16 juin 2021, 18:53

NEFASTES

Interview Julien Truchan

Blogger : Clément
par Clément

Lorsque trois des membres originels de BENIGHTED se retrouvent en studio, ce n’est pas pour trousser des points de croix mais bel et bien pour donner vie à une nouvelle entité de metal extrême. Et ici, cela donne NEFASTES, nouvelle incarnation de brutal...black metal ! Et oui, le redoutable trio formé autour de Liem N'Guyen, Olivier Gabriel et Julien Truchan s’adonne sur « Scumanity », son premier album, aux charmes du côté obscur de la force. Et pour évoquer la bête, c’est Julien, préposé aux vociférations, qui s’est installé derrière le crachoir…


Bonjour Julien, peux-tu nous en dire un peu plus sur cette association de malfaiteurs qu’est NEFASTES ?
Bonjour Clément ! Bien sûr, alors ce qui est intéressant ici c’est que ce groupe a pris forme très simplement (rires). A la base c’est le projet de Liem, qui a composé quelques morceaux dès l’année dernière suite au décès de Fred, le tout premier batteur de BENIGHTED qui nous a quittés en février 2020. Un peu plus tard dans l’année, Liem m’a contacté en expliquant qu’il s’était attelé à l’écriture de quelques riffs dans un style différent de BENIGHTED, il voulait savoir si j’étais intéressé pour écrire quelques textes et poser ma voix dessus. Et comme je traversais un désert musical à ce moment-là, toutes les dates de BENIGHTED étant annulées, je n’ai pas hésité une seule seconde et je l’ai rejoint dans son délire (rires). C’était trop tentant, Liem m’a offert cette possibilité pile poil au bon moment.
Puis nous avons commencé à discuter plus précisément du projet quand Gab, notre ancien bassiste, a pris part à l’aventure. Nous sommes partis d’une feuille blanche, de manière très spontanée, sans la moindre prise de tête. C’était parfait : nous étions à fond dans ce genre de black metal simple et direct, sans chichi, puis cela a pris de l’ampleur une fois que nous avons commencé à faire circuler les premiers morceaux auprès de nos cercles d’amis...

D’ailleurs le black metal et Julien Truchan : c'est une "love story" qui remonte à quand ?
Bonne question ! J’ai une culture musicale ancrée dans les années 90, que ce soit en matière de black ou de death metal. J’ai découvert cette scène alors que je n’étais pas encore membre de BENIGHTED : des groupes comme MARDUK, DISSECTION, DARK FUNERAL, IMMORTAL, MAYHEM font partie intégrante de mon bagage musical depuis toujours ! J’utilise aussi de temps à autre des vocalises connotées black au sein de BENIGHTED d’ailleurs. Mais la principale différence est qu’avec NEFASTES, je me contente juste ici de hurler (rires) et de m’aventurer encore plus loin dans ce trip. C’est un très beau défi qui m’a été proposé et pour tout te dire, j’ai adoré cette expérience ! C’est arrivé à un moment où j’avais vraiment besoin de décompresser et franchement... cela m’a fait un bien fou.

A ce sujet, as-tu lu certains des ouvrages qui traitent de l'histoire de cette scène comme « Les Seigneurs du Chaos », « Eunolie » ou « L’évolution du Culte » en parallèle de ce bagage musical que tu évoques ?
Non. D’ailleurs je ne prends pas le temps et je n’ai pas toujours le temps de lire. Les seuls livres pour lesquels je me réserve du temps sont liés à la criminologie parce que c’est un sujet qui me fascine, notamment sur le volet psychiatrique en lien avec mon métier (NDLR : Julien est infirmier en psychiatrie). Ma culture black metal marche sur les traces des grandes histoires liées à cette scène que les médias ont relayés durant les années 90. Nous les connaissons toutes sur le bout des doigts et j’imagine que certains de ces bouquins reviennent dessus plus ou moins en détails. Ce qui est intéressant c’est que le black metal est souvent associé au satanisme alors qu’il est, pour moi, lié à ma part animale et à tout ce que j’exprime de plus primaire en termes d’émotions.
 

"J’ai écrit des textes sur ce qui a le don de me mettre en rogne depuis quelques temps à savoir les comportements pervers, égoïstes de certains êtres humains sur les réseaux sociaux notamment."



Il est vrai que les textes de BENIGHTED ont toujours été empreints de ton expérience professionnelle dans le milieu psychatrique, est-ce encore le cas avec NEFASTES ?
Pas du tout... et c’est tant mieux ! Je suis parti sur quelque chose de différent, qui en effet, n’a rien à voir avec la psychiatrie. J’ai écrit des textes sur ce qui a le don de me mettre en rogne depuis quelques temps à savoir les comportements pervers, égoïstes de certains êtres humains sur les réseaux sociaux notamment. NEFASTES est le reflet de ces colères profondes, c’est d’autant plus personnel pour le coup.

« Scumanity » est d'ailleurs sauvage, viscéral, sans temps mort...
Oui et bizarrement, alors que nous sommes en 2021, NEFASTES aurait plutôt sa place quelque part au milieu des années 90 (rires). L’esprit old-school est vraiment présent et que ce soit pour Liem, Gab ou moi, notre culture black metal renvoie aux groupes de cette époque. Notamment les plus violents d’entre eux comme DARK FUNERAL ou MARDUK. C’est quelque chose qui doit être inscrit dans nos gênes ! La scène actuelle, notamment ce qui est qualifié de "post-black-metal", comporte beaucoup plus de mélodies et d’émotions, certes, mais il lui manque l’essentiel : de la méchanceté, de l’agressivité. De la sueur et du sang !

En t’écoutant évoquer ces années-là, je sens la nostalgie pointer le bout de son nez...
Oui, nous pouvons parler de nostalgie. Et pas que pour la musique, car de très bonnes choses ont vu le jour depuis mais c’est surtout la démarche pour accéder à la musique qui est différente aujourd’hui. Penses-tu ! Ecouter un album de la première à la dernière seconde, en prenant son temps, en lisant les textes à l’intérieur du livret tout en admirant la pochette, cela semble tellement inédit de nos jours. En 2021, ce n’est plus nous qui venons à la musique mais c’est elle qui vient à nous, en un clic. Elle se "consomme" sur Spotify, sur YouTube, en abondance et en jonglant d’un morceau à un autre sans prendre le temps d’aller jusqu’au bout et de saisir la démarche artistique du groupe... Aller chez ton disquaire pour découvrir les dernières nouveautés n’est plus une norme car l’auditeur potentiel est dans une posture de consommateur qui peut choisir ce qu’il veut dans cet océan de choix qu’est internet. Le tout en quelques minutes dans un contexte où l’offre, pléthorique, dépasse la demande ! Oui c’est une époque étrange que nous vivons, dans laquelle je ne me reconnais pas vraiment.
 

"Nous sommes là avant tout pour nous éclater et partager : nous ne sommes pas des rock-stars !"

 

Revenons sur le titre de l’album, « Scumanity », contraction des termes « Scum » (NDLR : "la crasse" en anglais) et « Humanity » : n’as-tu donc plus d'espoir en notre humanité, en l’espèce humaine ?
Comme je te le disais précédemment, les textes de NEFASTES sont avant tout basés sur la frustration et la colère qui m’ont envahi ces derniers temps lorsque je pensais à l’être humain. Quand j’assiste à la démission de certains parents quant à l’éducation de leurs enfants, qui pensent que c’est la société qui va les élever pour eux. Quand je pense aussi à ces connards moralisateurs qui sont légions sur les réseaux sociaux, trollant à tout va dans les commentaires. Sur facebook, notamment, il faut que tout le monde voit bien derrière son écran qui aura le dernier mot, qui aura la plus grosse (rires)...

Pire que l’univers impitoyable de "Dallas" (rires). Dis-moi Julien quand on jette un coup d’œil dans le rétro entre la sortie de l’album « Benighted » en autoproduction en 2000 et ce monstre qu’est « Scumanity » qui sort aujourd’hui chez Source Atone Records… qu’est-ce qui te vient à l'esprit quand tu repenses à ces deux décennies d’activisme musical ?
C’est la passion ultime qui m’a accompagné dans la construction de ma vie en fait. La musique prend une part énorme dans mon quotidien et quand je repense à ces vingt dernières années, j’éprouve un certain plaisir. Je suis parti d’un groupe de potes avec lequel je répétais tous les samedis dans le garage de mes parents... et mine de rien il n’y avait pas autant de groupes qui blastaient comme nous à l'époque ! Ensuite, nous sommes arrivés à nous faire signer pour le deuxième album de BENIGHTED, « Psychoses », par Adipocere. Chaque palier que nous avons franchi depuis, nous l’avons fait avec les moyens dont nous disposions à ce moment-là. Nous restons intègres dans notre démarche et je pense que le public nous suit toujours, vingt ans plus tard, pour la passion que nous mettons dans chaque album que nous composons, que ce soit avec NEFASTES ou BENIGHTED. Nous sommes là avant tout pour nous éclater et partager : nous ne sommes pas des rock-stars !

Tu es régulièrement sollicité pour réaliser des featuring : ABORTED, CYTOTOXIN, EMETH, EXOCRINE, OTARGOS, DISBELIEF entre autres. Pourquoi tous ces groupes font appel à toi sur leurs albums ?
La plupart des groupes pour qui j’ai fait des featuring ont tourné avec nous, et cela constitue presque le prolongement naturel de notre collaboration avec eux hors des planches. Pour DISBELIEF et CYTOTOXIN, par exemple, c’est un featuring que j’ai fait en retour. Il y a d'ailleurs un côté très "famille" avec ces groupes et je trouve que nos couleurs vocales se complètent, j’essaie juste d’y apporter un petit plus à ma façon.

Parlons du futur, comment imagines-tu ce fameux premier concert qui se tiendra après plus d'un an de disette ? Quand aura-t-il lieu ?
En ce qui concerne NEFASTES, nous n’avons pas prévu de date car le projet est pour l’instant destiné à rester un projet studio. Et pour BENIGHTED, je dois t’avouer que cela fait un an que nous programmons, déprogrammons et reprogrammons chacune des dates initialement planifiées ! Nous commençons à avoir l’habitude, malheureusement. Concernant la prochaine date qui est prévue, celle-ci, au moment où je te parle est notre participation au festival Summer Breeze... si tout va bien.

C’est tout le mal que je te souhaite. En parlant de 2021, as-tu eu un coup de cœur depuis le début de cette année ?
Oui ! INHUMATE a sorti un album, « Eternal Life » en début d'année qui est juste énorme ! N’attendez pas une seconde de plus et jetez-vous dessus : il bute (rires)

Ces derniers mots seront les tiens…
Un grand merci à toi Clément et à toute l’équipe de HARD FORCE pour votre support sans faille ! A bientôt sur les routes... j’ai trop hâte !

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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