24 juin 2021, 19:00

PESTILENCE

Interview Patrick Mameli

Blogger : Clément
par Clément

Quel plaisir de retrouver Patrick Mameli, fondateur de PESTILENCE, au détour d’une discussion à bâtons rompus et autour du dernier album de son groupe, « Exitivm ». Toujours en forme, trente-cinq après sa création, malgré des hauts et des bas qui l’ont conduit à mettre en sourdine pendant une décennie son activité le voilà de retour avec un nouveau méfait, un nouveau label et une envie toujours aussi vivace de transmettre sa passion du death metal au public. C’est dans cette optique qu’il a pris le temps de s’expliquer sur tout cela avec HARD FORCE, un entretien que nous vous partageons sans plus attendre...


Bonjour Patrick. Tout d'abord, j’aimerais savoir comment tu as vécu en tant que musicien cette période si compliquée : en quoi cette pandémie a-t-elle influencé ton quotidien ?
Bonjour Clément, cette pandémie n’a pas eu autant de répercussions que ce que j’aurais pu imaginer. J’ai pu travailler sur de nouveaux morceaux, me dédier à la composition sans me poser trop de questions. Alors oui, le fait de porter un masque en permanence n’était pas forcément des plus agréables mais j’ai eu la chance d’avoir pu m’arranger avec ma femme pour les affaires communes, courses et compagnie, que nous avons chacun effectué à tour de rôle (rires). Je pense que le plus important dans cette histoire est de ne pas rester scotché à ton smartphone en lisant les actualités toutes plus pessimistes les unes que les autres quant à l’issue de la situation.

Démarrons avec ce neuvième album « Exiitivm », quand avez-vous commencé à travailler dessus ?
Nous avons commencé à travailler dessus avant la pandémie, quelque part en 2019, pour poser les premières idées que nous avions sur bandes sans se mettre la pression. Quelques riffs lâchés comme ça, une ambiance de travail détendue qui nous a permis de prendre la température au sein du groupe avant de se remettre au boulot, rien de plus. C’était malgré tout que chose de très sérieux, car chacun d’entre nous était animé par l’envie de faire quelque chose qui sortait du lot, en évitant de se répéter. Pour être honnête avec toi, je ne suis pas une « machine à riffs » et je ne voulais pas décevoir notre public sans lui proposer quelque chose de neuf, avec un concept fort et une identité bien palpable.  

Je vais éviter de te balancer le fameux "album de la maturité" en parlant de cet album mais ce qui me frappe le plus ici, c'est la capacité à rassembler toutes les périodes musicales du groupe sur ces douze nouveaux morceaux...
Merci, c’est en effet ce que nous avons voulu proposer avec « Exitivm ». Cet album a quelque chose de spontané, d’honnête qui transpire par tous les pores (rires). Nous avons voulu ouvrir nos chakras sans nous soucier de ce qui pourrait être bon ou moins bon. C’est d’ailleurs assez simple, quand j’ai une mélodie en tête je la balance comme cela et chacun est libre de donner son avis sur celle-ci. Alors oui, même si je veux avant tout proposer quelque chose de nouveau, de frais, parfois la nostalgie s’empare de moi et j’en reviens à ce qui a fait le succès de PESTILENCE sur nos premiers albums. Mais toujours en ayant à l’esprit de garder les bases et d’apporter un souffle nouveau à l’ensemble. La technologie évolue elle aussi et celle-ci nous a permis de tester des choses que nous n’aurions pas pu expérimenter à l’époque. Le principal est de se renouveler, de ne pas stagner et d’aller toujours de l’avant !

Les paroles tournent cette fois-ci autour de "la domination globale", "la maladie mentale induite", "les démons intérieurs et extérieurs", est-ce que quelque chose de nouveau pour le groupe ?
C’est exact, il faut avoir à l’esprit que lorsque nous avons démarré PESTILENCE, il y a de cela trente-cinq ans, nous n’avions pas encore une vision claire de ce que nous voulions exprimer. Si tu prends le temps de regarder de près les paroles des trois premiers albums, alors écrites par Marco Foddis (NDLR : le batteur du groupe), celles-ci étaient purement « death metal » ! Et puis, nous avons évolué et voulu faire quelque chose de différent…de plus subtil. Je me suis dit à ce moment qu’il fallait utiliser PESTILENCE pour parler d’autre chose. Je ne voulais pas que l’on se souvienne du groupe comme de celui qui parlait uniquement de zombies, de gore et de mort ! Nous avons pris alors un virage plus « psychologique », notamment avec « Spheres ». Il est pour moi normal, en tant que musicien, d’inviter nos auditeurs à réfléchir différemment. De pouvoir se projeter, d’imaginer quelque chose de nouveau et de se remettre en question. N’oublions pas que nous vivons tous dans un monde technocratique dans lequel chacun d’entre nous créons nos propres démons. Des démons engendrés par une manière de penser, de vivre qui condamnent ceux qui osent penser différemment. Notre liberté, notre santé, notre vie sont régies par un monde gouverné par quelques individus bien peu soucieux de notre bien-être, au contraire. « Exitivm » comporte à ce sujet des paroles très personnelles…et sans la moindre concession.

Concernant l'artwork, vous travaillez avec Michal Xay Loranc depuis la sortie de « Hadeon ». Cet artiste a fait une nouvelle fois un gros travail sur les contrastes entre les couleurs...
Michael a fait un super boulot sur « Hadeon », il était donc logique qu’il soit à nouveau à la manœuvre sur ce nouvel album. Il possède vraiment cette fibre pour retranscrire avec un certain talent nos émotions et, ce, avec une totale liberté. Michael a repris cette « boule mécanique » que l’on retrouve sur chacun de nos albums, qui constitue une métaphore pour nous : elle est éternelle, immortelle et personne ne peut l’arrêter. Le cerveau qui figure dans le centre de cette boule représente les pensées humaines, il est entouré de prêcheurs mais aussi de démons, ces derniers sont nos démons à nous. Tous ces démons qui se cachent derrière la dépression, le mal-être, les médicaments utilisés à tort et à travers, la violence des réseaux sociaux, tout ce que la société met en œuvre pour nous rendre accros. Nous sommes prisonniers à différents degrés de cet écosystème, que nous le voulions ou non.

Pour faire le lien avec les textes, que reproches-tu à cette société qui nous rend captifs de ces travers ?
Aujourd’hui tout va très vite, trop vite. Prenons le sujet de la création de musique : les ados disposent déjà d’un home-studio avec des logiciels prêts à l’utilisation, sans avoir besoin d’acquérir du matériel à prix coûteux. Quelques clics sur un PC sans notion de solfège, de musicalité permettent de réaliser un morceau en moins d’une heure, c’est juste dingue ! Mais il manque quelque chose à tout cela : l’énergie, la passion, la créativité. Les morceaux produits de cette manière sont bons, avec plein de riffs et d’effets…mais ils n’ont pas d’âme pour la plupart. L’intelligence artificielle ne fait pas tout, il faut pouvoir reproduire tout ce qui est composé sur une scène, devant un public. Il ne faut pas oublier cela.

Pour en revenir à PESTILENCE, tu es le principal maître à bord depuis les débuts de ce groupe, en 1986, comment résumerais-tu cette aventure musicale unique en quelques mots ?
En fait je peux te résumer cela très simplement : Je fais ce que je veux (rires). J’ai toujours voulu faire ce qui me plaît sans ressentir le besoin de faire partie d’une scène, je veux juste amener PESTILENCE à un niveau supérieur sur chaque album. Cette liberté que je cultive depuis toujours permet de me détacher de ce qu’attendent les auditeurs et également le label. Je trouve qu’il n’y a rien de plus frustrant que de ne plus surprendre notre public, de lui donner toujours la même chose sans prendre de risques. Il me semble que c’est une profonde marque de respect pour lui que de se ré-inventer. Concernant le label, lorsque PESTILENCE était signé chez Roadrunner, nous n’avions aucune liberté de mouvement. Il fallait délivrer une musique dans l’air du temps, calibrée au millimètre près pour satisfaire un public avide de nouveautés. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée avec l’arrivée du format mp3 et de la digitalisation de la musique depuis le début des années 2000. Le label ne compte plus que sur les ventes d’album pour faire du business avec un groupe. Me concernant, j’ai appris beaucoup de choses pendant ces trente-cinq années, humainement et musicalement parlant. Je me suis fait avoir à de nombreuses reprises en matière de royalties avec PESTILENCE alors j’ai pris un soin tout particulier à étudier la signature avec Agonia sous toutes les coutures. Et notre collaboration se passe très bien avec un respect mutuel entre chaque partie. Enfin, pour en revenir à la technologie, celle-ci n’a pas que des côtés négatifs puisqu’elle nous oblige aussi à nous réinventer en tant que musiciens. J’ai en tête à ce sujet le groupe KINGS OF LEON qui est devenu le premier à sortir son nouvel album sous forme de NFT (non fungible token), un nouvel ovni de la blockchain qui connaît un emballement depuis quelques semaines. Nous n’en sommes qu’au début des interactions avec la crypto-monnaie !

Que peut-on te souhaiter pour la suite de l’aventure PESTILENCE ?
Pour moi, pas grand-chose à vrai dire, mais pour l’humanité ce serait un message de ce genre : « ouvrez grands vos yeux, allez discuter avec vos voisins, oubliez vos smartphones ne serait-ce qu’une journée pour retrouver le goût de l’échange, de l’interaction ». Il y a trop de choses négatives, malsaines sur les réseaux sociaux : les trolls, les insultes, la haine. Cela n’a aucun intérêt de cultiver ce côté obscur, il faut plutôt aller chercher la lumière ailleurs. Evidemment personne ne peut arrêter le progrès technologique, il faut savoir composer avec celui-ci pour en tirer quelque chose de positif. C’est très important : pensez à notre futur, pensez à nos enfants…

Merci encore pour cet échange Patrick...
Un grand merci à toi Clément et à toute l’équipe de HARD FORCE, votre support est précieux dans cette période difficile pour l’ensemble des musiciens. Nous croisons les doigts pour reprendre le chemin de la scène et avons hâte de présenter ce nouvel album live auprès de nos fans. En attendant, vous pourrez nous retrouver cet été au festival Camunia Sonora le 24 juillet à Brescia en Italie avec CORONER et DESTRUCTION notamment. A bientôt !


Concours : Remportez votre exemplaire de l’album « Exitivm » en répondant à la question suivante : « Combien d’albums a sorti PESTILENCE en comptant « Exitivm », avec vos coordonnées postales à cette adresse concours@hardforce.com
 

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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