Envoûtant et diabolique, ce nouvel album de BORGNE, dixième du nom, pousse encore plus loin le bouchon dans le versant industriel qu’il a adopté depuis déjà quelques années. A peine un an et demi après la sortie du redoutable « Y » dont il constitue la suite logique, « Temps Morts » porte bien mal son nom tant il ne laisse que peu de temps de respiration à l’auditeur. Une nouvelle fois pris au piège dès les premières minutes de "To Cut The Flesh and Feel Nothing But Stillness", pourtant l’un des morceaux les plus accessibles de l’album, celui-ci est plongé tête la première dans la mélasse. Une plongée toujours plus profonde dans l’obscurité aux allures de mètre-étalon pour Bornyhake, instigateur de cette sinistre entité depuis plus de deux décennies. Sous le signe du chaos et des ténèbres, accompagné par sa muse Lady Kaos aux claviers et Bastard à la basse, le patron a une nouvelle fois frappé un grand coup.
Comme évoqué un peu plus haut, BORGNE propose ici la suite logique de ce qu’il perfectionne depuis plusieurs années : une musique toujours aussi sombre, désincarnée, déglinguée. Un salmigondis occulte à souhait où se côtoient boîtes à rythmes désarticulées, guitares accordées à la scie sauteuse et vocalises hargneuses. Le tout baigne dans une ambiance post-apocalyptique où la première partie du disque se noie avec délice. "I Drown My Eyes Into The Broken Mirror" aurait presque des allures de promenade de santé une fois cette éprouvante première partie passée. Mais cela serait plutôt l'oeil d'un cyclone en formation, une ballade cauchemardesque qui marque une frontière avant de rempiler pour une trentaine de minutes en enfer. Les ambiances de plomb reprennent alors la main, toujours accompagnées par cette boîte à rythmes qui semble émerger du néant. Dernier avertissement avant "Everything Is Blurry Now" et ses quinze minutes aux relents de GODFLESH qui résonnent comme un baroud d’honneur ponctué d’une ultime partie dark ambiant à glacer le sang.
Bon pied bon œil donc, le duo helvète BORGNE trace toujours sa route sans sourciller dans l’underground black metal depuis plus de vingt ans. Une longévité exceptionnelle couronnée aujourd'hui avec la parution de ce nouvel album qui n’est pas à mettre entre toutes les oreilles. Il faudra en effet se préparer comme il se doit à encaisser ces soixante-dix minutes... hostiles en diable !