecoute, quand CANNIBAL CORPSE sort un clip, on sait que ce sera saignant. Mais il suffit de faire un avertissement en amont pour qu’on laisse filer. Et tu ne seras pas censuré. Pour "Animals", malgré la censure, ou plutôt grâce à elle, notre vidéo a été vue plus de 13 000 fois ! Et nous avons eu aussi un très bon ratio de likes. Je suis vraiment heureux et soulagé de constater que notre musique plaise. Cependant, si nous avions 100 000 euros à dépenser pour notre promotion, on pourrait peut-être devenir un grand groupe... (sourire)

Mais ça va venir. Un peu de patience !
Ah, je ne sais pas. Enfin, nous avons eu quand même beaucoup de chance pour notre campagne de crowdfunding. Nous avons largement dépassé notre objectif, ce qui nous a permis de faire plein de choses que nous n’aurions pu faire. De la promotion, bien sûr, mais aussi des goodies pour les fans.



​Pourrais-tu nous parler du processus créatif pour cet album ? Et quelles ont été tes principales sources d’inspiration ?
L’inspiration est quelque chose de vraiment bizarre chez moi. En réalité, je n’écoute pas vraiment de musique actuelle. Celle que j’écoutais quand j’étais plus jeune, dans les années 90, METALLICA, PANTERA, SUICIDAL TENDENCIES, bien sûr. Je suis aussi influencé par la musique orchestrale, des compositeurs de musique de film, Hans Zimmer, John Williams, etc... Tous ces compositeurs géniaux sont ma principale source d’inspiration. Rien d’actuel à part ARCHITECTS et RAMMSTEIN, que j’adore absolument. On m’a demandé l’autre jour dans quelle catégorie placer MOLYBARON, et je dois avouer que je n’en sais fichtrement rien. Comme je te l’ai dit, parce que je n’écoute pas de groupe en particulier, je pense que je tire mes idées d’un peu partout. Et c’est la raison pour laquelle nous sonnons de la sorte.

Et à propos des paroles ? Peux-tu nous dire d’où elles te viennent ? Qu’est-ce qui te motive pour écrire ?
Pour le premier album, c’était clairement politique, notamment les élections américaines de 2016. Mais pour « The Mutiny », j’ai préféré me tourner vers des sujets plus personnels. Lorsque tu écris des paroles, elles doivent être dans le bon tempo, elles doivent rimer, et c’est bien plus difficile d’aborder un sujet particulier comme la politique. La meilleure chose que j’ai pu faire cette fois-ci, comme un gros égocentrique, c’était de parler de moi (rires).

Effectivement, c’est un album bien plus personnel...
Bien plus, oui, même s’il y a un peu de politique, comme pour "Animals". "Ordinary Madness", "Lucifer", "The Hand That Feeds You", elles sont toutes à propos de la dépendance envers soi-même. Etre son propre prisonnier dans sa conscience, dans ses pensées et dans ses actes. "Ordinary Madness" est sans aucun doute la plus personnelle, elle est placée à la fin de l’album, et c’est une réflexion interne sur ma santé mentale et mes batailles. La dépression, les abus de drogues et d’alcool, que j’ai traversés durant ma trentaine, et qui ont affecté ma personnalité, mes émotions. Pareil pour "The Hand That Feeds You", c’est l’environnement que tu te choisis. Et tu es prisonnier du regard des autres, à tel point que tu en oublies qui tu es. Puis, il y a des chansons comme "Lucifer", qui est encore une fois au sujet des abus de drogue et d’alcool. C’est ne pas être capable de faire quoi que ce soit en dehors de ça. "Lucifer", c’est la drogue, c’est ta vie, il te fait planer et tu ne redescends pas. Mais en réalité, tu descends bas, très bas. Tu as toujours envie d’y retourner. Il est celui qui se pose sur ton épaule et te dirige vers le mauvais chemin. Et puis il y a aussi "Prosperity Gospel", qui aborde le sujet des prédicateurs, ceux qui te demandent toujours plus d’argent pour te promettre un paradis illusoire. "Twenty-Four Hours", c’est une romance chimique. Quand le seul truc que tu peux faire c’est trouver un(e) partenaire pour une nuit, pour se droguer et coucher ensemble. Mais tu n’as absolument rien en commun avec lui ou elle. Pour ce morceau, j’avais Whitfield Crane en tête pour un duo. Je lui ai envoyé, il a accepté et il m’a rendu sa partie exactement comme je le souhaitais.

Quelle est ta chanson favorite ?
"Prosperity Gospel", pour moi, c’est la meilleure, celle qui a les meilleures paroles, le meilleur refrain.

C’est marrant, c’est celle qui me fait le plus penser au premier album...
Mais tu sais quoi, tu as raison ! Les paroles sont un peu parlées, comme dans "Apocalypse Shop", et je n’avais pas fait attention avant.

Et quelle est la chanson la plus ancienne ?
Sûrement "Animals". Elle aurait dû être sur le premier album, mais à l’époque, elle ne plaisait pas trop à ceux à qui je l’avais fait écouter. Dorénavant, je n’envoie plus rien à personne. Cela peut devenir une mauvaise influence. Maintenant, j’ai confiance en mon propre instinct. Lorsque j’ai une idée de chanson en tête, fut-elle bizarre ou peu ordinaire, je la compose quand même. Parce qu’elle me plait, et c’est tout ce qui compte.



Es-tu le seul compositeur de MOLYBARON ?
Oui et non. Je compose 99% des morceaux mais Steve a également participé et apporté des riffs et ses solos, notamment sur "The Lighthouse", "Animals" et "Prosperity Gospel". Steve est un bon compositeur, mais il a du mal à arranger les différentes parties d’un morceau ensemble. Construire une chanson actuellement, c’est comme construire un ensemble architectural avec des morceaux de Lego. Steve peut écrire mais il n’est pas un producteur de musique. S’il prenait vraiment le temps de se pencher dessus, il serait vraiment très bon. Donc, oui, c’est moi qui compose la majorité des chansons. Comme dans mon travail officiel, j’aime bosser seul, dans mon propre studio, sans personne pour me dire que faire ou comment le faire. J’aime cette indépendance, cette solitude. Avec personne derrière moi pour interférer dans mon travail. Il est vrai que, par conséquent, je suis à l’origine du son de MOLYBARON. Et si les gars viennent me voir avec des idées qui ne correspondent pas à ce son, ça ne fonctionnera pas. Je sais à quel point cela pourrait être frustrant pour eux, s’ils avaient envie de participer davantage.

Toujours pas de contrat avec un label pour vous ?
Non, mais qui sait ? Les choses vont peut-être bouger... Mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant.

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Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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